ONDOA ODI Christian Hervé Cycle de Recherches Département de Philosophie Université de Yaoundé 1 Téléphone : (237) 691895200 – (237) 672470409 Email : odiondoa@gmail.com

ART NEGRO-AFRICAIN ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE. POUR UN DEVELOPPEMENT TECHNO-ESTHETIQUE NEGRO-AFRICAINE

Résumé
Cette réflexion est une analyse du binôme Art négro-africain/Intelligence artificielle. Tout au long de cette analyse, nous avons essayé de dégager les défis et enjeux liés à la conjonction de l’art négro-africain et l’intelligence artificielle, tout en soulevant les problèmes anthropologique et métaphysique qui en découlent. L’enjeux principal étant de rendre encore plus dynamique, plus moderne, plus productif et plus compétitif l’art négro-africain à travers la mise en œuvre d’une techno-esthétique négro-africaine qui pourrait intégrer les catégories de la culture numérique telles que le design—esthétique industrielle—, le Logos Images Automaton, les interfaces…etc. qui traduisent la techno-visuelle et pourront, à notre avis booter économie numérique. Ainsi donc, en ruinant l’essentialisme et le traditionalisme esthétique négro-africain, nous pourrons, avec l’adjonction de l’intelligence artificielle, aboutir à un art négro-africain amélioré et augmenté. Mots clés : Art négro-africain, technoscience, Intelligence artificielle, techno-esthétique, virtuel, économie numérique, développement.

Abstract
African black art and artificial Intelligence may go together in other to build an african techno-aesthetic. It is the focus of this dissertation. So, our analyze show that the technoaesthetic may be the new way that african black art could follow in other to increase its value, to be modern and competitive in the wold. In that perspective, we just present many steps to help analyse the state of digital art work including virtual art. We think that african black art could integrate design—industrial aesthetic—, Logos Images Automaton, interfaces, computergenerated and so on.

Key words: African black art, technoscience, artificial Intelligence, techno-aesthetic, computer-generated, numeric economy, development.

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INTRODUCTION

« Tous ces débats qui ont leur source dans l’esthétique théorique de Baumgarten, et qui se poursuivent dans la théorie esthétique où l’on ne reconnaît aucune fonction sociale à l’art, se retrouveront donc en arrière-fond des problématiques africaines de l’esthétique qui, elles, se prononcent ouvertement sur la fonctionnalité essentielle de l’art. »1

Les problématiques africaines gravitent autour de l’identité culturelle du Négro-africain, et ce, depuis la différenciation civilisationnelle établie par l’Occidentalocentrisme—Raison et émotion—, et s’intéressent surtout à la question du développement du continent africain. Sur cette question du développement de l’Afrique, Léopold Sédar Senghor, Kwame Nkrumah, Engelbert Mveng, Paulin Hountondji, Marcien Towa, Fabien Eboussi Boulaga, Achille Mbembe, Ebénézer Njoh Mouéllé, Jean-Godefroy Bidima, pour ne citer qu’eux, ont tous analysé la « tradition africaine »—entendue comme « production culturelle » africaine—dont l’art négro-africain en parallèle avec la « tradition occidentale », la technoscience. L’art négroafricain, dont la place dans le processus du développement de l’Afrique est incontestable, loin d’être théorique, se veut plutôt pratique, puisqu’il a, comme l’indique Hubert Mono Ndzana, « une fonction sociale ».
Ainsi, du fait de cette fonctionnalité sociale, conjoindre et coordonner l’art négroafricain à la technoscience, notamment à l’intelligence artificielle n’est pas une entreprise inféconde compte tenu de l’impératif de développement qui se pose et s’impose à toutes problématiques africaines en général, et celles liées à l’« esthétique du développement » en particulier.
Si l’art négro-africain est souvent conçu par certains suivant une approche traditionaliste voire suivant un essentialisme nostalgique d’ « un passé qui ne passe pas », il devrait pourtant dépasser, surpasser, surclasser et transcender les frontières de cet essentialisme2 et passéisme3

1 Hubert Mono Ndzana, La philosophie négro-africaine. Essai de présentation générale, L’Harmatan, Paris, 2016, p. 383. 2 « La formule l’art en Afrique ne sera pas notre propos, car elle suppose parfois un idéalisme consistant à croire qu’il existe une essence de l’art autoconsistante », Jean-Godefroy Bidima, L’art négro-africain, PUF, (Que sais-je?) Paris, 1997, p.5. 3 « En Afrique l’art est en suspens, comme intimidé, sur le seuil. On lui fait partout bon accueil, mais c’est son passé qu’on reçoit plutôt que lui-même. Ainsi se tient-il à la porte de la communauté internationale. », Collectif, Sculpture contemporaine, les Shonas d’Afrique, Paris, Musée Rodin, 1971, p. 3. Cité par Jean-Godefroy Bidima, op. cit., p.5.
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c’est-à-dire le « rêve d’un paradis perdu, poursuite d’un fantasme » pour, comme le note Godefroy Bidima, tendre vers un « possible », un « progrès infini » qui est pour Puis Ondoua « corrélatif de l’indétermination du possible et de l’avenir par la volonté consciente »4 ; s’ouvrir donc à de nouveaux horizons ; sortir de la tutelle ancestraliste, de ce que Charles Romain Mbele appelle « ghetto théocratique »5 porté par l’ethnophilosophie—qui pourrait également s’assimiler au « ghetto artistique »6 de Luc Reuter—; rompre avec la vision passéiste du développement comme le propose successivement Towa et Hountondji :
Ce n’est pas le fait d’être consigné dans la Bible ou dans le Coran, ou bien d’appartenir à la tradition africaine qui confère de la valeur à une tradition, mais uniquement le fait de répondre à nos besoins et aspirations actuelles, de nous aider, de quelque manière, à affronter nos problèmes actuels, qu’ils soient d’ordre matériel, politique, éthique, théorique ou esthétique.7

L’art négro-africain devrait donc, selon la formule de Njoh Mouéllé, « nous aider à sortir du sous-développement et à réaliser le progrès économique, social, mais aussi moral. »8Il s’agit d’intégrer la technoscience qui, nonobstant le « pessimisme technoscientifique »9 ou technophobie, constitue pour Marcien Towa et Fabien Eboussi Boulaga—malgré leur opposition sur la tradition africaine spécifique—un vecteur paradigmatique et axiomatique du développement de l’Afrique. C’est la technoscience, sous ses diverses formes notamment en ce qui concerne l’intelligence artificielle, qui (a)mènerait l’Afrique à l’atteinte du statut de puissance et la sortira de la « raque de l’histoire », puisqu’elle recèle « le secret de la puissance de l’Occident », mais encore le « secret du secret de l’Occident » que les Africains doivent déceler ou « voler » :
le secret de la puissance de l’Europe réside dans la science et la technique, lesquelles ont pris un tel essor que leur maîtrise nécessite de grandes dépenses et un vaste programme de formation de savant, d’ingénieurs et d’ouvriers spécialisés. Aucun

4 Puis Ondoua Olinga, Positivité scientifique et positivisme idéologique. Une analyse épistémo-politique du fétichisme de la science, thèse de doctorat d’Etat, Université de Toulouse-Le-Mirail, 1989, p. 414. 5 Charles Romain Mbele, Le ghetto théocratique, L’Harmattan, Paris, 2017, p. 3. 6 Luc Reuter , «L’art africain contemporain» existe-t-il ? », in 8e édition de la Biennale de l’art africain contemporain, Dak’Art, Dakar, au Sénégal, 9 mai au 9 juin 2008, p. 36. 7 Marcien Towa, « Les conflits entre traditionalisme. Recherche d’une solution ». Communication faite u premier colloque sur la littérature et la critique littéraire camerounaise. 8 Ebénézer Njoh Mouéllé, De la médiocrité à l’excellence, (Essai sr la signification humaine du développement) Yaoundé, Clé, 1998, pp. 60-61. 9 Tendance philosophique qui critique « la civilisation industrielle et la rationalité comme volonté de « renonciation au désir d’être soi » parce que « la rationalité, c’est la terreur », la violence, l’instrumentalisation de la guerre totale qui se donne pour tâche d’anéantir l’essence du soi pour devenir l’Autre en niant sa dignité, sa personnalité morale et son identité collective. » Charles Romain Mbele, Le ghetto théocratique, op. cit., p. 233. L’école de Francfort en est une tête de proue de ce pessimisme. C’est sur elle voir sur la critique habermassienne de la technoscience que s’appuie Puis Ondoua Olinga pour dénoncer l’instrumentalisation de la raison.
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projet de révolution économique n’est convenable sans cette infrastructures scientifico-technique10. L’intelligence artificielle relève de cette technoscience. En effet, l’intelligence artificielle intègre la rationalité en s’inspirant de l’intelligence humaine11. Cette Intelligence artificielle, puisqu’elle relève de la raison humaine, se veut personnification, une figure de style humain, trop humain, mais surtout sur/transhumain, et incorporée dans des machines :
Intelligence Artificielle raisonnante donne déjà la science aux ordinateurs, permettant d’envisager qu’ils dépasseront bientôt l’homme de très loin en culture générale. Mais un des rêves essentiels de l’homme, c’est de créer une machine intelligente à son image, peut-être pour poursuivre la tradition déjà exprimée dans la Genèse… Ce ne sera pas l’ordinateur mais le …robot. La différence entre les deux est essentielle : le robot peut agir partout comme le ferait un humain alors que l’ordinateur est cloué derrière votre bureau12. Par intelligence artificielle, il faut comprendre, avec Marvin Lee Minsky,
La construction de programmes informatiques qui s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon plus satisfaisante par des êtres humains, car elles demandent des processus mentaux de haut niveau tels que : l’apprentissage perceptuel, l’organisation de la mémoire et le raisonnement critiqué. »13 De ces propos de Minsky, il faut retenir deux choses essentielles : la première est que l’intelligence artificielle relève du régime numérique ou « civilisation numérique » ; la deuxième est qu’elle veut reproduire le système de fonctionnement du cerveau ou système neuronal ; reproduction de l’intelligence humaine qui renvoie bien évidemment à la mimésis, concept utilisé par Platon, Aristote pour caractériser l’art, bien qu’avec Kant, la « reproduction »14 est l’œuvre d’un génie, d’un talent qui fait de l’art « la belle représentation » d’une chose.
Il est question de la numérisation de l’art ; l’intelligence artificielle « émerge des connections entre les agents, et sa complexité correspond à la totalité de leurs actions »15 avec des machines capables de faire face aux problèmes dont les solutions demandent des raisonnements et des prises de décisions, l’interprétation du langage naturel ou encore la reconnaissance d’images. Et c’est à ce niveau que l’on peut davantage noter le rapprochement

