MÉDITATIONS AU GRÉ DU TEMPS

 

 Lorsque nous évoquons l’évolution de l’univers nous pensons nécessairement à une complexification. Complexification des manifestations élémentaires de l’Être (issu du néant ?) corrélativement au temps et à l’Espace. Puis complexification des complexifications pour arriver  aux immensités minérales , et enfin  au monde organique capable de spontanéité c’est-à-dire de choix. Conscience animale au premier degré d’abord, et enfin conscience réflexive, qui se pense pensant. A ce stade, la personnalité apparaît qui se perçoit comme entité autonome, responsable de ses choix et de son action. A considérer objectivement la cinématique du mouvement évolutif,  il faut bien constater que cette « évolution  » du simple au compliqué, de l’inorganique à la vie, puis de la vie à la pensée ne s’est jamais démentie tout au long de son parcours. Ce mouvement « vectoriel » a-t-il un sens ? Là est toute la question.

  

méditations  sur l’altruisme

 

En longeant le chemin qui va de la maison au grand bois de hêtres, je songeais à ce malheureux lièvre  que, le matin même,  j’entendais couiner d’effroi, de souffrance, de détresse en se débattant éperdument sous les dents  du renard qui s’acharnait à lui casser les reins. Arrivé sans bruit et à bon vent, j’observais à distance et sans intervenir ce drame banal des champs et des bois. Et je m’interrogeais : pourquoi fallait-il que la souffrance fût  indissociable de la lutte pour la vie ?  Pourquoi fallait-il que la vie des uns nécessitât la mort des autres ? Et que cette mort fût accompagnée des horreurs de l’agonie ? Dans le monde animal, l’indifférence absolue du prédateur pour sa victime est la règle. L’Évolution n’est que la très longue histoire de cette  prédation dégagée de toute culpabilité. Depuis l’apparition de la première protocellule dans les océans du pré-cambrien, la « Loi du Plus Fort » s’est affirmée pendant des milliards d’années.  Tout au long des ères, la Vie  a toujours nécessité  l’affirmation brutale du «  Moi » dans un égocentrisme indifférent par définition à tout ce qui pouvait s’opposer à la pérennité  de la race à travers la pérennité de l’individu.

Puis l’avènement de l’homme avec  le sens de l’autre  et son échelle de valeur est  venu modifier radicalement cette insensibilité par ignorance. En même temps, s’imposait toute la problématique de l’éthique !  Un ami me disait, mi figue- mi raisin,  «  dommage que je ne sois pas chien ou loup pour pouvoir manger un chevreau sans regrets ni reproches ! »

C’est ce sens de l’autre, dans toutes ses déclinaisons, qui mesure le degré d’hominité de chaque individu, si ce qui définit l’hominité est l’émergence des qualités morales qui séparent définitivement l’homme de l’animal. Tout simplement parce que ce « sens de l’autre » porte en soi l’échelle de valeur nécessairement sous-tendue par ce nouvel horizon d’où l’altruisme émerge. 

L’autre, perçu comme alter ego, nouvelle et révolutionnaire perspective, par laquelle s’irisent tous les problèmes liés à l’affectivité et à la morale.

L’autre, enfin,  au sujet duquel vont s’exprimer les deux plus belles qualités qui spécifient l’homme ; la compréhension et la compassion.

Ainsi donc, l’Évolution elle-même nous a imposé la prédation et le mépris de la souffrance.  L’Homme, comme l’animal,  ne peut agir, bouger, vivre, sans créer la mort autour de lui. Si chaque mort, si chaque souffrance est un scandale, faut-il s’abstenir de  « manger du cadavre » comme disent les végétariens ?

Pourtant, ne savons-nous pas que la nourriture carnée a été à l’origine des mutations majeures qui ont transformé les premiers proto-anthropiens, frugivores arboricoles pré-conscients, en para-anthropiens, devenus capables de réflexion c’est-à-dire « conscients de leur conscience » ? Comment pourrions-nous être exclusivement phytophages?

Ces pensées m’avaient amené sous les hêtres de l’orée. L’automne faisait exploser la rousseur incandescente des feuillages traversés de soleil. Sur le chemin, une flaque de la dernière averse imaginait l’azur du ciel et miroitait de tous ses regrets d’un paradis perdu.  

Je m’étais arrêté.

Dans ce matin d’argent nuancé, l’automne s’était fait silence. Rien ne troublait l’agonie végétale, et même la wagnérienne épopée des sycomores de la route du village, hier encore rutilants de tout leur feuillage d’or liquide, s’était assourdie  en  un  andante gothique et grave sur lequel glissaient,  prudentes,  les brumes indécises.

Comme tous les ans à cette époque, dans le silence vespéral et sans angoisse de la nature,  je subissais l’envoûtement de la forêt qui perdait sa verdoyante unité  en une prodigieuse  et féerique polychromie.  C’était la saison des certitudes,  où tout ce qui vit, fatigué des gestations et des poussées de sève,  s’appesantit  dans   l’opulente sérénité  des automnes apaisés. Les feuillages resplendissaient.  Il y avait là les bouleaux, flamboyantes torchères d’argent miellé,  les fayards brûlés d’or roux,  les merisiers dont les tons de rose viraient juste avant la chute des feuilles en un rouge flamboyant qui réfléchissait la lumière comme un rubis,  et puis la teinte indéfinissable des mélèzes,  un jaune-orangé très doux, comme mousseux,  qui chantait en mineur sur le fond noir des pins. Tout était sérénité.

