DocumentStéphanie Combabessous Hasard et déterminismeLe préjugé foncier
est de croire que l'ordre la clarté la méthode doivent tenir à l'être vrai
des choses, alors qu'au contraire, le désordre, le chaos, l'imprévu,
n'apparaissent que dans un monde faux ou insuffisamment connu, --bref sont
une erreur ; c'est là un préjugé moral, qui vient de ce que l'homme sincère,
digne de confiance, est un homme d'ordre de principes, et a coutume d'être
somme toute, un être prévisible et pédantesque. Mais il est tout à fait
impossible de démontrer que "l'en soi" des choses se comporte selon cette
définition du fonctionnaire modèle"
Depuis longtemps le chaos est synonyme de désordre, de confusion et s’oppose
à l’ordre et à la méthode.
Nietzsche sera un des premiers penseurs à réhabiliter la
notion de désordre. De nombreux chercheurs en sciences dites « dures » se
sont intéressés aux mouvements dit chaotiques. Ils ont confirmé que,
contrairement à ce que la pensée déterministe, paradigme dominant
actuellement, martèle depuis des lustres, il se pourrait qu’il y ait de
l’équilibre dans le déséquilibre, de l'organisation dans la désorganisation.
Pour définir ce à quoi fait référence la théorie du chaos, je me devais de
faire un petit détour historique et de décrire rapidement quels étaient les
concepts en lien avec cette théorie. ENTRE DETERMINISME ET HASARD.
Selon
Ilya Prigogine (1996, 213), la vision classique du monde
consiste en "deux représentations aliénantes, celle d’un monde
déterministe et celle d’un monde arbitraire soumis au seul hasard.".
Donc, s'approprier le " présent " d’un système permettrait non seulement de connaître son passé et mais également de se projeter dans son futur ; nous sommes ici dans une relation de causalité. C'est ce que qu’affirmait Laplace lorsqu’il écrivait : "nous devons donc envisager l’état présent de l’univers comme l’effet de son état antérieur et comme cause de celui qui va suivre".
La vision de l'arbitraire et du hasard est, quant à elle, issue du fait
que seuls les systèmes complexes, composés d’un trop grand nombre
d’éléments, (donc qu’on ne pouvait connaître voire comprendre) n’entraient
pas dans cette première conception déterministe. Ces systèmes se révélaient
comme soumis au hasard et correspondant au chaos. Un exemple très simple de
ce type de système chaotique, est celui du tirage du Loto national, qui
scientifiquement se rapporte au
mouvement Brownien. Je
renvoie le lecteur à l'article de
Pour
I. Prigogine il existerait quelque chose d’autre, que
les lois et le hasard, qui pourrait " s’intercaler " entre ces deux
conceptions. Ce "quelque chose d'autre" va émerger d’une
faille interne au déterminisme, faille qui pourrait annoncer la fin du règne
de ce paradigme dominant. Or les comportements liés au hasard étaient jusqu'à ce moment liés à un phénomène de grands nombres... H. Poincaré va remettre en cause ce présupposé en définissant ce qu'il appellera par la suite " sensibilité critique aux conditions initiales". Cette découverte est un des fondements de la théorie du Chaos, dont l’un des exemples le plus célèbre est celui de " l’effet papillon " de Lorentz .
Pour la petite
histoire, " L’effet papillon " veut qu’une perturbation minime
telle qu’un battement d’aile de papillon puisse, après un long moment, par
amplification exponentielle déclencher un cyclone. Ceci implique une perte de certitude et une certaine impuissance des chercheurs face à ces phénomènes. Quoi de plus angoissant que cette dissonance cognitive, provoquée par une absence de certitude, qui se révèle difficile voire impossible à gérer psychologiquement. Cela expliquerait-il la difficulté qu'aurait l'individu à accepter ce nouveau point de vue ? La réponse de I. Prigogine (1995) est pourtant claire : " la certitude n’a jamais fait partie de notre vie. Je ne sais pas ce que sera demain. Pourquoi penser que la certitude est la condition même de la science ? (...) La science traditionnelle identifiait raison et certitude, et ignorance et probabilité. Il n’en est plus ainsi aujourd’hui. " EQUILIBRE VERSUS NON-EQUILIBRE ? Dès 1945, I. Prigogine s’est intéressé au fait que le non-équilibre pouvait jouer un rôle organisateur. Il a distingué deux étapes dans cette démonstration, la première étape faisant référence à l’équilibre et la seconde au non-équilibre. Du 19éme siècle au 20éme, les scientifiques s’intéressaient à l’équilibre, puis aux états proches de l’équilibre car " on avait tendance à croire que l’évolution vers l’équilibre était synonyme de perte d’information, d’une uniformisation du système. Or dés que l’on s’éloigne un tant soi peu de l’équilibre, on assiste à la coexistence de phénomènes d’ordre et de désordre." La seconde étape fait, elle, référence au " non-équilibre ". Selon I. Prigogine, "s’éloigner de l’équilibre réserve des surprises". En effet, " il est impossible de prolonger ce que l’on a appris de l’équilibre, on découvre ainsi de nouvelles situations, parfois plus organisées qu’à l’équilibre. Cela se produit en des points particuliers, qui correspondent à des changements de phases de non-équilibre, ce que j’appelle des points de bifurcation. ".
Ce point de
bifurcation, ce changement " de cap ", peut être provoqué par une succession
d’événements. Ceux-ci, en atteignant un point critique, font prendre des
proportions gigantesques à une petite perturbation et rendent impossible
toute prédiction quant à l'évolution du système. Alors de l'ordre dans le désordre ? T.R.I. Août 2001 suite bibliographie (1) F.
NIETZSCHE, La volonté de puissance, Tome 1, Gallimard.
(6)Ibid.
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