10 MarcienTowa, « La fonction normale de l’école dans la nation », in ABBIA, mai 1963, p. 80. 11 Bergson affirme qu’ « un être intelligent porte en lui de quoi se dépasser lui-même » ; et Howard Gardner propose les catégories d’intelligence suivantes : l’intelligence logico-mathématique, l’intelligence spatiale, l’intelligence interpersonnelle, l’intelligence corporelle-kinesthésique, l’intelligence verbo-linguistique, l’intelligence intrapersonnelle, ou encore l’intlligence musicale donc artistique. 12 Jean Pierre de Lespinay, Conscience artificielle et robotique : fin de l'évolution humaine, 2009 13 Googleweblight.com. 14 Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger, Gallimard, Paris, 1985, p. 266. 15 Marvin Minsky, La société de l’esprit, Éd. Interéditions, Paris, 1997, p. 28-29.
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de l’intelligence artificielle avec l’art, l’art « exosomatisé »16 c’est-à-dire l’art dont le sens et la nature originaire ont été modifiés par les technologies. L’intelligence Artificielle, cette dénomination englobe actuellement les appellations « art à l’ordinateur », « art informatique », « art électronique » et l’« art numérique »17. Elle permet d’effectuer ce que Lafon appelle « image numérique »18. Ainsi jointe à l’art, l’intelligence artificielle ; aboutie à ce que Kerinka appelle « automate artistique » qui se caractérise par la créativité, jointe à la virtualité, au numérique, à la linguistique, aux applications et startups, tous relevant de logos image automaton en abrégé LIA—à partir duquel l’on peut obtenir une image en introduisant un mot ou une phrase— :
LIA est un automate-artiste, ou encore un artiste artificiel. Il est conçu comme un logiciel qui opère en ligne et son principe de création est la collaboration hommemachine. C’est un automate passionné par l’écriture, et surtout par les propriétés visuelles des lettres. De là vient son nom LIA, abréviation de l’expression Logos Image Automaton. (…) Chaque lettre a une beauté géométrique très particulière et la combinaison des lettres dans une phrase suscite chez lui l’envie de composer des images. Son imaginaire est hanté par les couleurs et les formes de l’univers virtuel, transcrites en valeurs numériques, et les opérations de rotation, de projection en miroir ou d’assemblage d’images font partie de ses actions artistiques les plus ordinaires19 Du fait de cette créativité artistique de LIA, il apparait que l’art négro-africain, entendu comme l’ensemble de productions et de créations propres au monde noir ne saurait exclure la technoscience : l’activité génératrice du Négro-africain qui doit, selon Senghor, « accéder à la modernité sans piétiner notre authenticité » et honorer le « rendez-vous du donner et du recevoir en ce siècle de la civilisation de l’Universel »20 ; et qui pour Eboussi Boulaga est la « condition d’un autre regard sur le réel, d’une distanciation qui permet la création…qui remplit une fonction expérimentale » mais qui, sans l’authenticité de laquelle serait désuète et stérile

16 Ebénézer Njoh Mouéllé, Transhumanisme, marchands de science et avenir de l’homme, Coll. Eclairages philosophiques d’Afrique, L’Harmattan, Paris, 2017, p. 13. 17 Nikoleta Kerinska, Art et intelligence artificielle : dans le contexte d’une expérimentation artistique, thèse de doctorat, Sous la direction de Bernard Guelton, Université de Paris 1 - Panthéon-Sorbonne, 2014, p. 177. 18 L’image numérique une « surface interface ». « Surface », car elle s’exhibe sur l’écran dans toute la potentialité de son apparence ; « interface », car elle rend possible la communication entre l’intérieur et l’extérieur, entre le monde logique de la machine et la réalité phénoménologique de l’homme. Selon lui la métaphore qui correspond à cette image est celle de l’« ange ». Un ange est un être intermédiaire, qui communique entre le monde des hommes et celui des dieux. De même l’image numérique est cet « ange-image », « messager entre le monde sensible et le monde intelligible ». Il s’agit donc d’une image qui dépasse les bornes du visuel pour incorporer dans son mode existentiel le code. Le code conserve toute l’information nécessaire pour que l’image existe ; grâce à lui, l’image devient un objet numérique qui peut exister dans la mémoire de la machine sans être évoquée sur l’écran, sans prendre une forme visuelle. Jacques Lafon, Esthétique de l’image de synthèse, Éd. L’Harmattan, Paris, 1999. p. 16. 19 Nikoleta Kerinska, op.cit., idem. 20 Leopold Sédar Senghor, « Problématique de la Négritude », in Le Soleil N° spécial, Colloque sur la négritude, 8 mai 1971, Dakar. Voir aussi Négritude, Arabité et Francité, p. 15. Il s’agit pour le Négro-africain d’ « assimiler sans être assimilé ». Senghor prône ainsi la conservation du patrimoine traditionnel africain, la Négritude, l'africanité, tout en gardant une ouverture aux autres civilisations.
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car, « l’authenticité est illusoire si la rationalité reste étrangère à tous égard, si elle ne s’exprime pas à travers les instrumentalisations de la technologie »21. Cela revient à dire , avec Towa, que « c'est la destruction des idoles traditionnelles qui seule permettra d'accueillir et d'assimiler l'esprit de l'Europe, secret de sa puissance et de sa victoire sur nous »22, mais d’ « assimiler sans être assimiler »23 comme l’avait indiqué Senghor.
Nous avons bien évidemment affaire à la technoscience par laquelle l’intelligence artificielle devrait apparaitre comme nouvelle articulation de l’art négro-africain. D’où le problème de la place mieux apport de l’intelligence artificielle dans l’esthétique négro-africaine du développement. De ce fait, compte tenu du fait que « le développement n’est qu’un autre nom de la civilisation industrielle, laquelle repose (…) sur la science, la technologie et le management »24, quels sont les défis et les enjeux de la conjonction et de la coordination de l’art négro-africain et de l’intelligence artificielle en Afrique ? A l’ère de la promotion de la technoscience, de la mise en œuvre de l’homme-machine, l’art négro-africain peut-il se passer de l’intelligence artificielle ?












21 Fabien Eboussi Boulaga, La Crise du Muntu. Authenticité africaine et philosophie, Présence africaine, Paris, 1977, p. 228. 22 Marcien Towa, Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle, Editions CLE, Yaoundé, 1971, p.52. 23 Leopold Sédar Senghor, op. cit., p. 15. 24 Marcien Towa, « Identité et identification », in David Simo, (sous direction de) Construction identitaire en Afrique, éd. CLE, Yaoundé, 2006, p. 48.
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PARTIE I : FAIBLESSES DE L’ART NEGRO-AFRICAIN ET ATOUTS DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
A- Faiblesses de l’art négro-africain

a- Un art traditionnel

L'art contemporain en Afrique s'est construit en procédant à un « bricolage » des structures et des scénarios préexistants à partir desquels s'étaient constitués les genres précoloniaux ou coloniaux plus anciens. C'est dans un sens structurel, et du fait des habitudes et attitudes des artistes par rapport à la création artistique, plutôt que par une quelconque adhésion à un style, un médium, une technique ou une thématique en particulier, que cet art est distinctement « africain »25.

L’art négro-africain est un art traditionnel. En effet, bien que l’on attribue aujourd’hui le qualificatif « contemporain » à cet art, il reste comme le souligne Sidney Littlefield Kasfir, « bricolage » des « genres précoloniaux ou coloniaux plus anciens », c’est le préexistant que l’on veut reproduire. En fait, si le critère de classification des civilisations était leur degré de technicité, la technique artistique négro-africaine, loin de s’arrimer à la technoscience qu’elle considère comme culture étrangère, reste adossée aux traditions négro-africaines. On peut davantage comprendre le pessimisme technoscientifique qui s’est développé parmi les penseurs africains. L’Afrique ne pouvait non plus gagner sur ce terrain où, du reste, elle n’était pas conviée, personne ne lui ayant demandé en quoi consistait sa technicité et quelle était la finalité de celle-ci.
La fixation au traditionalisme apparait comme un problème majeur de l’art négroafricain. Cet art fonctionne à travers les rites et coutumes des religions de son terroir. L’on comprend pourquoi les missionnaires avaient alors brulés les objets d’art négro-africain qu’ils qualifiaient d’« idoles », termes bien curieux pour désigner les sculptures dont les églises chrétiennes, les catholiques romains surtout, ne sont pourtant pas dépourvues malgré les protestations énergiques des contestataires qui porteront désormais le sobriquet de

25 Sidney Littlefield Kasfir, L'art contemporain africain, Paris, Thames and Hudson, 2000, p. 9.

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«protestants», dans la polémique contre les images des «païens», «fétiche» est constamment associé à «idole» et «idolâtrie».
L’impact visuel des pièces d’art traditionnel négro-africain pour les populations du continent se passe de tout commentaire. Elles sont souvent chargées de souvenir du fameux « paradis perdu ». Elles sont des composantes essentielles d’une identité à retrouver ou retrouvée. C’est donc le traditionalisme qui rend faible l’art négro-africain. Il est de ce fait difficile pour l’Occident d’admettre une valeur esthétique à cet art. Le masque ; par exemple ; est une matrice de communication entre la communauté et des ancêtres ou quelque divinité. Ce qui fait que l’objet d’art négro-africain reste statique dans sa dimension mystique et mystérieuse. Dans le même ordre d’idée, E. Menyomo, analysant la pensée artistique d’E. Njoh Mouéllé, trouve dans le traditionalisme l’aliénation et l’arrêt majeur de toute entreprise artistique :
Le traditionalisme est un obstacle esthétique sérieux, dans la mesure où il ne peut pas nous aider à atteindre le « développement et à réaliser le progrès économique, social mais aussi moral ». Vu sous cet angle, le traditionalisme est considéré comme un facteur de perturbation, de régression, de blocage de l’esprit artistique. Il prend, à coup sûr, en otage le génie créateur et l’asphyxie. Dans cet optique, l’artiste au lieu de créer, d’innover, verse plutôt dans la répétition, imitation servile.26

b- Un art mystique et mystérieux
L’art négro-africain relève de ce que Assane Seck appelle « violentes abstractions mystiques »27. L’objet d’art négro-africain est par-dessus tout le phénomène mystique ; c’est l’apologie du mysticisme qui le caractérise. Senghor pour valoriser cette dimension mystique de l’esthétique négro-africain, s’appuie sur la formule de Albert Einstein selon laquelle « la plus belle émotion que nous puissions éprouver, est l'émotion mystique. C'est là le germe de tout art et de toute science véritable. »28
De ce fait, les masques, les fétiches, les poupées, et autres sont des objets d’art négroafricain statique, mystiques et très mystérieux. Guillaume Apollinaire définit d’ailleurs l’art négro-africain en termes d’ « art des « sauvages », l’objet « fétiche » que les missionnaires