Tout à coup, j’entendis dans le sous-bois comme une galopade sur place. Je m’avançais. Les branchages d’un buisson s’agitaient en tous sens. Intrigué, je m’avançais plus outre et je vis… un malheureux lapin qui se débattait  désespérément pris dans le collet diaboliquement posé par Joseph, le notoire braconnier du village, brave homme qui ne dédaignait pas de temps à autre un civet sans bourse déliée. Je délivrais l’animal, qui détala sans remerciements !

Mais que pensais-je donc  il y a un instant concernant l’altruisme et la compassion  face à la souffrance de l’autre? L’homme n’est décidément pas encore prêt à sacrifier sa sensorialité à la commisération.

 

méditation sur l’apparence

 

Ma bibliothèque.  Un titre, entr’autre, attire mon attention : « L’étrangeté d’être « , de Thierry Maulnier. J’ai lu ce livre il y a bien longtemps. Plus que son contenu, son titre me fascine.

Faut-il redemander, après Leibnitz, Poincaré et bien d’autres, « Pourquoi quelque chose existe? » ou encore : pourquoi l’ « être » ? Ou mieux, si l’on accorde à Berkeley son idéalisme ontologique « pourquoi une conscience existe pour constater que quelque chose existe, ne serait-ce que son être propre ? » En effet, l’être ne prend sens qu’à travers une conscience qui le pense. Il est absolument vain de vouloir donner l’être à un monde non pensé : cela a autant de sens que de vouloir imaginer un carré rond (Bergson)  Esse est percipi : être, c’est être perçu.

Pourtant cette évidence est parfois inaccessible – ou difficilement accessible – à beaucoup d’hommes qui ont  donné de larges preuves de leur intelligence rationnelle. Tel cet ami, scientifique reconnu, spécialiste en physique délicate, quantique notamment, qui m’assurait que tout le scénario des ères qui nous ont précédés avait existé, qu’il fût pensé ou non. il ne percevait pas que c’était sa propre pensée qui donnait l’être à un monde censé n’être pas pensé ! 

Il est inacceptable,.continuait-il de soutenir, qu’il n’y ait pas eu de réalité vraie indépendamment de ce que nous en pensons..

Impossible, absolument impossible de lui faire comprendre qu’il n’y a de « réalité vraie » que dans une pensée ! Et qu’un objet ou  un monde qui n’est pas pensé relève de la « chose en soi » kantienne, c’est-à-dire d’un mode d’être nouménal, hors nos possibilités d’appréhension !  Je m’évertuais à lui dire que penser un monde sans pensée, c’est encore et toujours penser ! ! Autrement dit, le monde qu’il postulait  antérieur à l’avènement de la pensée réflexive ne prenait sens qu’à  travers sa propre pensée !

Certes, nous pensons  ici et maintenant un monde qui a été  avant ou hors toute pensée. Nous postulons la réalité ontologique de ce monde parce que  notre esprit, conditionné par l’espace et le temps, organise nécessairement tous les évènements qu’il perçoit ou imagine dans un « avant » et un « après ». Mais il ne devient significatif, ce monde, qu’à partir de l’instant nous le pensons Son « êtreté », c’est-à-dire son ontologie en tant que telle, sont sans attributs, et  nous n’en pouvons rien dire d’absolu : nous ne saurions lui donnons sens qu’à travers notre propre système cognitif   qui l’abstrait de toute « vérité  objective » en attribuant – à ce monde – le mode d’ « être » et de « connaître » qui est le nôtre. Et cela s’appelle l’histoire.

Nous sommes, ici et maintenant, le résultat d’un processus temporel, dont toute la chaîne antécédente à notre moment est pure création de notre conscience. Cette chaîne – dont nous venons de voir qu’elle s’appelle « Histoire », – ne saurait s’écrire autrement qu’à travers la contingence de nos possibilités de connaître.  Certes, cette histoire est tissée de phénomènes, mais ces phénomènes nous les interprétons. La « réalité objective » tant prônée,  n’est pour nous qu’un fantôme hors d’atteinte puisque la « chose en soi » – nous l’avons vu ci-dessus – nous est inconnaissable par définition : elle ne relève pas du « phénomène » mais du « noumène »  Il est vrai que si cette histoire est récente, la coloration que nous lui affectons, proche de la nôtre,  lui octroie une « vérité » plus  proche de notre « vérité » Mais elle n’en sera pas plus près d’une Vérité inattingible.    

Nous ne déchiffrons ce que nous appelons le réel qu’à travers les lunettes plus ou moins concaves et diversement colorées relatives à notre condition d’homme.

Je ne parvenais pas à  faire comprendre à cet ami que la « réalité vraie  » qui lui semblait le summum de l’objectivité n’était qu’une construction contingente de la pensée d’un homme du XXIème siècle, qui élaborait un modèle issu et adapté à son époque, et dont la seule vérité – ô combien méritoire et irremplaçable – était d’être cohérente avec l’ensemble du Savoir de la parenthèse temporelle qui enserre cette époque, cohérence nécessaire et suffisante pour valider définitivement ce que nous appelons « science ».  Et que la « Vérité » absolue de l’Être est d’ordre métaphysique,  et par là-même absolument hors de portée de toute connaissance phénoménale.

En effet, comment parler adéquatement hic et nunc d’un monde qui « était » il ya deux cents millions d’années ? Sa « vérité vraie » nous est inconnaissable.  Il n’était, ce monde,  qu’un  reflet douteux dans la pré-conscience des grands sauriens qui peuplaient la Terre à ce moment et dont, bien sûr,  nous ne pouvons rien savoir, sinon le penser selon notre contingence cognitive.      Il suffit donc que nous l’imaginions dans la structure actuelle de notre mode d’être et  de connaître  pour qu’il s’inscrive pertinemment   dans notre explication du passé qui conditionne la pertinence du présent. 

