Article :                     La démocratie : Peser ou compter ?

Ahmed MAROUANI 


 

S’il est vrai que tout le monde à travers la planète voulait de la démocratie, il n’est pas moins vrai que celle-ci ne voulait pas de tout le monde dans cet univers. Elle reste inaperçue dans de vastes contrés, sans être transparente dans d’autres. Et si sa définition étymologique fait d’elle le pouvoir du peuple, aucun peuple n’est repérable en un seul et unique bloc ou unité homogène. Alors qu’aucune personne ne peut, de nos jours et à une échelle planétaire, ignorer la démocratie ni contester son rayonnement et sa gloire en tant que forme, non seulement, en politique mais dans toutes les relations aussi bien entre les pays, que les institutions voire entre les individus et les membres d’une même famille au sens large. Tout le monde en parle ; du plus fort et riche des Présidents au plus faible et pauvre des enfants. Chacun vente ses qualités, déclare traiter les autres et désire être traité démocratiquement et faire participer ou participe à tout. Elle est communément appréciée ; aussi bien par le commun des mortels que par le plus pointu des intellectuels. Certains, si ce n’est la majorité, veulent l’adopter, et si elle manque, ils disent qu’il faut l’instaurer par tous les moyens, même par les moins démocratiques, la violence voire la guerre. Celui qui s’oppose à tel avis est communément taxé d’ennemi de la démocratie, de « sauvage et de non civilisé », de réactionnaire tout court. Ces qualificatifs ne sont pas réservés seulement à des personnes mais à des pays et à des États (jusqu’ici non à des gouvernements !) Heureusement ou malheureusement d’ailleurs que de nos jours nous n’avons pas des sophistes déclarés ou professionnels pour dire d’elle, c’est-à-dire de la démocratie, qu’elle est ambivalente et qu’elle est capable de jouer des rôles contradictoires. En fait de tels penseurs ou activistes existent mais ils n’ont pas le courage nécessaire pour se déclarer comme tels sur les places et les médias publics.

Le caché de la démocratie

Mais qu’en est-il vraiment de la démocratie ? Sans prétendre être sophiste, avec une portée moderniste, ou maître ou éveilleur des consciences, on peut résumer l’acte démocratique,  surtout en politique, dans l’élection ou le suffrage direct ou indirect, et dans le reste des cas par la participation du citoyen au déroulement des faits qui restent à la mesure de l’homme. Le dialogue et le discours sont à la base de la démocratie. En réalité, plutôt selon les faits, la démocratie passe obligatoirement soit par les urnes ; soit par la main levée ou soulevée, soit par le hochement de tête ou par tout signe d’approbation ou de désapprobation. La majorité est celle qui l’emporte toujours, qu’elle soit pour ou contre l’objet de discorde, et c’est à elle que revient les décisions, le dernier mot, bref le pouvoir. Et même si on parle du droit des minorités ce n’est que pour démontrer les bienfaits des démocrates, c’est-à-dire la majorité, ceux qui acceptent les non-démocrates, les minoritaires à leur table pour les vexer, indirectement et silencieusement, encore plus.

La démocratie est liée au vote, qu’il soit à une échelle planétaire (exemple à l’ONU), à une échelle nationale (les référendums ou les élections), à une échelle professionnelle (les syndicats par exemple) et d’une manière générale même pour l’élection de la plus belle fille ou du plus beau chien à une certaine échelle. Le vote est opéré par des individus ou des jurys ou assemblés ou autres qui accordent leur voix à un certain choix (faire la guerre par exemple), à un individu pour diriger l’Organisation des Nations ou un club de football ou le syndic d’un immeuble. Ces voix, qu’elles soient d’États, d’officiels, d’adhérents, de membres, de propriétaires ou de locataires sont en fin de l’opération comptabilisées et le plus grand nombre des voix est toujours gagnant quelle que soit la personne à nommer ou la décision à prendre. En fait même entre des vrais bandits et des sages gangs, on se fie au vote pour prendre les décisions là où le désaccord règne. Le vote est la solution à toutes les discordes. Il est signe d’égalité laquelle existe même entre les plus injustes. Ces votes viennent suite à des propagandes, à des discours, à des invitations et à tout autre moyen pour gagner des sympathisants et des voix. Ces formes de conquête peuvent être truquées, c’est-à-dire un miroir aux alouettes. Car ceux qui votent ont, généralement, une certaine conviction du sérieux de ce qu’ils faisaient. Ce sérieux est lié à la qualité de l’individu ou de la décision à promouvoir. Mais une fois le vote effectué, on oublie la qualité, la profondeur, la logique et les arguments du discours ou de la décision à prendre pour compter les voix et se réjouir de la victoire pour ceux qui ont  voté pour et l’amertume pour ceux qui ont voté contre. Ces derniers acceptent, bon grés mal grés, la voie ou la voix des urnes pour faire taire définitivement leur voix à eux, en craignant d’être taxés de non démocrates. En fait ce qui importe en démocratie ce n’est nullement le poids des voix mais leur nombre. La démocratie a été, depuis la condamnation de Socrate, et jusqu’à nos jours une affaire de calcul et très très rarement une affaire de profondeur. Et c’est peut-être là la raison qui laisse tout un chacun s’attacher à elle, surtout les communs des mortels, ceux qui croient que leur existence est liée à leur voix comptabilisée et non pesée. Vivons-nous l’étape ou le cogito est devenu : je vote donc je suis ! ?

                                                                       Ahmed MAROUANI

Enseignant de philosophie

                                                                                             A l’Université de Tunis

 

 


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