26 Ernest Menyomo, « L’idée de l’art chez Ebénézer Njoh Mouéllé : fondements et enjeux », in Modernité politique, modernité scientifique. Interrogation épistémologique et axiologique, (dir) Oumarou Mazadou, Yaoundé, Afrédit, 2017, pp. 56-57. 27 Assane Seck, In Art Contemporain du Sénégal, in Musée du Québec, 1981, p.12.
28 Léopold Sédar Senghor, Liberté l Négritude et humanisme, éd. Du Seuil, Paris, 1992, p.203.
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avaient consumé du fait de son caractère mystico-diabolique et mystérieux c’est-à-dire difficile à comprendre. Bidima à ce propos souligne : « l’art était donc abordé de manière substantialiste/ essentialiste. (…). Il est ici question de la destruction systématique des œuvres d’art. Cette destruction est légitimée par un pseudo-identification : les objets d’art étaient des fétiches, des idoles. »29 Et, parlant de la musique négro-africaine, Abdoulaye Wade estime que cet art s’inspire des forces cosmiques de l’univers desquelles elle obtient puissance :
« La force de la musique nègre vient de ce qu’elle est en harmonie avec les vibrations fondamentales de l’univers et de l’être humain. Il en est de même de la sculpture et de l’art africain tout entier. »30
Le point de vue de Shanda Tonme, un conservateur de l’art négro-africain, est plus précis. Dans son livre intitulé Un Africain au Musée des art premiers, il raconte son aventure ambiguë dans le Musée des arts négro-africains ; aventure dans laquelle il met en exergue ses dialogues avec des masques négro-africains. En effet, Shanda Tonme exprime son indignation vis-à-vis de l’aspect des objets d’art négro-africains qui, pour lui, sont déplaisants, car mal représenter : « je pense au sort de l’Afrique en voyant ces objets, ces sculptures, toutes ces représentations qui montrent un art muet, inquiet, indignant, pensif »31. L’art négro-africain est dévalué dans ce Musée du fait de son enracinement au traditionalisme et au mystique. Tonme poursuit :
le masque, dans le traditions de mon village, est très compliqué à comprendre par le premier venu. Chaque masque est voué à des rites dont les termes de référence renferment des significations mystiques et événementielles. Les lieux sacrés dans les familles et les chambres des rites spécieux dans les chefferies leur font une place très importante, avec d’autres objets. (…) certaines danses en Afrique ne sont pas possibles sans des représentations mystiques qui font appel aux masques donner un autre visage aux acteurs ou pour transformer totalement leur corps (…). En pays Bamiléké au Cameroun, les différentes sociétés sécrètes qui forment le socle institutionnel de la chefferie portent toutes un masque lors de leurs rares apparitions publiques32 Chose étonnante, ces masques, objets d’art, sont des membres de familles et parlent ! cette parlure traduit ainsi, le mystérieux et le mystique que constituent les objets d’art négroafricains. Néanmoins, faut- il relever ce qui ressort de la parole des masques telle que le retransmet Tonme : Ces masques s’intéressent aux problèmes de l’Afrique, ils incitent à la révolution et militent pour la libération de l’Afrique. Voici une des multiples conversations

29 Jean-Godefroy Bidima, L’art négro-africain, op. cit., p.8. 30 Abdoulaye Wade, Un destin pour l’Afrique, Editions Michel Lafon, Paris, 2005, p. 60. 31 Shanda Tonme, Un Africain au Musée des arts premiers, L’harmattan, Paris, 2008, p. 18. 32 Ibidem, pp. 18-19.
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que tient Tonme avec ces objets d’art négro-africain au Musée des arts premiers, notamment avec le masque Dogon ci-dessous représenté :
« Ô masque de chez nous, bonjour ! Ô mon frère, mon oncle, ma famille, que fais-tu ici ? (…) »33
Le masque Dogon répond :
« Toi qui viens d’Afrique, et te proclames mon frère je te reconnais tu te plains donc de me voir ici prisonnier c’est vrai je le suis je suis ici présent contre ma volonté je suis ici par des circonstances dictées. Je suis certes en souffrance après tant de chemin Mais je suis plus tranquille et surtout moins gamin. Je te comprends mon frère, ta pitié et ta gêne N’est-ce pas la conséquence de notre gangrène ? »34 Tonme réplique :
« Ô masque, que veux-tu donc insinuer ? (…) »35
Le masque Dogon répond :
« (…) mais je ne veux plus rentrer Et je reste prisonnier jusqu’au jour du changement j’attends de voir l’Afrique se soulever promptement. Je te demande de les contrer je te demande d’aller faire la révolution il nous faut cette révolution sans aucune caution ! »36 Les objets d’art sont donc aussi des instruments de puissance sociale: les trônes perlés bamiléké, les portraits d’oba du Bénin mais aussi les masques ngil des Fang sont, dans les mains de quelques-uns, le rappel concret quoique symbolique de la dépendance de tous par

33 Ibidem, p. 21. 34 Ibidem, pp. 21-22. 35 Ibidem, p. 22. 36 Idem.
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rapport à l’ordre imposé par les manipulateurs de la structure. En fait, les expressions artistiques sont constamment au centre d’un rapport de forces spirituelles et sociales.

c- Un art primitif et passéiste
Les vocables d’art « primitif », « nègre », « colonial », « africain », « négro-africain », « premier », désignent tous la même réalité, examinée à travers des lentilles que colore l’idéologie dominante du moment, la mode parfois ou de réels besoins de renouvellement des perspectives esthétiques liées au visuel.
Si Picasso, Breton et Derain ont reconnu une valeur esthétique aux œuvres d’art africain, celles-ci occupent néanmoins une place secondaire dans les musées européens. Sally Price pense que l’objet d’art est surtout le produit d’une inspiration :
L’idée que l’on se fait dans le monde occidental de la qualité des choses détermine la relation entre les « originaux « et leurs « copies « où les premiers ont plus de légitimité et de valeur (…) Si on s’intéresse au couple Picasso/ Art Primitif, le génie artistique de Picasso a permis, aux yeux des Occidentaux, à sa « copie » de surpasser l’ « original » dont il s’est inspiré. Du fait que les deux sont exposés au Museum of Modern Art, ils sont reconnus comme des chefs-d’œuvre artistiques mais d’une certaine manière la reproduction du Picasso se voit attribuer le rôle de l’original tandis que le masque africain est une excellente exécution secondaire dont le statut dépend de ces affinités avec un chef-d’œuvre(..)37. Cependant, est-ce parce que les discours critiques fondés sur la théorie esthétique occidentale sont incapables d’en rendre compte ou est-ce encore ce regard condescendant occidental qui justifierait que la pensée esthétique se penche si peu sur les œuvres contemporaines de l’Afrique ?
Si l’art négro-africain est traditionnel, passéiste et mystique, il est d’après la formule d’Abdoulaye Wade, un « mouvement au lieu d’être statique, dissymétrie au lieu de parité ». « Cette philosophie qui inspire toutes les formes de l’art nègre est d’une saisissante compatibilité avec la pensée occidentale.
On est frappé en effet pour la capacité d l’art nègre à pénétrer l’intimité de la vie en occident. Le masque nègre, la poupée nègre gagnent de plus en plus les foyens, et il en est de même de la musique nègre, qui, plus que toutes les autres musiques non européennes, est aujourd’hui totalement assimilée par l’Occident. Nos musiques ont même créé un courant

37 Sally Price, Arts primitifs. Regards civilisés, éd. Énsb-a, Paris 1995, p. 11.
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musical transcontinental afro-européen. »38 Nous pouvons citer le cas récent de l’artiste européen « Dj Petit piment » qui assimile le « Bikutsi », un rythme Fan Beti. De ce fait il y aurait donc compatibilité entre art négro-africain et technoscience, notamment l’Intelligence artificielle.

B- LES ATOUTS DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

« Deux des plus importantes technologies qui fonctionnent au-delà de la vue sont les implants numériques et le génie génétique. Ces technologies auront de profondes conséquences dans le domaine de l’art », Eduardo Kac.

a. Le « design » comme moyen d’industrialisation de l’art négro-africain
Le « design » est une théorie esthétique industrielle. Elle est attachée à l’intelligence artificielle car la conscience, sans laquelle l’intelligence n’est possible, s’en identifie : « Qu’estce que le Design ? Presque toute chose : tout ce qui a été construit et fabriqué en série depuis deux siècles, ce qui forme les configurations spatiales que nous nommons environnements industriels : le territoire national, la ville, le foyer, la télévision, les jeux vidéo, Internet. Ces mondes, ces espaces de référence où la conscience réside et s’identifie. »39 Le Design peut être l’art de l’information de l’espace, l’art qui a défini l’ère industrielle ; nous entendons « par Design, l’esthétique industrielle ou utilitaire, est effectivement un sujet que la philosophie doit aborder, puisque celle-ci décrit le rapport du sujet pensant à son monde, et que ce rapport ne saurait se comprendre sans le Design. »40
Le design établit le rapport entre la rationalisation et la mise à profit de l’espace naturel par l’art. Il est le produit de la conscience subjective qui renvoie au dessein du dessin, et suit deux dialectiques : « Les objets du Design sont des objets conçus par le dessin et réalisés matériellement, par et pour l’humanité ; il y a là une dialectique de la projection : l’objet est conçu, puis produit et enfin diffusé ; il y a là aussi une dialectique historique : l’ensemble des objets conçus devient environnement, lieu de résidence de la conscience, monde, et l’évolution de ces mondes, leur malléabilité croissante et leur tangibilité décroissante, puisque nous

38 Abdoulaye Wade, op. cit. p. 62. 39 Gary Laski. Le design: Théorie esthétique de l’histoire industrielle. Philosophie. Université Paris-Est, 2011, p. 4. Cet ouvrage peut être consulté sur le site : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00713124v1 40 Ibid. p.5.
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passons de l’espace le plus grand au plus petit puis au plus abstrait, dessine l’Histoire industrielle »41
Le Design serait un moyen pour l’Afrique de se libérer de la dureté matérielle de sa condition, et celui de style de consommation. Il participe donc du développement. C’est ainsi que l’esthétique du développement de l’Afrique veut qu’avec le design, l’esthétique négroafricaine soit développée au moyen de l’industrialisation.
L’art négro-africain gagnerait donc à adopter et à adapter le Design pour s’industrialiser, car esthétique utilitaire, esthétique industrielle et Design sont synonymes : « Ce que nous appelons en outre art utilitaire, art industriel ou Design artistique selon la même typologie, est la composante artistique de l’esthétique utilitaire. L’art utilitaire regroupe deux notions, la pratique et les œuvres : la pratique de l’art utilitaire est la composition artistique de l’espace de façon à rendre le sujet heureux d’y vivre et à constituer une identité de ce sujet quant à son espace, une reconnaissance de celui-ci dans celui-là. »42

b. L’intelligence artificielle et modernisation de l’esthétique négro-africaine
Si d’après Roger Somé l’art négro-africain « n’est plus soumis à la religion et devient accessible à tous inaugure l’entrée de l’Afrique noire dans l’âge de l’esthétique », et qu’il pourra être jugé esthétiquement, cet art a nécessairement besoin de modernisation. Modernisation qui constitue pour Bidima ce que W. Benjamin appelle l’ « aura de l’œuvre d’art ». Par « aura », il faut entendre le lieu de fusions des horizons, le brassage ou métissage des éléments intra et extra œuvre. Bidima, à cet effet, pense que « l’aura se veut le point nodal des croisements entre l’horizon des possibilités matérielles et l’horizon des possibilités humaines que contient l’œuvre d’art »43.
Ainsi, l’aura se fonde sur ce que Jean Bertrand Amougou appelle « principe d’ouverture », et appréhende l’œuvre d’art et rejette la conception subjective de l’œuvre. Bidima poursuit en expliquant et concluant longuement que :
« Ce point nodal dépasse le projet intentionnel d’un sujet ou d’une tribu à partir desquels l’objet d’art émerge ; il transcende aussi la structure de l’objet d’art. Ni subjectiviste