 

 « Le passé non en-soi, mais tel qu’il doit être vu et décrit comme vrai par une conscience à un moment de son histoire, cette conscience   dépendant d’un contexte cognitif qui lui est propre »

Parce qu’il ne saurait y avoir de connaissance objective. Chaque structure « connaissante » est un donné biologique contingent, façonnée par une mémoire collective contingente, liée à un contexte environnemental spatio-temporel contingent  auquel elle doit sa culture, et donc sa vision propre des choses.

« Quand j’essaierai de me figurer le Monde avant les origines de la vie, ou la vie au paléozoïque,  je n’oublierai pas qu’il y aurait contradiction cosmique à imaginer un Homme spectateur de ces phases antérieures à l’apparition de toute  Pensée sur Terre. Je ne prétendrai donc pas les décrire comme elles ont été réellement, mais comme nos devons nous les représenter afin que le monde soit vrai en ce moment pour nous : le passé non en soi, mais tel qu’il apparaît à un observateur placé sur le sommet avancé où nous a placé l’Évolution. »  (Le Phénomène humain. Teilhard de Chardin. Ed. Le Seuil)

Prendre connaissance de « l’apparaître » de quelque chose ne signifie pas connaître ce quelque chose dans sa réalité objective, c’est à dire dans sa vérité ontologique. C’est percevoir  une « êtreté » – une essence – posée comme extérieure à soi-même, en même temps que limiter cette perception à la contingence de notre mode de connaître.

Même notre propre corps, que nous connaissons si mal, pose problème face au « JE » qui l’habite.

Notre logique nous impose de postuler un passé et donc une Histoire à l’Évolution. Mais ce passé – et cette Histoire – ne prendrons sens qu’à partir de notre manière relative de construire ici et maintenant le contexte environnemental (c’est-à-dire notre monde, c’est-à-dire la totalité objective). Autrement dit encore, pour nous les hommes,  le passé ne prend sens et n’a de « vérité »  qu’à la lumière actuelle par laquelle nous comprenons et donc pensons les choses.

Citons le Professeur Whitehead… :« La nature reçoit des louanges que nous devrions en vérité nous réserver à nous-mêmes ; la rose pour son parfum, le rossignol pour son chant et le soleil pour son éclat. Les poètes sont complètement dans l’erreur : ils devraient se décerner à eux-mêmes leurs louanges lyriques et les transformer en odes de congratulations personnelles sur l’excellence de l’esprit humain. La nature est une affaire bien neutre, dépourvue de sons, d’odeurs, de couleurs : rien d’autre que l’écoulement  sans fin et sans signification de la matière ou de l’énergie »…

Que nous dit-elle? En d’autres termes,  ce que le neurophysiologiste R.W.Sperry  a souligné avec pertinence : « Avant l’apparition de la conscience dans l’évolution, tout le processus cosmique n’était, comme on l’a dit, qu’une pièce jouée devant des fauteuils vides.»

Une pièce sans signification, incolore et silencieuse. C’est-à-dire un écoulement de temps neutre, vide de tout contenu . Sans l’avènement d’un système nerveux évolué, et plus spécialement de la cérébralisation avec la pensée, il n’y aurait jamais eu dans l’univers ni couleurs, ni sons, ni parfums, ni saveur. Nulles sensations, nuls sentiments. Nulle émotion, ni douleur, ni plaisir. Pas plus de bonheur que de malheur : seule, l’émergence de la conscience allait donner un sens, c’est-à-dire une coloration psychologique, intellectuelle,  affective et temporelle à la chaotique manifestation d’énergie que l’homme appellera Évolution. Nous venons de voir qu’en la dotant de sa propre temporalité – c’est-à-dire de sa perception subjective du temps –  l’homme pourra écrire une cosmogénèse hiérarchisée et cohérente – pour nous, les hommes –  dans et par laquelle sa propre aventure  prendra place.

Dès lors, le problème majeur est bien de savoir ce qu’est la conscience, puisque c’est elle qui a réussi ce prodige de tirer du néant le monde des couleurs, des sons, des parfums, des saveurs, tout le panorama affectif des sentiments, et, « last but not least », l’éthique et l’altruisme.

Indépendamment de nos jugements, les choses ne sont intrinsèquement ni belles ni laides, ni bonnes ni mauvaises.  Notre esprit sécrète ses propres critères d’appréciation et décide sans appel, d’après son intime nature, des attributs de l’être.  En d’autres termes, les attributs de l’être ne sont pas dans les choses, mais dans l’esprit qui pense les choses. Plus exactement, l’être est sans attributs. La conscience seule est capable d’attribution. 

Ce qui veut dire qu’il ne s’agit pas de savoir  si les choses sont belles ou laides,  bonnes ou mauvaises en elles-mêmes – ce qui serait un pur non-sens –  mais de savoir pourquoi nous sommes construits pour les trouver telles.

Je pensais à ces difficiles problèmes en quittant le grand bois. Un soleil couchant de tragédie s’empourprait de somptuosités persanes et papales dans un scénario de cataclysme sidéral. Partout ailleurs le ciel s’était dégradé en un bleu-gris très doux murmurant en mineur, et comme intimidé par la véhémence de l’occident déchaîné. Un silence étonnant, le grand silence de la fin du jour éteignait tous les bruits de la forêt. Accoudé à un piquet de clôture, je subissais l’heure.

Une petite chauve-souris – déjà ! – voletait dans le contre-jour et disparut dans l’ombre des arbres. Comment percevait-elle la grandiose épopée polychrome de l’ouest en feu,  alors qu’elle est semi-nyctalope, et capable de créer des couleurs inimaginables pour nous avec des radiations – infrarouge ou ultra-violet – que nous ne « voyons « pas ? Quel monde construit-elle qui lui propre, et dans lequel je ne pourrai jamais entrer ?

       Ainsi donc, chaque espèce animale élabore sa vision du monde en fonction de sa physiologie et de son psychisme. Les organes sensoriels, tous différents d’une race à l’autre, véhiculent des messages inégalement interprétés par des cerveaux encore plus différents.

            Quelle conclusion en tirer? Tout simplement que le même stimulus objectif est traduit de façon inhérente à l’espèce qui le perçoit. Qu’il n’existe pas « d’objectivité universelle » par laquelle chaque être vivant recevrait la même sensation face au même signal objectif. Et que toute entité vivante (homme, animal, plante) construit, consciemment ou non,  un univers plus ou moins évolué (plantes) de formes et de couleurs qui lui est propre, non interchangeable d’une espèce à l’autre, et peut-être même d’un individu à l’autre à l’intérieur d’un même espèce.

 

 

Un problème lié  au subjectivisme que nous venons d’analyser est parfaitement mis en relief par ce que les penseurs ont appelé « l’attribution subjective » Elle est fort bien illustrée par la déification des objets.  Le soleil, par exemple, a été divinisé par de nombreuses religions, depuis l’animisme originel jusqu’aux théologies extrême-orientales, méditerranéennes et sud-américaines de notre ère.

Et pourtant, comment ne pas voir que l’énergie solaire n’est qu’un moyen , et rien autre, dans l’élaboration du processus qui aboutit à l’émergence du concept de transcendance ?   Attribuer à un objet les constructions spirituelles les plus abstraites induites dans une conscience par cet objet revient à attribuer au violon les mérites et la paternité du morceau jouer par le violoniste. Le plus beau Stradivarius ne sera  jamais qu’un objet inerte s’il n’est mis entre les mains  d’une « conscience intelligente » qui saura diffuser sa propre émotion esthétique à d’autres consciences par l’intermédiaire de cet instrument.

La lumière est l’équivalant, pour la beauté visuelle, du violon pour la beauté acoustique 

En effet, qu’est-ce que la lumière ? Une énergie qui ne recèle rien en soi de plus que les autres formes d’énergie.  Seul le récepteur de cette énergie, en fonction de son être propre est éventuellement capable de lui conférer un sens, une signification, une coloration particulière tels qu’ils manifestent l’immanence de ce récepteur.  Dès les premières émergences de la vie, (animale et végétale) les récepteurs concernés des organismes ont traduit à leur profit l’activité  brute  véhiculée  par des ondes lumineuses exemptes de tout message, de toute finalité. Au niveau des océans du cambrien, protophytes et protozoaires vont utiliser l’énergie solaire dans une bioénergétique qui, en s’appuyant sur la fonction chlorophyllienne entre autres,  va dynamiser une Évolution qui aboutira à l’Homme. Et ainsi, tout au long du cheminement évolutif, chaque espèce utilisera cette énergie – dont une partie constitue  la lumière humaine – à sa mesure et selon ses moyens pour en tirer dans les meilleures conditions ce qui permettra la pérennité de la race, et peut-être son évolution. Par adaptation, l’œil (une plaque photosensible à l’origine) apparaîtra très tôt au sein de la dynastie animale pour profiter au mieux des potentialités de cette force qu’il convient d’utiliser.  Chez les vertébrés supérieurs, le sens de la vue va devenir déterminant parce qu’il recèle, plus que les autres, les virtualités qui permettront à la conscience concernée d’actualiser les concepts de Beauté et de Bonté par le biais des sensations d’abord, puis des sentiments ensuite.

C’est donc la conscience, elle et elle seule, qui va donner un sens aux manifestations engendrées par l’énergie lumineuse. Les couleurs qui vont en naître dans un cerveau sont dues à la nature propre de ce cerveau, qui recèle en lui-même, dans sa nature intime, les virtualités qui utiliseront la lumière pour s’actualiser. Laquelle lumière ne véhicule rien autre qu’une forme brute d’énergie électromagnétique. Autrement dit encore, rien n’est que les virtualités immanentes à  la conscience et à elle seule.

Ainsi, les somptuosités d’un soleil couchant ne sont pas dans les rayons du soleil se réfléchissant sur des nuages, mais dans la conscience  qui, par la vue,  accueille et interprète ces rayons pour en faire naître une émotion esthétique. 

 

meditation sur les valeurs

J’avais repris le chemin de la maison. En marchant, je me demandais pourquoi  l’esprit de l’homme était capable d’attribuer des qualités qu’il ne pouvait trouver qu’en lui. Et d’où venue l’échelle de valeur que ces qualités présupposent?

Faut-il y voir avec les matérialistes un sous-produit de toute organisation collective? Mais cette fameuse échelle de valeur n’est-elle pas immanente à la nature de l’homme, quel que soit le contexte social dans lequel il s’insère ? N’est-elle pas chez l’ermite comme chez tout élément de collectivité humaine?

D’ailleurs les sociétés animales (ruche, termitière, fourmilière) nous prouvent qu’une société peut fort bien s’organiser en dehors de toute structure morale. Alors ?

Alors il faut postuler pour notre espèce une immanence morale et esthétique. Avec toutes les difficiles questions de fond que cette immanence implique nécessairement.