41 Ibid. pp.6-7. 42 Ibid. p.7. 43 Jean Godefroy Bidima, op. cit., p.116.
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(explication de l’objet d’art par son auteur ou par son récepteur), ni « structuraliste » (parler des styles et de la matérialité de l’objet d’art), l’approche de l’aura est chiasmatique, puisqu’elle transgresse les limitations des considérations sur l’œuvre d’art pour lui restituer son caractère fugale. L’aura indique le possible et suggère que le sens d’une œuvre d’art n’est pas seulement derrière cette œuvre, ni même devant elle, mais à travers elle. »44
L’aura fait ainsi partie intégrante de l’esthétique du vide qui constitue le nouveau paradigme sur lequel devrait désormais se lire et se lier l’art africain au moyen de la transition, la parade ou encore la traversée. C’’est donc elle, cette traversée qui permettra à l’art négroafricain de se moderniser : « l’horizon de cette présentation est la modernité »45. Cette « modernité sera ce qui, au sein d’une société, assure son renouvellement…Le rapport de l’art africain à la modernité consiste à examiner, les conditions qui, à travers l’art, peuvent libérer le principe de renouvellement en gestation dans la société africaine »46.
Dès lors, si l’aura indique la voie de la modernité par le possible, cette voie, ce possible ne serait-elle / il pas l’intégration de l’intelligence artificielle ?
L’apport des sciences cognitives, en particulier la neurotechnologie, soit de l’Intelligence Artificielle, confirme l’enjeu techno-esthétique de l’art négro-africain qui précède l’influence ultérieure de l’apprentissage socioculturel. Jean-Pierre Changeux, neurophysiologiste de renom, introduit une relation entre les neurosciences et la conscience humaine. Selon lui, le phénomène artistique se déroule dans le cerveau. Il établit, de la sorte, les lois de formation de l’esprit à partir de la matière :
« Il y a une trace physique dans notre cerveau de l’empreinte culturelle. C’est tout à fait clair (…) Reste que cette empreinte reflète seulement chez un individu donné, l’impact de l’environnement sur les connexions cérébrales. »47
L’Intelligence artificielle pourrait donc s’articuler à la culture esthétique négroafricaine. Mais cette articulation peut faire face à quelques difficultés supplémentaires.



44 Idem. 45 Ibidem, p.7. 46 Ibidem, p.121. 47 Jean Pierre Changeux, Entretien accordé à Guitta Pessis-Pasternak en compagnie d’Axel Kahn, Stephen Jay Gould et Henri Atlan in : Sciences et vie, n° 910, juillet 1993, p. 63.
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c . Esthétique des interfaces ou esthétique médiatique et perception

En dépit d’une longue tradition, les arts classiques ne semblent plus répondre entièrement aux changements de notre société. Pour la première fois émerge un nouveau type de culture, hautement complexe : la culture médiatique et la technoculture, qui combinent le changement des télécommunications, les nouveaux traitements de l’espace et du temps et les mutations épistémologiques et philosophiques, pour susciter l’hybridation de nos systèmes de pensée et de création artistique. Changement de paradigme, le rapport à l ’espace-temps se transforme. Bien qu’encore liées à des laboratoires universitaires ou corporatifs, les expérimentations artistiques associées au domaine des nouvelles technologies et du «virtuel» deviennent de plus en plus accessibles au grand public.48

L’esthétique des interfaces est l’art de combinaison entre l’homme et les machines. L’homme est une face et la machine une autre. Les interfaces ici servant de filtre entre humain et machine. Chez l’homme, la sensibilité est une faculté sur laquelle se forment les perceptions des objets, en général et de l’objet d’art en particulier, et de laquelle l’entendement conçoit et synthétise les représentations du moins d’après E. Kant. Bien entendu, avec Kant, c’est l’homme qui est au centre du fait esthétique, mais, « la façon dont le mode de perception s’élabore, le médium dans lequel elle s’accomplit, n’est pas seulement déterminée par la nature humaine, mais par des circonstances historiques, des mutations conceptuelles, des sauts technologiques, des ruptures épistémologiques. (…). L’évolution de l’art moderne étant ellemême étroitement tributaire de ces modifications, il convient actuellement d’interroger les relations entre champs artistique, scientifique, technique et technologique. »49
Ici, la beauté d’un objet d’art est juger en fonction de l’image ou perception, apparence, impression que l’on a quand on en fait expérience. L’expérience faite par Tonme sur les objets d’art négro-africain aux Musée des arts premiers, nous l’avons relevé plus haut, suggère que ceux-ci ne reflètent aucune beauté ; en les percevant, ils ne stimulent aucun plaisir esthétique. L’esthétique des interfaces ou esthétique médiatique peut corriger cette impression, cette

48 Jean-Paul Longavesne, « Esthétique et rhétorique des arts technologiques Les machines interfaces », in Esthétique des arts médiatiques. Interfaces et sensorialité, Sous la direction de Louise Poissant, col. Esthétique, P. U. Q., 2003, p. 45.
49 Annick Bureaud, « Pour une typologie des interfaces artistiques », in Esthétique des arts médiatiques. Interfaces et sensorialité, (Sous la direction de Louise Poissant), col. Esthétique, P. U. Q., 2003, p. 17.
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perception, cette image déplaisante de l’objet d’art négro-africain. En effet, l’esthétique des interfaces ou l’esthétique médiatique-qui relève de l’Intelligence artificielle— intègre sens, perception, représentation et conception, et corrige les défauts, améliore la qualité des représentations d’une œuvre d’art. « L’interface permet de créer, dans la mosaïque des effets de sens, sur tous les plans de la chose communicante. Travailler le rythme, l’intensité sonore, visuelle, les effets d’apparition et de disparition, les parcours, le texte, les exclusions et les inclusions, la durée, et tout le registre affectif du tissu interactif, sans compter bien d’autres subtilités de perception telles la synesthésie, la cénesthésie, la kinesthésie, etc., et tout ça sur le mode de l’interactivité, elle-même relevant d’une conceptualisation autonome. »50

















50 Ibidem, p.31.
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PARTIE II : PROBLEMES LIES AU BINOME ART NEGRO-AFRICAIN / INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

a. Problème de l’identité et authenticité « Reconnais donc ton être propre, ce qui justement en toi a une telle soif d’existence, reconnais-le dans la force intime, mystérieuse, dans la force active de l’arbre, qui toujours une, toujours la même dans toutes les générations de feuilles, reste à l’abri de la naissance et de la mort. » Arthur Schopenhauer.

Achille Mbembé, à la suite de Senghor, défend l’identité artistique négro-africaine contre tout victimisme suicidaire. C’est ainsi qu’il a élaboré le concept d’ « afropolitanisme ». Il explique : L’afropolitanisme n’est pas la même chose que le panafricanisme ou la Négritude. L’afropolitanisme est une stylistique, une esthétique et une certaine poétique du monde. C’est une manière d’être au monde qui refuse, par principe, toute forme d’identité victimaire – ce qui ne signifie pas qu’elle n’est pas consciente des injustices et de la violence que la loi du monde a infligé à ce continent et à ses gens.51

Or, associé à l’intelligence artificielle, l’art négro-africain coure le risque de perdre son identité, son authenticité en tant que tel, c’est-à-dire l’âme, l’être-œuvre de l’œuvre d’art négroafricain, son élément principiel et originel, et être victime d’assimilationnisme. Car, l’art négroafricain est essentiellement ethnique ; l’œuvre d’art doit refléter l’identité culturelle de la communauté ; promouvoir son patrimoine authentique à travers les manifestations culturelles et populaires pour stimuler profondément la conscience collective, et assurer la cohésion sociale. Certes, es artistes veillent à la création d’un cadre culturel intégré et intégrateur sans omettre les apports extérieurs en vue d’enrichir sa propre culture tout en incorporant les éléments nouveaux. Mais, doit-on pour autant perdre notre identité esthétique ? Ensuite, ce serait la mise en place d’un concept occidental : « l’Art pour l’Art ». Les « meilleurs » étudiants de l’art africain sont envoyés à l’étranger parfaire leurs études dans les écoles d’Art les plus prestigieuses toujours dans cette vision de l’assimilation des valeurs occidentales. On attend de ces étudiants qu’ils incarnent l’élite africaine cultivée et qu’ils représentent en même temps une Afrique fondamentale. Ces artistes formés aux écoles occidentales utilisent les méthodes et les techniques de l’art occidental moderne de ce fait

51 Achille Mbembe, « L’afropolitansme », in Chroniques, 2005, p.1. A retrouver sur le site : http://africultures.com/afropolitanisme-4248/#
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s’ajustent facilement sur l’art occidental. Ce qui pose le davantage le problème de la crise d’identité artistique, bien que ces artistes soient considérés comme les meilleurs en Afrique : Le Ghanéen Kofi Antuham, l’Africain du Sud Gerad Sekoto, l’Angolais Viteix, le Sénégalais Iba N’diaye etc. et ont exposé comme artistes professionnels dans des galeries, des musées et des manifestations internationales. L’ambiguïté des Européens réside dans ce qu’ils font tout pour que ces artistes africains assimilent le concept d’Art Moderne occidental tout en les enfermant dans une catégorie à part, une catégorie ethnique, l’Art Moderne–Africanisme. Ce qui est novateur ne peut être que d’essence et d’origine occidentales : Les œuvres modernes des artistes africains ne peuvent être qu’un avatar de l’Art occidental attendu que c’est une importation, une situation fabriquée de toute pièce par les Européens dispensant ainsi la critique d’art occidentale de toute analyse esthétique sur ces œuvres d’Art Moderne africaines et/ ou parce que d’après Philippe Peltier, « la critique d’art occidentale a longuement ignoré(…) les œuvres créées par les non occidentaux. Elle n’a eu ni l’envie ni le souci d’aborder des créations qui puisent leurs références dans un contexte qu’elle ignore 52.