L’analyse de ces questions est d’autant moins facile que  depuis longtemps, une fâcheuse ambiguïté sémantique place sous le même substantif  –  la morale –  deux réalités bien distinctes :

— d’une part  les règles (les lois) qui s’appliquent nécessairement   à toute structure sociale dès lors qu’elle veut assurer sa pérennité C’est le cas de toutes les collectivités animales dont la durée – la survie –  dépend étroitement de normes strictes – mais sans connotation éthique – à ne pas transgresser. Il s’agit là d’une autorégulation liée par nature à toute entité populationnelle originale pour perdurer et maintenir sa propre identité. Ces lois sont – et ne sont  que – des normes sociales. A ce stade, le substantif  « morale »est inadéquat.

 d’autre part l’impératif axiologique propre – exclusivement propre – à l’espèce humaine, indépendant de toute construction sociale ou collective, et qu’à des degrés divers  tout homme porte en soi, indépendamment de sa race, de sa culture, ou de la parenthèse historique ou temporelle qui l’inclut.     (A preuve, observons la permanence et la constance,  dans l’espace et dans le temps, du message « moral » véhiculé dans une commune compréhension par toutes les civilisations et par tous les solitaires de toutes les époques et dans tous les pays du monde, à de rares exceptions près.)

Cet impératif moral (le « tu feras » kantien) va nécessairement retentir au niveau de la collectivité humaine en voie de constitution. Elle ajoutera aux règles sociales strictement juridiques une coloration éthique et esthétique qui lui conféreront la spécificité de notre espèce..

            La confusion provient  de ce que ces deux systèmes de valeurs – pragmatique d’une part et purement moral d’autre part –  cohabitent nécessairement au sein des communautés humaines, et coïncident par certains points. Et si leurs finalités sont différentes, les moyens pour y parvenir peuvent se superposer. Une certaine coalescence en résulte qui a pu faire croire à leur identité.  Ils sont pourtant d’origines divergentes, sinon opposées : nécessité sociale pour l’un et  suggestion morale surconsciente pour l’autre. L’amalgame de ces deux formes d’admonestation (pragmatiques et morales) est à l’origine de graves malentendus.

 

Méditation sur l'acte de foi

Les soirées fraîchissaient.  Le feu murmurait dans la vaste cheminée d’un  granit fuligineux,  dont les souvenirs remontaient à Louis le Bien-aimé. J’avais éteint les lampes  pour mieux voir danser sur les murs les ombres fantasques que la magie des flammes imaginait dans une ronde pleine de rêve et de fantaisie.

J’évoquais les hommes des cavernes autour du foyer, étonnés et inquiets devant les choses qu’ils n’expliquaient pas. Puisqu’ils expérimentaient l’acte semi-libre, au travers d’un contexte environnemental imposé et les aléas  de leurs propres imperfections, comment n’auraient-ils pas imaginé la perfection dans la liberté absolue et la perfection dans le Bien et le Beau, concepts que le « sens de l’autre » implique nécessairement ?  Ce concept d’absoluité, c’est-à-dire de Perfection définitive est marqué en filigrane dans toute conscience capable d’introspection.

Dès le paléolithique moyen, il y a plus de cent mille ans, les rites funéraires suggèrent nettement la croyance en une survie. Une obscure et nébuleuse métaphysique structurait le clan. Elle comportait déjà l’essentiel de toute spiritualité : la conscience d’une transcendance à laquelle référer tout acte et toute pensée. Déjà, elle était invoquée pour la réussite de chaque action sociale: chasse, cueillette, descendance généreuse, cohésion du groupe…mais aussi dans un tout autre registre, l’« Ancien », le « Sage », demandait sacrifices, offrandes  propitiatoires et prières pour les disparus, dont l’esprit seul triomphait de la mort puisqu’on avait vu les corps se décomposer et tomber en poussière. 

L’acte de foi est donc immanent à l’esprit humain. Il est tout-à-fait remarquable de constater que le matérialisme est une création sociale moderne. Les quelques théories matérialistes ou agnostiques anciennes (Démocrite, Épicure…) n’avaient jamais franchi les murs des cabinets de  philosophes avant les deux derniers siècles. Depuis les plus vieux témoignages épigraphiques, il n’y a pas d’exemple de structure sociale sans référence métaphysique.

Jusqu’à l’avènement du scientisme, ce pur enfant du XVIIème siècle, nulle société ne s’était établie sans caution religieuse. Les épigones de cet enfant ont culminé dans les  organisations de type marxiste.  Qu’en restera-t-il dans cinquante ou cent ans ? Leur inéluctable déclin ne sera dû ni à une quelconque insuffisance économique ou humaniste, ni à l’irruption d’une doctrine sociale antagoniste, mais bien à l’abrupte affirmation d’un athéisme sans concession.

Le rationalisme grec relayé par les découvertes de Copernic, Kepler, Galilée, Descartes et Newton portait en germe le cri de victoire du scientisme triomphant du XIXème siècle finissant : désormais, l’homme, par sa raison, pouvait se passer de Dieu !  La nouvelle science allait s’enfermer avec volupté dans le voile d’une orgueilleuse autosuffisance. Elle proclamerait urbi et orbi que « le monde était désormais sans mystère. »

Nous savons ce qu’il en est aujourd’hui !  L’expérience est faite que l’on ne peut éluder, nier ou transgresser l’une des composantes majeure du psychisme humain, à savoir la dimension spirituelle de sa pensée qui abrite le concept de transcendance.

Jacques Monod (Le Hasard et la Nécessité) pense que ... « nous avons hérité (des premiers hommes) l’exigence d’une explication, l’angoisse qui nous contraint à chercher le sens de l’existence. Angoisse créatrice de tous les mythes, de toutes les religions, de toutes les philosophies et de la science elle-même. »

Que cet impérieux besoin soit inné, inscrit quelque part dans le langage du code génétique, « qu’il se développe spontanément »... l’auteur n’en doute pas, encore qu’il ne voit dans ces mythes primitifs que « des explications destinées à fonder la foi en apaisant l’angoisse ».

Mais tout ce discours ne va pas au cœur du problème. En effet, pourquoi en appeler à l’idée de transcendance, cristallisée par les mythes, pour répondre aux énigmes de la Nature ? Pourquoi  « … l’angoisse qui nous contraint à chercher le sens de l’existence »  fait-elle appel à un concept étrange, hors toute expérience existentielle, radicalement hétérogène à l’ensemble des « stimuli-réponses » de la lutte quotidienne pour la survie,  et que nul homme de la préhistoire n’aurait pu construire et formuler s’il ne le portait virtuellement en lui-même ? Et pourquoi ne nous étonnons-nous pas plus de cette intrusion du concept de transcendance dans la vie quotidienne de nos ancêtres encore semi-sauvages sinon parce que ce concept est toujours — et à jamais — immanent à notre espèce et toujours aussi présent au plus intime de chacun de nous?  Retenons donc que les premières manifestations de spontanéités psychiques ont privilégié, en un surprenant paradoxe, l’apparente fiction de l’explication transcendante plutôt que la réalité phénoménale du manifesté objectif pour expliquer le monde.

Concluons : Le concept de transcendance est une constante incontournable du génome de l’espèce humaine.       

Ce constat établi, deux questions s’imposent :

  - Primo, pourquoi et comment ce donné irrationnel est-il inscrit dans le code génétique humain, et ce de façon tellement générale qu’il concerne toutes les races, et à des degrés divers, tous les individus ?

  - Secundo, pourquoi les constantes modifications du génome par rétroactions écologiques ou culturelles n’ont-elles jamais concerné ce donné, dont la puissance d’invasion, les potentialités incitatives, semblent, tout au contraire, croître en même temps que croissent et s’affirment les cultures en général ?

Que chacun conclue selon ses propres convictions.

 

L’homme  et la transcendance

Mais comment les hommes vont-ils traduire ce concept ?

Le phénomène religieux nous renseigne à ce sujet.  Encore là, il est surprenant de constater  à quel point les choses ont peu changé depuis la haute préhistoire.

Les hommes du paléolithique évoqués ci-dessus n’avaient probablement pas encore les moyens d’invoquer  une puissance méta-humaine  — c’est-à-dire ce que nous appelons  Dieu — sous une forme autre qu’anthropomorphe. Et cette vision réductrice de l’Ineffable aura perdurée jusqu’à nous.                 

En effet, à de rares exceptions près, les hommes ont bien du mal à abstraire leurs théologies de leur propre condition. Toutes les mythologies sont des reflets à la puissance dix de leurs propres qualités, de leurs propres défauts. Leurs constructions théistes les plus aérées restent lourdement marquées par la contingence biologique, à travers la contingence espace-temps. Leurs dieux ne sont que des extrapolations de leur propre nature à travers leur propre histoire.

Il n’est qu’à voir avec quelle peine ils se démarquent de ce qui spécifie le mieux le phénomène du vivant évolué : la sexualité. Leurs dieux sont mâles ou femelles et tout le discours théologique tourne autour de cette option réductrice. Les religions les plus « spiritualisées » ne peuvent s’empêcher de faire référence à des connotations de cet ordre : on y parle de la « Grande Déesse Mère », de la « Grande Matrice Universelle », du « Père Eternel », de « Zeus pancréator », des deux principes mâle et femelle que sont le yang et le yin, éternelles discussions byzantines sur le sexe des anges, sans parler des plaisantes fantaisies et des jeux de coucherie de la mythologie grecque !

Très vite les constructions théologiques et leurs promesses d’immortalité trébuchent sur le donné historique. Les hommes, mal lancés sur ce tremplin pour l’Infini, basculent dans le quotidien. Tous veulent écrire leur théologie à un Moment et dans un Lieu. Incapables pour la plupart d’accéder aux sphères désincarnées de la seule métaphysique qui vaille, ils subordonnent la Grande Idée qui les meut au relatif séculier, encore plus incapables de comprendre que la Cause Transcendante qu’ils postulent  ne saurait être immergée dans le temps, et encore moins ravalée au niveau d’astuces biologiques telles que la sexualité. Le Principe Initial ne saurait être masculin ou féminin. Raison de toutes choses, hors du manifesté, il Est, tout simplement.

Certes, une théologie trop désincarnée, trop « métaphysique », restera inaccessible – ou difficilement accessible – au plus grand nombre. Donnons donc des « images » à ceux qui en ont besoin. Mais précisons que ces « images » ne sont jamais que des symboles, en souhaitant que ces symboles, nécessairement réducteurs,  inscrits dans l’espace et dans le temps, ne deviennent pas vecteur de fanatisme et donc d’incompréhension et d’ostracisme.

A trop cerner, à trop définir, à trop « imager »  l’idée de Dieu, on « l’humanise » et donc on la rabaisse, on la rapetisse inévitablement. De plus, sa définition trop séculière contient en germe toutes les irréductibles contradictions du fanatisme…

L’individu, produit d’une race et (ou) d’une culture, ne sait toujours pas accepter l’ « autre » dans ses différences.  L’Histoire nous montre abondamment que les plus durs conflits ont toujours été dus à des oppositions cultuelles. Parce que les hommes d’un culte n’acceptent toujours pas que leur « image de Dieu » soit récusée par les hommes d’un autre culte. Autrement dit, si toutes les religions sont accordées sur l’essentiel, c’est-à-dire sur l’acception commune des attributs de l’Un transcendant, en revanche elles s’entre- massacrent parce que chacune prétend détenir – elle et elle seule –  la vraie, la seule représentation humaine de la  transcendance. Sans prendre conscience de ce que ces lamentables conflits ont de pitoyablement réducteur, d’étroitement sectaire

Il faudra donc, au cours des millénaires à venir que l’humanité, par delà toute appartenance raciale ou culturelle, dépouille l’image de Dieu de tous les oripeaux  séculiers dont l’aura successivement revêtu la laborieuse procession des civilisations. C’est-à-dire qu’elle reconnaisse la nécessité d’une stricte apophasie  lorsqu’elle évoquera la transcendance.