Certes, l’identité peut se concevoir du point de vue de la transcendance ou dynamique telle que la conçoit Towa, et, comme le précise Kerinska avec Chebel : la notion d’identité est conçue et délimitée en fonction de l’autre. Ce qui met en évidence les différences entre le moi et l’autre peut circonscrire une identité. Malek Chebel explique :
Bien qu’elle fasse partie des structures primaires de l’individu, l’identité n’est pas une donnée biologique de l’homme au sens où l’est le sexe, la couleur de la peau et la plupart des autres attributs physiques ou anatomiques. L’identité est une dimension interactive composée pour partie de dispositions innées et pour le reste de données sociales, culturelles, familiales. [...] L’identité est un cumul et une résultante.53 L’œuvre d’art négro-africain pourrait donc perdre son identité, son être même. Heidegger, critiquant la technique moderne, a eu le mérite de nous tenir en haleine sur le déplacement de l’œuvre d’art de sa réalité : « tout ce qui est élaboré, l’œuvre d’art avec, devient la copie d’une image d’un modèle. Les idées représentent alors les étants en propre et l’œuvre n’est plus proprement réelle : elle n’est qu’un écho de ce que les choses sont en vérité. »54





52 5ème biennale d’art contemporain de Lyon. Partage d’Exotismes 2000. Réunion des musées nationaux. 53 Malek Chebel, La formation de l’identité politique, Éd. Payot & Rivages, Paris, 1998, p. 1. Cité par Kerinska, op. cit. p. 264. 54Martin Heidegger, Essais et conférences, Gallimard, Paris, 1958, p 35.
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b. L’Intelligence artificielle et négation des valeurs esthétiques négro-africaines

Les peuples ont déposé leurs conceptions les plus hautes dans la production de l’art, les ont exprimées et en ont pris conscience par le moyen de l’art. Hegel « Dans les conditions qui sont les nôtres, notre littérature…doit être de tendre vers une littérature sacrée, notre art, art sacré. »55

La pensée africaine est basée sur la croyance en l’existence d’un Ordre, d’un arrangement dynamique entre les éléments de la nature. C’est cette loi qui détermine par conséquent la valeur que le gestionnaire de l’ordre social ou l’artiste s’efforcent d’incorporer dans l’œuvre de création. Selon G. Bernanos, comme chez Njoh Mouéllé, la culture occidentale sous la figure da la technoscience dont l’intelligence artificielle se préoccupe plus de l’extériorité que de l’intériorité ; de ce que Fichte appelle le « non-Moi » c’est-à-dire l’objet. Aimé Césaire déplorait déjà cette nouvelle orientation qui, à ses yeux, n’est que « conspiration » : « on ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure.»56

Ebénézer Njoh Mouéllé exprime davantage et longuement son inquiétude visà-vis de ce passage de l’intériorisation à extériorisation porté par le transhumanisme : Peut-être serons-nous démentis un jour par d’authentiques faits parlants, mais il reste difficile aujourd’hui d’imaginer des robots dotés d’une dimension véritablement humaine à travers la capacité de ressentir le contrecoup des événements, d’exprimer des sentiments sous diverses nuances telles que la joie, la tristesse, la jalousie, la rancune, etc. Non seulement les exprimer, mais encore le faire par tous les moyens, tels par exemple des gestes et des comportements qui engagent le corps, du genre des clins d’œil, des froncements de sourcils, des mimiques, qui soient chaque fois originaux et non la répétition des programmés, etc. Si cela pourra se faire, ce sera de la raide imitation qui n’aurait aucun caractère spontané ou intuitif. Car comment programmer l’intuition par des algorithmes ? Ce ne serait plus l’intuition ! Il faudrait avoir le courage de dire qu’il ne s’agit plus d’homme ni d’humanité, ainsi que l’exprime aussi Denis Jacquet quand il écrit que « Vu par les « génies » de la « Singularity », l’homme perd chair et âme pour être une ligne programmable, déprogrammable, reprogrammable », avec « peu de poésie, de lumière, de spiritualité dans tout ça… Une sorte de négation de l’esprit de ‘’Ce’’ qui nous a créés, une sorte de négation de l’intérêt même d’avoir des hommes sur Terre. »57

55 Aimée Césaire, « L’homme de culture et ses responsabilités », in Présence Africaine, n°24-25, 1959, cité par JeanGodefroy Bidima, op.cit. p. 19. 56 Georges Bernanos, La France contre les robots, Ed. Le Castor Astral, p.53. 57 Ebénézer Njoh Mouéllé, op. cit., p. 13.
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Pius Ondoua Olinga est de cet avis. Dans son ouvrage intitulé Un Développement « Humain ». Réflexions éthiques et politiques, il exprime ce nihilisme de l’intériorité par le concept de « désublimation »58. Par ce concept, il faut entendre l’« affaiblissement de l’antagonisme entre la réalité culturelle et la réalité sociale. »59 C’est le produit de la rationalité de la négation qui consiste à soustraire de la technoscience les catégories métaphysiques se caractérisant par l’ « assimilation de l’idéal avec la réalité montre à quel point l’idéal a été dépassé. Arraché au domaine sublime de l’âme, de l’esprit ou de l’intériorité, il se traduit en termes et en problèmes opérationnels. »60
L’art en général n’est pas en reste. Pius Ondoua Olinga précise avec Herbert Marcuse :
L’art et la poésie subissent aussi les mêmes transformations qualitatives. L’art, en tant que création et expression des racines profondes de la subjectivité, contient une rationalité de la négation : il est potentiellement protestation contre ce qui est, il est une contestation souvent vigoureuse du statu quo plutôt qu’un pâle reflet de la réalité établie. Dans la société technique par contre, la dimension antagonique de l’art, son opposition à l’ordre établi, sont résorbées. C’est que l’art n’est plus qu’un des rouages de la machine culturelle. Marcuse le montre : « La distanciation artistique s’estompe en même temps que les autres modes de négation devant le processus irrésistible de la rationalité technologique. »61 En vérité, l’art négro-africain est la source d’inspiration, d’expression et diffusion des valeurs africaines. Et, « si nous nous débattons aujourd’hui dans l’impasse, c’est peut être parce que nous avons bafoué beaucoup de ces valeurs. Pensons aux valeurs élémentaires, mais essentielles de solidarité, de justice, d’entraide ; « Aujourd’hui, écrit le Prince Dika-Akwa, les chercheurs africains, (…) ne sauraient avoir la prétention d’avancer la science dans la connaissance de l’Afrique, s’ils continuent à ignorer l’expérience propre à l’Afrique, les racines socio-épistémologiques de son savoir spécifique, la logique interne qui sous-tend le développement de ses sociétés et l’indissociabilité des phases "traditionnelle" et "moderne" de celle-ci.»62
L’intelligence artificielle, instrument du capitalisme, peut conduire à la crétinisation d’une esthétique négro-africaine appauvrie par la méconnaissance d’une histoire et d’une culture africaines authentiques, objectives et cohérentes. Or, nous avons vu avec Tonme que le masque africain est un membre de la famille africaine, il est, à ce titre, digne de respect au même titre que l’homme. Instrumentaliser ce masque serait le réduire à un simple objet sans valeur

58 Pius Ondoua Olinga, Un Développement « Humain ». Réflexions éthiques et politiques, L’harmattan, Paris, 2011,
59 Herbert Marcuse : L’Homme unidimensionnel. Editions de Minuit. Collections Arguments, Paris, 1968, pp. 81-82. 60 Ibidem, p. 83. 61Pius Ondoua Olinga, op.cit., p. 96. 62 Prince Dika-Akwa nya Bonambela, Problèmes de l’anthropologie et de l’histoire africaines, Yaoundé, Clé, 1982, p.362.
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intrinsèque quoique l’on lui attribue une valeur extrinsèque, marchande ou mercantile. S’inspirant des exposés de Benjamin, d’Adorno et de Horkheimer, Bidima soutient :
Le marché affranchit ainsi l’œuvre d’art africain du temps mystique, circulaire et inaugural, pour l’insérer dans une temporalité sécularisée avec ses hésitations » surtout que « l’œuvre d’art qui s’est libérée des lieux culturels rentre dans les mécanismes monétaires ; la création et les canons esthétiques seront ainsi confondus et commandés par les méandres du Capital.63

c. Du déterminisme métaphysique au déterminisme technoscientifique

« Les voies de l’humanité sont virtuelles et ont grand besoin d’être actualisées et routées. Car l’homme ne s’affirme comme tel qu’à partir du moment où il se connaît comme entité matérielle et spirituelle, une réalité physique et métaphysique. La dimension métaphysique est l’humanité de l’homme… l’humanité de l’Homme est donc nécessairement une donnée métaphysique »64
Faut-il transhumaniser l’artiste négro-africain en un Cyborg qui améliorera l’art négroafricain ? Faut-il cependant amener tous les artistes africains et les objets d’arts négro-africain à s’hybrider avec la machine, tel le cyborg, mi-organique, micybernétique, se doter d’un corps reprogrammé par les nanotechniciens, les biotechniciens, l’Intelligence artificielle ? Doit-on enfin soustraire l’art négro-africain de la sphères métaphysiques et le soumettre à un déterminisme technoscientifique ?
Nous savons avec Jean-Godefroy Bidima que l’art négro-africain doit franchir les fixations déterministes voire religieuses dans lesquelles le situe Engelbert Mveng65 ; il doit (dé) passer de ce « paradigme du plein » au « paradigme du vide » ; il doit donc éviter tout déterministe et se situer dans l’indéterminisme, l’apeiron. Or, si l’Intelligence Artificielle peut libérer l’art négro-africain des catégories magico-religieuses, il ressort qu’elle le soumettrait à un nouveau déterminisme : le déterminisme technoscientifique. Déterminisme qui serait assimilationnisme et perte d’identité et d’authenticité. L’Afrique n’aura plus quelque chose de

63 Jean-Godefroy Bidima, op. cit., p.29. 64 Jean Bertrand Amougou, Réflexions sur la rationalité, Tome II, L’Harmattan , Paris, 2016, p.100. 65 Engelbert Mveng soutient la thèse de l’esthétique mystico-religieuse négro-africaine tant dans L’art d’Afrique noire. Liturgie cosmique et langage religieux que dans L’art et l’artisanat africain, bien que dans ce dernier, il souligne l’usage des matières premières telles que l’or, le bois, le fer,…etc. pour fabriquer de belle œuvres d’art.
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différent à apporter à la mondialisation. Ce qui trahirait le principe senghorien selon lequel « assimiler sans être assimiler » voire le « rendez-vous du donner et du recevoir ».
Avec le déterminisme technoscientifique, l’artiste négro-africain coure le risque de perdre sa liberté de produire, liberté qui est le fondement de la morale, la connaissance et du beau chez Kant, et qui fait de l’homme, comme le note Rousseau, « un « agent libre » :
Je ne vois dans tout animal qu’une machine ingénieuse, à qui la nature a donné des sens pour se remonter elle-même, et pour se garantir, jusqu’à un certain point, de tout ce qui tend à la détruire ou à la déranger. J’aperçois précisément les mêmes choses dans la machine humaine ; avec cette différence que la nature seule fait tout dans les opérations de la bête, au lieu que l’homme concourt aux siennes en qualité d’agent libre.66 Cet attribut particulier qui fait fonctionner la perfectibilité de l’homme s’appelle donc la liberté, adossée à la raison et à toutes les autres facultés. Toutes ces facettes des expressions de l’homme constituent ces virtualités qui se sont développées et perfectionnées dans le cadre de la vie sociale, si nous restons dans le schéma théorique rousseauiste : le robot malgré son Intelligence artificielle n’est pas du tout libre !
Toutefois, nonobstant tous ces problèmes sus-évoqué n’est-il pas nécessaire d’intégrer l’intelligence artificielle, si l’on accorde à Bidima l’idée selon laquelle :
Traiter les arts africains en termes d’origine, d’africanité, c’est être solidaire d’une conception périmée du mouvement qui postule pour tout avancée une source, un levier à partir duquel le mouvement se lance. L’origine suppose un état, alors qu’avec l’art de la traversée, il s’agit d’un processus, qui n’a pas d’origine. L’origine suppose un point de départ, mais celui-ci est déjà l’arrivée, le carrefour et la transition de quelque chose…Ce n’est plus l’origine comme point de départ mais une manière de mise en orbite.67