Autrement dit, il faudra que les hommes deviennent plus intelligents, et donc qu’ils comprennent et acceptent l’ « autre »

Ce qui n’est pas pour demain.

 

méditation sur l’inégalité et le racisme

Le vaste panorama de la connaissance rationnelle, déployé devant nos yeux par les profondes analyses de l’intelligence  logique nous permet de construire un monde  à nos mesures, libéré pour large part des aléas ou des exigences d’un biotope difficile, ou des rigueurs d’une niche écologique peu favorable. A quelle fantastique distance ne sommes nous pas de nos lointains ancêtres exposés sans défense à la rigueur d’un climat ou confrontés à la dure obligation d’une quête permanente pour manger !

Ceci étant, — et nous venons de le voir ci-dessus —  il est d’autant plus étonnant de constater à quel point l’homme a peu évolué depuis la haute préhistoire dans ce domaine pourtant  tout spécifiquement humain qui est  le domaine de la compréhension, et par suite, de l’acceptation de « l’autre » dans ses différences. 

Parce qu’il faut bien constater que le même manque primaire de lucidité altruiste qui obligeait l’homme préhistorique à ne voir dans « l’étranger » qu’un prédateur, – attitude compréhensible sinon nécessaire à cette époque –  impose toujours à l’homme moderne des réactions de répulsion, puis de domination, sinon d’asservissement face à tous ceux qui ne vivent pas, et surtout  qui ne pensent pas comme lui. Toute différence  est vécue comme un défi.  Chaque particularisme est perçu comme un danger. Depuis le paléolithique, l’homme ne voit qu’oppositions dans les dissemblances et toute contradiction  se termine en affrontement.  L’homo n’est toujours pas très sapiens  qui ne sait argumenter que par la force.

Ainsi est né le racisme, dans la connotation la plus péjorative, la plus dramatiquement réductrice du terme. Alors que ce mot devrait-être synonyme d’originalité, de particularisme, dans une acception bienveillante de ces termes, dans un accueil chaleureux de différences perçues comme inéluctables d’une part mais aussi porteuses d’enrichissements pour tous  tant dans l’ordre du  « connaître » que dans celui du « partage », il s’est chargé, ce mot, de refus et de mépris. D’où il résulte que l’inégalité, qui est la règle et la raison d’être de la condition humaine – dans la mesure, entr’autre,  où elle justifie le libre-arbitre – n’est toujours qu’un vecteur de haine et d’incompréhension.

Dans les discours de l’homme, la notion d’égalité est stigmatisée de tant de connotations affectives et/ou doctrinales qu’elle en a perdu toute signification  strictement vocabulaire pour ne devenir explicite qu’au niveau du symbole, cristallisation de tel drapeau, condensation imagée de telle théorie sociale, dans la confusion d’annexions historiques tout aussi exclusives que jalouses les unes des autres.

Il est vrai que l’espèce humaine est UNE, mais les races, aux hasards des occurrences écologiques, ont diversement évolué pour donner des hommes inégaux. Pourquoi s’en étonner ? Et comment pourrait-il en être autrement ? L’un des plus beaux apanages de l’homme est justement cette adaptabilité consciente aux plus diverses conjonctures, cette disponibilité attentive à la meilleure réponse possible aux aléas d’un environnement dangereusement diversifié. L’intelligence industrieuse va pallier les hasards d’une niche écologique incertaine, puis remédier à ses carences. Mais chaque contexte socio-géographique  est particulier, fonction du climat, de la faune, de la flore, de la géologie, de l’hydrographie etc., ce qui implique dans chaque cas des réactions adaptées. Et donc nécessairement variées d’un groupe populationnel à l’autre. D’où, au long des millénaires, les spécificités ethniques, puis culturelles, de larges groupements humains qui auront su résoudre les difficultés d’un écosystème  original, source de la très large diversité des particularismes émergents.

Refuser ces différences c’est dénier à l’homme ce qui justement le spécifie : l’intelligence dans la pensée consciente d’elle-même avec la claire perception du Temps et de l’Espace. Par quelle aberration, par quel sortilège – ou par quelle mauvaise foi – voudrait-on nous convaincre de l’égalité des hommes sans préciser de quoi l’on parle et de quelle égalité il s’agit ?

Égalité basale au niveau de l’espèce ? Sans aucun doute.

Égalité inter-raciale, c’est-à-dire au niveau des acquisitions qui définissent l’originalité de la race ? Certainement pas.

Égalité inter-individuelle ? Encore moins.

Alors ?  Alors il est vrai que nous ne savons toujours pas cohabiter sans asservir. Chaque  groupement populationnel  va afficher son imperméabilité au nom d’un particularisme  jaloux et égocentré.   Jetant un regard  hautainement réducteur sur toute manifestation exogène, le groupe s’enferme dans une auto-suffisance réprobatrice, parce que face à chaque différence, il ne sait opposer qu’une  supériorité – la sienne – qu’il perçoit comme définitive et inattaquable.