66 Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1735, Ed. Sociales, Paris, 1961, p. 81.
67 Jean-Godefroy Bidima, op. cit., pp. 106-107.
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d. Du fictionnel du virtuel comme compromission du réel

Dans le monde virtuel, le toucher n’existe que dans une réminiscence de notre cerveau et non dans sa réalité de pression sur la peau, qui, au-delà de la surface, atteint l’intériorité de notre corps. Le monde virtuel est impalpable.68

Ce qu’il convient de relever ici est que l’Intelligence artificielle, loin de refléter la réalité les objets d’art, promeut plutôt leur fictivité via la virtualité. Cette fiction ou ce virtuel n’est que de la mimésis au sens platonicien du terme qui n’est autre qu’apparence trompeuse, imitation ombrageuse, semblant voire mensonge. L’intelligence artificielle pourrait ainsi couper l’objet d’art négro-africain de sa réalité africaine, or, toute esthétique est fille de son espace. Donc la fiction irréalise l’art négro-africain. C’est à juste titre que Bernard Guelton suppose qu’« […] il s’agit de savoir si toute activité artistique comporte sa partie inévitable de fiction (thèse du « tout fictionnel ») ou si, plus prudemment, la production fictionnelle n’apparaît que dans certaines circonstances et pour des œuvres dont la visée est clairement fictionnelle. »69. Et Jean-Marie Schaeffer affirme et confirme :
La notion de fiction fait surgir immédiatement celles d’imitation, de feintise, de simulation, de simulacre, de représentation, de ressemblance, etc. Or, bien que toutes ces notions jouent un rôle important dans nos façons de parler de la fiction, elles sont rarement utilisées de manière univoque. Il n’est donc guère étonnant que la notion de « fiction » elle-même demeure insaisissable.70 Il nous paraît pertinent d’évoquer l’effet de présence avec le « faire-semblent ». Dans son article « Fictions, cognition et médias non verbaux », Marie-Laure Ryan analyse philosophiquement le concept de fiction en exposant les principaux traits de ce concept. De façon synthétique et très claire, Marie-Laure Ryan présente les conceptions tant de John Searle, David Lewis, Gregory Curry que de Kendall Walton. L’analyse et la comparaison des différentes approches de ces auteurs, nous montrent que le faire-semblant est au centre des théories de la fiction, même si son acception et son usage varient d’un auteur à l’autre. En fait, Marie-Laure Ryan considère la fiction comme un effet de présence virtuelle, présence de l’absence qui, en réalité, n’est qu’ « un acte de faire-semblant de la part de l’auteur permet au lecteur de ne pas prendre

68Annick Bureaud, « Pour une typologie des interfaces artistiques », in Esthétique des arts médiatiques. Interfaces et sensorialité, Sous la direction de Louise Poissant, col. Esthétique, P. U. Q., 2003, p. 33. 69 Bernard Guelton, Archifiction, Éd. Publications de la Sorbonne, Paris, 2007, p.10. 70 Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, Éd., Seuil, Paris, 1999, p. 306-315.
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les énoncés textuels pour d’authentiques informations. »71 Le point de vue de Jean-Paul Longavesne est plus sévère, lui qui soutient la thèse de la vanité techno-virtuelle :
Le virtuel n’est qu’une modélisation éphémère sans substance propre, concrètement une base de données numériques, ayant une certaine interactivité avec l’homme. Le virtuel n’a de réalité temporaire qu’au sein de la machine informatique et des interfaces.72



















71 Marie-Laure Ryan, « Fiction, cognition et médias non verbaux », dans Fictions & Médias : Intermédialités dans les fictions artistiques, B. Guelton (dir.), Éd. Publications de la Sorbonne, 2011, p. 14. 72Jean-Paul Longavesne, « Esthétique et rhétorique des arts technologiques Les machines interfaces », in Esthétique des arts médiatiques. Interfaces et sensorialité, op.cit, p. 40.
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PARTIE III : ART NEGRO-AFRICAIN : POUR UN DEVELOPPEMENT TECHNOESTHETIQUE NEGRO-AFRICAINE
« Une société qui s’industrialise ne subit pas une table rase : on ne transforme sa société et sa culture qu’en fonction du passé… parce qu’une société est une création continuée qui réinterprète et se réapproprie son passé. »73 « La condition actuelle de l’Afrique est définie par l’arriération technoscientifique et l’hétéronomie politico-économique. »74 « Toute création est disjonction et perturbation. »75 Bidima par cette formule soutient que l’art négro-africain doit sortir de l’essentialisme, du sacralisme, du conservatisme, de la quête d’une « unité culturelle primitive » et s’orienter vers un nouveau paradigme. L’intelligence artificielle peut l’être. La nécessité d’introduire à « esthétique négro-africaine » une nouvelle catégorie—l’intelligence artificielle—veut dépasser le dualisme entre l’ « esthétique-négro-conservatisme» de l’art négro-africain qui veut que l’être-art de cet art soit figé à l’identité nègre, et l’ « esthétique-négro-progressisme » qui veut transcender cette identité spécifique. En effet, serait-il nécessaire pour l’art négro-africain de se moderniser et de s’industrialiser comme le suggèrent les propos de Charles Romain Mbélé sus-évoqués lorsqu’il soutient le dynamisme de la « création continuée ». Cela permettra à l’art négroafricain d’augmenter sa capacité à compétir dans le marché mondial. Cette modernisation, fruit de l’industrialisation, de l’esthétique négro-africaine est nécessaire pour le développement de l’Afrique. Il faut parvenir à un « art-évolué », un « art-augmenté » tout en évitant le risque d’un « art-supprimé ». Il est alors question d’un « dépassement de la condition » magico—mystique et mythique de l’art africain, condition que l’on trouve ans l’essentialisme de Senghor, sa Négritude ; et de conjoindre le naturel avec l’artificiel c’est-à-dire de situer l’art négro-africain par-delà le naturel et l’artificiel ; adopter et s’adapter à la culture (du) numérique en intégrant « les produits de la convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, de l’Intelligence artificielle et des Sciences cognitives (NBIC) ».



73 Charles Romain Mbele, Le ghetto théocratique, op. cit., p. 244. 74 Lucien Ayissi, « Essai de clarification du rapport de l’Afrique à la technoscience », in Annales de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Yaoundé I, Vol. 1, N° 4, 2006, p. 13.

75 Jean-Godefroy Bidima, op. cit., p. 19.
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a. Art négro-africain et production industrielle : pour une économie numérique
« L’art numérique met en avant la dimension esthétique de la démarche scientifique. »76

L’industrie née de la convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, de l’intelligence artificielle et des sciences cognitives, les NBIC, oblige à réfléchir de nouveau sur l’utilisation des résultats de la recherche scientifique, surtout quand cette utilisation prétend modifier en mieux la nature humaine. Ce qui s’exprime et qui se donne à constater à travers tous les progrès qu’obtient la recherche scientifique de nos jours, se trouve justifié dans cette affirmation bergsonienne selon laquelle « plus la science avance, plus ses découvertes suggèrent d’inventions » et que « souvent il n’y a qu’un pas, de la théorie à l’application ; et comme la science ne saurait s’arrêter, il semble bien en effet qu’il ne doive pas y avoir de fin …à la création de besoins nouveaux »77. Ce n’est pas à l’art négro-africain d’être en reste.
L’art négro-africain devrait donc s’arrimer à la production industrielle numérique ; « production industrielle qui a déterminé l’Histoire des deux siècles qui nous ont précédés et du nôtre, peut être déterminée selon quatre qualités, ou quatre causes, selon le vocabulaire et la méthode d’Aristote : matérielle, formelle ou essentielle, efficiente et finale. Sa qualité matérielle est son incrément ; sa qualité essentielle ou formelle, celle qui la définit, est esthétique ; sa qualité efficiente est la diffusion ; sa finalité est la démiurgie. »
L’industrialisation numérique de l’art négro-africain favorisera la créativité puisque l’art est le « terreau fertile » de la réflexion privilégié de ceux qui cherchent à comprendre l’essence mystérieuse de l’acte créatif. Dans le contexte artistique, créer signifie fabriquer une œuvre d’art, concevoir un objet inconnu. L’acte créateur, en ce sens correspond à la formule donnée par Bernard Brugière selon laquelle « l’intuition créatrice intègre l’intelligence fabricatrice et l’instinct générateur dans l’unité vivante de l’imagination »78. Il s’agit donc d’un sujet, d’une conscience qui donne naissance à une nouvelle œuvre, dont l’émergence est marquée à la fois par le signe du merveilleux et par le conflit. « La création, en effet, est un affrontement entre

76 Jean-Pierre Balpe, Contexte de l’art numérique, Éd. Hermes, Paris, 2000, p. 141. 77 Ebénézer Njoh Mouéllé, Transhumanisme, marchands de science et avenir de l’homme, op. cit., p. 17. 78 Bernard Brugière, « Esquisse d’une conclusion », in L’acte créateur, Études réunies par Gilbert Gadoffre, Robert Ellrodt, Jean-Michel Maulpoix, Éd. PUF, Paris, 1997, p. 262.
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l’homme et son milieu, l’homme et son œuvre, l’homme et lui-même »79, affirme Bernard Brugière. L’œuvre d’art émerge d’une tension, d’une envie, mais aussi d’une nécessité et d’un positionnement, du contact avec la matière et de l’usage des techniques. Cet usage des techniques voudrait que la production artistique négro-africaine intègre esprit, intelligence, imagination, sensibilité, bref toutes ces facultés dont on veut aussi doter la machine aujourd’hui, dans une logique, non pas de spiritualisation de la matière, comme on serait porté à le penser, mais plutôt de la téméraire matérialisation-mécanisation-automatisation de l’esprit.
L’adjonction de la production industrielle numérique à l’art négro-africain, sa quantité ou sa masse, n’est pas injonction. Elle est plutôt croissance incessante en volume matériel et monétaire, et en diversité esthétique. L’économie numérique bénéficierait de l’adjonction de l’art, si elle promeut l’esthétique numérique.
Ainsi, l’art négro-africain doit s’accommoder aux formes d’objets industriels. Formes qui sont déterminées par leur usage, leur utilité, mais cette utilité n’existe que selon l’Idée que l’humanité se fait du monde industrie. Le monde industriel serait produit pour réaliser par l’esthétique industrielle l’affranchissement du déterminisme matériel ; les idéaux poétiques et politiques de la liberté et de l’égalité, même si ceux-ci peuvent s’altérer en domination et conformité, défendent des formes de diffusion du confort universel. La qualité ou cause effective de la production esthétique industrielle est la diffusion. Ce principe est évident pour la plus grande partie de la population ; en effet, les modèles qui marquent l’Histoire sont ceux qui ont eu le plus large public, on compte ainsi le nombre d’éléments de mobilier de la même façon que les livres ou les disques ; un génie artistique n’existe qu’en tant qu’il est reconnu » L’art négro-africain doit peut donc efficacement participer de la capacité de production industrielle. La capacité de la production industrielle à produire des mondes, témoigne de la double acception du terme « démiurgique », relatif à la production d’un monde caractérisant le dieu créateur du gnosticisme, et étymologiquement « travail pour le peuple » :
La finalité démiurgique permet de concevoir la portée esthétique de la production industrielle, ensemble d’objets utilitaires ayant à produire les conditions de vie humaines, à imiter le dieu biblique et sa création. L’aspect esthétique de cette démiurgie est alors crucial, car il s’agit sans cesse de justifier à ceux dont elle régit l’espace la validité morale du travail qui y est effectué. Car la diffusion universelle de l’équipement dans laquelle consiste la production industrielle, doit arguer de la

79 Idem.

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validité morale de cet équipement, des besoins techniques : il s’agit de bâtir un monde où les besoins que l’on désire vendre prennent place.80

D’une manière générale, l’univers numérique est un univers constitué d’informations codées et son essence peut être appréhendée dans la phrase de Sven Spiker : « l’information est tout simplement ce qui n’a pas deux significations, tout ce qui n’est pas équivoque ». Ainsi, nous pouvons définir l’univers numérique comme un univers formel dans lequel tous les objets ont une description univoque et où toutes les actions correspondent à des opérations exactes.
b. Du mystico-esthétique au techno-esthétique : pour l’émancipation de l’art négro-africain
Il s’agit du passage de l’adoration à la création, du mystique au scientifique. Si l’Occident qualifie de « primitifs » ou « premiers » le œuvres d’art africains, nonobstant la promotion faite par la Fondation Jean-Paul Blanchère en France, c’est parce qu’elles restent fixées, figées dans les carcans des sphères métaphysiques. On sait avec Auguste Compte qu’il faut dépasser l’âge métaphysique pour atteindre le positivisme. L’art négro-africain n’a vraiment pas évolué du fait de son attachement à la dimension métaphysique. Ebénézer Njoh Mouéllé dénonçait déjà cette fixation métaphysique : « ce n’est pas en se refugiant dans une pseudo contemplation, de l’âme en abandonnant à la divinité l’ordre du faire pour conserver seulement l’ordre du voir faire que nous pouvons espérer sauver l’humanité de l’homme »81.
L’option est donc sans équivoque : il faut nier la contemplation métaphysique, magicomystique, fétichiste et théocentrique, et intégrer la créativité technoscientifique dont l’Intelligence artificielle. « L’autre facteur important sera la domination, véhiculée non seulement par les idéologies chrétiennes déjà évoquées mais aussi par les philosophies occidentales, entérinée par une volonté de pouvoir et d’expansion soutenue par un fort prosélytisme; le besoin encore inassouvi d’exotisme fera le reste. »82 Nous avons vue avec Tonme que les Masque négro-africain parlent, mais ils parlent mystiquement, seuls les initiés peuvent entendre leur voix. Tout le monde ne peut comprendre un tel objet d’art qui relève de l’ethno-esthétique et dont la connaissance duquel doit « se transmettre de génération en génération ». Il ressort donc que l’art négro-africain est encore

80 Ibidem, p.12-13. 81 Ebénézer Njoh Mouéllé, De la médiocrité à l’excellence, op. cit., p. 140. 82 Joseph Adande, « L’art africain et l’imaginaire des autres entre le XVIe et le début du XXe siècle. Essai d’analyse diachronique des prémisses d’un processus de «globalisation» », in Afrika Zamani, Nos. 9&10, 2001–2002, p. 68.
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dans les deux premiers âges de la formation de l’esprit positif d’Auguste Comte ; il n’est pas encore mature positivement. Comment le positiver à l’ère de la technoscience ? comment rende lucide ou scientifique cette parlure mystique ?
On peut peut-être introduire des nanotechnologies ou agents, de l’intelligence artificielle dans ces masques négro-africains pour qu’ils parlent comme des robots. Cela sera encore plus lucide et crédible. Et ces masques et autres objets d’art négro-africains, souvent offerts aux étrangers peuvent jouer le rôle d’objets espions du point de vue diplomatique… Avec l’Intelligence artificielle on pourrait robotiser les masques et statuts africains. Cela permettra aux objets d’art africain de relater eux-mêmes leur histoire souvent biaisée par les Occidentaux…
c. Intelligence artificielle et art négro-africain : pour une esthétique du développement
Nous avons relevé plus haut les faiblesses de l’art négro-africain qui pourraient se résumer à la proposition de Basile Davidson selon laquelle « les Africains n’arrivent pas à transformer ce qu’ils possèdent ». Et c’est l’absence de maitrise de la civilisation technoscientifique qui explique la faiblesse de l’art négro-africain.
Pour ce faire, Marcien Towa martèle que « le développement n’est qu’un autre nom de la civilisation industrielle, laquelle repose (…) sur la science, la technologie et le management. C’est seulement en maîtrisant ces ressorts du développement que nous surmonterons la marginalisation et le mépris des autres. »83
Aujourd’hui, si l’art africain traditionnel bénéficie progressivement de quelque reconnaissance d’une catégorie esthétique, avec par exemple, son entrée au Musée du Louvre, après de nombreuses péripéties, la place qu’il occupe dans les cultures et civilisations étrangères à l’Afrique la moindre. Certes, rares sont les musées du monde qui ne détiennent pas une pièce d’art africain. Quelle que soit sa forme, son lieu de provenance, son âge, l’art africain intéresse. Mais il faut encore qu’il progresse et qu’il soit compétitif, puisqu’il est encore primitif aux yeux de l’Occident.
Certes, le marché de l’art nous invite avec une insistance grandissante à changer d’attitude. Les ventes aux enchères qui se déroulent surtout dans les grandes métropoles

83 Marcien Towa, « Identité et identification », in David Simo (sous direction de), Construction identitaire en Afrique, éd. CLE, Yaoundé, 2006, p. 48.
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européennes disent que cet art prend une valeur de plus en plus grande. Il est vrai qu’il s’agit essentiellement de pièces semblables à celles qui ont impressionné les peintres occidentaux au début du siècle. Pour que cela se vende aussi cher, il faut bien des raisons auxquelles nous ne saurons rester en permanence étrangers. L’enseignement, en aidant à comprendre cet art, nous donnera de nouvelles raisons de croire au passé pour renouveler le présent et créer l’avenir dans un monde où la globalisation s’impose à nous84.
Il y a impératif du progrès de l’art négro-africain via l’intelligence artificielle. L’Idéal du Progrès implique l’idée d’un affranchissement collectif, réalisé en tant que rationalisation esthétique de l’espace. Si le concept de révolution artistique se représente dans l’espace esthétique de l’Afrique, l’Idéal du Progrès est présenté dans l’espace de l’affiche politique ou publicitaire, comme avenir plausible. Le concept de progrès par lui-même ne présente pas de difficulté pour être correctement entendu, puisque l’on comprend aisément ce que l’on entend par progrès matériel. De nos jours, il est évident que progrès technique, progrès matériel et progrès moral sont dissociés, car en effet, c’est une chose que l’apparition de techniques nouvelles, une autre que l’enrichissement personnel, et encore une autre qu’une nouvelle exigence éthique : nous avons pris l’habitude de les dissocier, ainsi que de séparer les discours publics de la réalité sociale, au point que certaines exigences éthiques croissantes vont à leur propre encontre.
Toutefois, le progrès esthétique en Afrique noire est une nécessité. Ce progrès passe par la créativité et celle-ci ne saurait se soustraire de l’intelligence, de l’intelligence artificielle puisque cette dernière est augmentée et peut, de ce fait même, augmenter la créativité et productivité artistique du génie négro-africain. Parlant de la nécessité d’intégrer l’intelligence dans la création artistique négro-africaine, Njoh Mouéllé, selon Menyomo Ernest, soutient avec Engelbert Mveng que « le côté intellectuel doit donc être pris en compte dans la création artistique africaine. C’est dans ce registre que s’inscrit la lance-objet d’art africain-. Pour Engelbert Mveng, elle « est l’œuvre du forgeron qui l’a médité et façonné avec patience. Et parce qu’elle est belle, elle est l’un de ses rares objets fabriqués devenus à leur tour motif esthétique pour les Bamoun »85.
Avec cette créativité associée à la l’Intelligence artificielle, l’œuvre d’art peut occuper une place prépondérante dans le développement économico-numérique de l’Afrique. Car, le

84 Joseph Adande, « L’art africain et l’imaginaire des autres entre le XVIe et le début du XXe siècle. Essai d’analyse diachronique des prémisses d’un processus de « globalisation» », in Afrika Zamani, Nos. 9&10, 2001–2002, p.74. 85 Ernest Menyomo, op. cit., p. 59.
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savoir-faire, la création et l’innovation sont des signes logiques et distinctifs du développement ; ils relèvent de la culture. En réalité, disons-le avec Kouéna Mabika Louis, « inventer le développement durable implique la construction d’une nouvelle vision culturelle. En fait la maîtrise culturelle libère les énergies créatrices du développement par la voie de l’art. L’art africain intègre les trois éléments de l’univers : la nature, l’homme et le divin. Il vise non pas l’individu isolé, mais l’homme intégré, profondément solidaire du groupe et de la communauté (L.S.Senghor 1969 ). La peinture et la sculpture qui sont des supports culturels très symboliques et porteuses des valeurs de travail sagesse, de dialogue et contribuent efficacement au développement. L’Etat doit promouvoir une politique culturelle et artistique favorable au développement. »86
Bien entendu, l’art négro-africain est un art fonctionnaliste ; il participe de la résolution des problèmes sociaux. Les auteurs tels que Senghor, Cheik Anta Diop, Njoh Mouéllé, Mveng, reconnaissent à l’art négro-africain cette fonction sociale. Mais, « à l’inverse, certains auteurs associent l’œuvre d’art exclusivement comme un objet de divertissement véhiculant une vision purement esthétique. Cette approche est celle qui domine dans la conception occidentale européenne de l’art. L’approche négro africaine combine les deux aspects dans la conception artistique : l’esthétique et l’utilité sociale (…). Malheureusement cette vision de l’art et de la culture qui sous-tend le développement africain a été étouffée par la colonisation. Ainsi, la place et le rôle des œuvres d’art dans le développement ne peuvent s’envisager que dans cette approche, en tenant compte des valeurs relatives à la modernité. La valeur sociale semble-t-il, est plus conforme à la reconstruction des structures sociales communautaires. »87
Sur le plan économique, d’une manière générale, les normes de valorisation d’une création artistique ne sont pas exactement saisissables compte tenu des facteurs quelquefois subjectifs et non quantifiables qui interviennent dans le procès de création. « Le temps et les sources d’approvisionnement de l’artiste sont vraiment imprécis à cause du caractère informel de son travail. Encore que les mécanismes de l’offre et de la demande ne peuvent fonctionner correctement. Mais l’on note que les œuvres d’art sont parfois vendues à des prix très élevés ; c’est le cas du "masque d’initié lukungu" du 19ème siècle en ivoire patine rouge sombre de

86Louis Kouéna Mabika, « La place et le rôle des œuvres d’art dans le développement africain : cas du Congo-Brazzaville », in Communication à la 11e Assemblée Générale du CODESRIA (Décembre 2005, Maputo), p. 1. 87 Ibid., p. 2.
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l’ethnie lega en République Démocratique du Congo, présenté à la Maison de ventes aux enchères parisiennes qui a coûté 2,4 millions d’euro, un record mondial. »88
La place et le rôle des œuvres d’art négro-africain dans le développement africain dépendent des conditions de création, de valorisation et de l’impact qu’elles représentent dans la croissance et le bien-être de la population. La combinaison dynamique de ces facteurs associés à d’autres non moins importants tels que les stratégies et les réseaux a valeur d’induction sur le développement sectoriel. » Leur contribution peut être identifiée à plusieurs niveaux : Sur le plan fonctionnel, ces œuvres contribuent à éduquer les générations actuelles sur les traditions, us et coutumes de la société passée. En faisant le lien avec le passé, elles montrent les sources d’où proviennent les hommes et mettent en évidence le caractère historique des faits sociaux. Ainsi, il est possible à partir de ces œuvres de mieux comprendre le présent et mieux prévoir l’avenir. Le développement social est assurément un trait d’union entre les différentes phases de l’histoire de la société à savoir le passé, le présent et le futur. Ces œuvres en véhiculant les grandes valeurs morales comme le travail, la dignité, la sagesse, la paix, le dialogue, la solidarité, le courage, etc. contribuent à perpétrer des valeurs qui sont fondamentales pour la cohésion et le développement social et qui sont aujourd’hui mises sen péril par la société capitaliste et la mondialisation.
Il est clair que, culturellement, l’Afrique possède assez de ressources spirituelles et artistiques insondables qu’il faut dynamiser et moderniser pour que naisse « le miracle africain » à l’instar de celui « asiatique ». Ainsi donc, en termes de développement, nous formulons, avec Louis Kouéna Mabika, les propositions suivantes :
• La promotion du tourisme par les décideurs congolais et les entrepreneurs privés, étant donné que ce domaine constitue un service durable et un grand facteur d’inter culturalité; • L’organisation des métiers de l’art qui sont géniteurs de paix et de sensibilité humaine, et notamment la mise en place d’une banque de données permettant d’ étudier l’évolution de la demande et de l’emploi dans le secteur ; • La création d’institutions spécialisées (écoles, musées, galeries, centres d’art etc.) pour éveiller le goût esthétique au sein de la population, les musées doivent devenir des unités de production culturelle et artistique au même titre que les stades pour le sport. Il s’agit donc de les promouvoir. • Favoriser la solidarité entre les créateurs en organisant les expositions communes, et vulgariser le savoir et la connaissance en matière d’art ;

88 Idem.
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• Proposer des expositions à thème pour des motifs sociaux que l’on pourrait évaluer; • Créer des partenariats avec les galeries et les musées étrangers, afin de participer aux expositions internationales pour la notoriété des artistes et du pays ; • Procéder aux émulations pour encourager les artistes, et participer à la production des catalogues et monographies des artistes, en dehors des guides touristiques pour la dynamique du secteur.89 Mais, appliquée à l’art négro-africain, l’Intelligence artificielle peut davantage booter ce développement, car l’art négro-africain est manipulations symboliques susceptibles d'être implémentées dans des machines.
La place de cet art dans la globalisation ne cesse de grandir si l’on en croit les ventes aux enchères où les pièces de l’art africain « traditionnel » s’enlèvent à des prix exponentiellement croissants. Mais il s’agit d’un « art-pour-les-autres » qu’il convient que les universités africaines se réapproprient par l’enseignement si l’on veut que demain les fils de ce continent continuent d’être fiers d’un héritage qu’ils connaissent et apprécient. Le développement qui est d’abord un processus mental est certainement à ce prix aussi dans un monde où nul ne sait de quoi la globalisation sera faite et au profit de qui elle étendra ses tentacules.
Par ailleurs, sur la question de l’identité, peut-on alors intégrer une culture numérique instrumentale et mercantiliste tout en maintenant notre identité culturelle ? N’y aurait-il pas un désordre civilisationnel due à la conjonction de ces cultures différentes ? Georges Balandier, sur la question de la culture d’Afrique noire apprécie :
Un ordre ne peut résulter que du jeu des différences et de la hiérarchisation (logique, symbolique, effective) des éléments différenciés. C’est en raison des différences ordonnées que la société et sa culture se constituent en des ensembles organisés que les hommes peuvent s’y définir - construire leur identité - et s’y situer, déterminer leurs positions sociales. 90 Besoin n’est donc point de s’inquiéter, il est possible d’assimiler l’Intelligence artificielle, par exemple, sans nier notre identité en développent aussi un « art technovisuel négro-africain ».



89 Ibid. p.11. 90 Georges Balandier, « La violence et la guerre : une anthropologie » in Violence et sécurité collectives, n° 110, UNESCO / ERES, 1986, pp. 534-535.
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d. Art négro-africain et le paradigme LIA : vers un art techno-visuel
L’art négro-africain peut, par l’entremise de l’Intelligence artificielle, appliquer le principe techno-virtuel de Logos Image Automaton pour redorer le blason des objets d’art négro-africain dont la dimension esthétique reste sujet à caution, de controverses. En effet, le Logos Image Automaton est une interface qui incorpore la notion de texture, et qui aboutit à la construction d’une image de qualité. Il est question de faire référence à « la qualité visuelle qui permet d’identifier un matériau »91 et elle décrit à la fois l’apparence de l’objet représenté et la propriété de la surface du tableau. Ces deux significations précisées par Anne Beyaert comme « chair du monde » ou « chair de la peinture »92.
Certes, les éléments « virtuels entretiennent avec vous une relation singulière. Vous avez beau les connaître (pour les avoir conçus), ils persistent dans l’étrangeté. Familiers, ils sont là, présents, paisibles et en même temps inquiétants »93 comme le souligne Louis Fléri, et le virtuel s’éloigne du beau naturel. Mais, nous reconnaissons néanmoins quelque catégorie et valeur esthétiques des objets ou images virtuelles. Hegel n’avait-il pas soutenu la thèse selon laquelle le beau artificiel est supérieur au beau naturel ? Le principe Logos Image et Automation, pourra donc accroitre l’embellissement et la créativité de l’art négro-africain.










91 Anne Beyaert, « Texture, couleur, lumière et autres arrangements de la perception », p.81, dans Revue Protée, Volume 31, numéro 3, hiver 2003, p. 81-90, disponible sur http://id.erudit.org/iderudit/008439ar. 92Ibid., p. 82. 93 Cté par Nikoleta Kerinska, Art et intelligence artificielle : dans le contexte d’une expérimentation artistique, thèse de doctorat, Sous la direction de Bernard Guelton, Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne, 2014, p.225.
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CONCLUSION
L’art négro-africain, cet « art premier », ou encore l’ « art primitif », vacille entre tradition et modernité. Deux courants esthétiques s’opposent : celui des conservateurs jaloux et nostalgiques de l’identité spécifique de la culture négro-africaine, et celui des progressistes qui proposent l’ouverture à la culture occidentale, au paradigme technoscientifique, dont l’intelligence artificielle. Mais, par-delà le clivage qui existe entre traditionalisme et modernisme, il y a urgence de développement et, compte tenu du fait que le vent de la technoscience souffle partout, et emporte tous les secteurs d’activités ; rien ne lui échappe, car la technoscience apparait comme l’ultime chemin par lequel l’humanité doit désormais passer pour s’améliorer et s’augmenter nonobstant les dangers auxquels elle fait face. Ainsi, l’art négro-africain doit être augmenté au moyen de la technoscience. La culture numérique, dont l’intelligence Artificielle, jointe à l’art négro-africain apparait comme un moyen idoine de réalisation de l’esthétique du développement. Malgré le risque de crise d’identité et des valeurs esthétiques négro-africaines, et le déterminisme technoscientifique que coure l’art négroafricain du fait de l’intégration nécessaire de l’Intelligence artificielle, celle-ci serait toutefois, le gage de la modernisation, de la compétitivité et du développement esthétique et de l’esthétique du développement de l’Afrique en général et de l’Afrique noire en particulier. Audelà de l’antagonisme entre technophobie et technophilie, nous pouvons dire, que l’art négroafricain lui aussi « se doit de respecter un principe d’ouverture, de suivre des démarches plurielles pour relever le défi »94 d’une Afrique dominée et exploitée ; encore en arrière garde de l’évolution technoscientifique et esthétique. C’est du moins ce que Lucien Ayissi appelle arriération technoscientifique qu’il constate et, de ce fait, confirme la nécessité pour les Africains de maitriser la technique et la science : Les Africains gagneraient beaucoup à promouvoir l’esprit technoscientifique parce qu’il libère de la servitude des mythes obscurantistes qui dominent encore leurs représentations et empêchent la pleine actualisation de leur humanité dans l’histoire. L’insertion de l’Afrique dans la dynamique d’un monde qui pose de plus en plus des problèmes de sens, dépend de la nature de son rapport à la technoscience. Elle n’a pas intérêt à faire l’économie de l’esprit technoscientifique en se fondant sur les critiques idéologiques qu’on adresse souvent à la technoscience.95



94 Jean Bertrand Amougou, op. cit., résumé. 95 Lucien Ayissi, « Essai de clarification du rapport de l’Afrique à la technoscience », in Annales de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Yaoundé I, Vol. 1, N° 4, 2006, p. 13.

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39

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Table des matières

SOMMAIRE…………………………………………………………………………………..1
RESUME………………………………………………………………………………………2
ABSTRACT…………………………………………………………………………………...3
INTRODUCTION…………………………………………………………………………….4 PARTIE I : FAIBLESSES DE L’ART NEGRO-AFRICAIN ET ATOUTS DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE………………………………………………………9
A. FAIBLESSES DE L’ART NEGRO-AFRICAIN………………………………………...9
a. Un art traditionnel……………………………………………………………………….......9
b. Un art mystique et mystérieux……………………………………………………………..10
c. Un art primitif et passéiste…………………………………………………………………13
40

B. LES ATOUTS DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE…………………………….14
a. Le « design » comme moyen d’industrialisation de l’art négro-africain……………………14
b. L’intelligence artificielle et modernisation de l’esthétique négro-africaine………………..15
c. Esthétique des interfaces ou esthétique médiatique et perception…………………………..17
PARTIE II : PROBLEMES LIES AU BINOME ART NEGRO-AFRICAIN / INTELLIGENCE ARTIFICIELLE………………………………………………………..19
a. Problème de l’identité et authenticité………………………………………………………19
b. L’Intelligence artificielle et négation des valeurs esthétiques négro-africaines…………...21
c. Du déterminisme métaphysique au déterminisme technoscientifique……………………..23
d. Du fictionnel du virtuel comme compromission du réel…………………………………...25
PARTIE III : ART NEGRO-AFRICAIN : NECESSITE D’ADOPTION ET D’ADAPTATION DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE……………………………27
a. Art négro-africain et production industrielle : pour une économie numérique……………...28
b. Du mystico-esthétique au techno-esthétique : pour l’émancipation de l’art négro-africain.30
c. Intelligence artificielle et art négro-africain : pour une esthétique du développement…….31
d. Art négro-africain et le paradigme LIA : vers un art techno-visuel………………………..36
CONCLUSION……………………………………………………………………………..37
TABLE DES MATIERES………………………………………………………………….38