Comment s’extraire de cette pseudo-fatalité ? Les pouvoirs publics, dans toutes les formes historiques de leurs manifestations, n’ont pas su résoudre ce problème. Ou plutôt ils ne l’ont pas perçu. Nulle forme d’autorité sociale n’a pu aboutir, et nulle n’aboutira jamais. Parce que, en pareille occurrence, ce ne sont pas les institutions, mais l’homme qu’il faut changer.

Large et vaste programme, qui exigera, au mieux, quelques dizaines de millénaires pour se réaliser ! !

Essayons d’y voir plus clair. Les milliards d’hommes qui peuplent le globe sont comme autant de pyramides construites sur la même base, en dimensions, en forme, en couleur. C’est cette base commune qui exprime pour l’ensemble de ces d’individus leur identité d’espèce. Ils sont tous des animaux à sang chaud, munis de quatre membres, d’un corps et d’une tête réunis selon le même schéma général. Ils sont assistés des mêmes fonctions organiques, et leurs virtualités de réflexion et de pensée sont globalement voisines, mais affectées de coefficients très variables. Et ils sont inter-féconds. Autrement dit, ils sont construits sur la même structure psycho-physiologique. Mais cette égalité s’arrête là.

Dès la conception, le génome entre en scène. Il va construire une entité entièrement originale sur le canevas  anatomique, physiologique et psychologique que lui propose le soubassement propre à l’espèce. A l’exception des jumeaux univitellins – c’est-à-dire homozygotes – aucun homme n’est l’exacte réplication d’un autre homme. Chaque individu va construire sa personnalité propre  en surajoutant à son génome  l’ensemble des acquisitions dues à sa culture, à son milieu social, familial, etc. Pour reprendre notre métaphore, les milliards de pyramides construites sur la même base vont s’élever à des milliards de hauteurs différentes, chacune se colorant selon son choix ou ses options, chacune réfléchissant plus ou moins la lumière dans laquelle elle baigne. Pour la très grande majorité d’entre elles, leur hauteur se situera de part et d’autre très près d’une ligne moyenne, et leurs colorations, encore que dissemblables, seront bien proches les unes des autres. Cependant, dans l’espace et dans le temps, quelques très rares pyramides, phares de l’humanité, vont s’élever deux fois, trois fois, dix fois plus que la  moyenne  anonyme, dans la chatoyante irisation de toutes les couleurs du spectre, en portant haut et loin le message  qu’elles recèlent. Elles symbolisent les grands penseurs, les grands prophètes  qui ont marqué l’histoire de l’homme depuis son origine.

Ce qui signifie que les attributs propres à une espèce ne s’appliquent pas à tous les individus qui la composent avec le même coefficient. Proche de l’infini pour certains, il avoisine le zéro pour d’autres. D’où une idéalisation caricaturale du principe d’égalité dont on peut dire qu’elle est à l’origine de graves malentendus, et plus particulièrement dans  l’histoire moderne.

Ce qui est vrai, – à tout le moins très vraisemblable – c’est que les hommes, en tant que tels, sont capables, à des degrés divers, des qualités de l’espèce, que tous peuvent atteindre à un minimum de raison, de  sagesse, de dignité, ( et c’est par cette hominité qu’ils transcendent définitivement l’animalité) mais que tous n’ont pas su, pas pu ou pas voulu actualiser ces virtualités, tant s’en faut, ce qui renvoie le discours égalitariste au rayon des utopies généreuses, certes, mais dangereuses dans la mesure  où ce discours uniformise idéalement ce qui n’est que collectivité hétérogène.

« ….Chez tous ceux dont le niveau d’hominité est faible, la conscience d’autrui est embryonnaire, floue.   Leur incapacité  foncière à comprendre  les  autres les abrite de toute « « sympathie », au sens étymologique du terme, les cuirasse contre toute compréhension affective, les enferme dans un égocentrisme encore animal qui les abstrait de toute communion avec leurs semi-semblables. Tout cela, bien entendu, à des degrés divers selon les cas.

Pour les moins avancés, leurs réactions sont à peine supérieures à celles du chat jouant avec la souris : incapable de comprendre les souffrances et l’effroi de sa victime, il la martyrise en toute sérénité pour finir par la croquer sans états d’âme.

D’où ces étonnements, cette incompréhension radicale face au comportement de quelques uns de nos semblables. D’où cette stupéfaction douloureuse devant ces attitudes qui font dire parfois : « c’est impossible, je n’appartiens pas à cette race-là, ce ne sont pas mes frères, nous ne sommes pas de la même lignée. »

Si, bien sûr, mais sachons prendre conscience de nos différences, de nos inégalités. Alors que certains voiliers de haute mer ont largué toutes attaches avec le psychisme au premier degré caractérisant les rivages du monde animal, d’autres cabotent encore près de ces rivages, partagés entre des réactions antagonistes, mais qui laissent toujours part à l’égocentrisme primitif.

Toutes les qualités altruistes virtuelles à l’espèce ne s’actualisent que lorsque la perception de « l’autre », objectivée en même temps qu’identifiée à soi-­même, a acquis sa pleine signification.

La caractéristique, l’apanage et le plus beau fleuron de l’animal devenu homme est justement cette nouvelle distribution dans l’espace et dans l’esprit, de tout le « vivant » qui l’entoure, et qui, lorsqu’elle est acquise, prépare, comme nous le verrons, l’avènement de la Dignité.

L’inégalité est la règle de l’aventure humaine comme elle a été la règle de la vie dès qu’elle s’est manifestée. Aucun discours ne pourra jamais changer cette réalité : Les hommes ne sont pas égaux mais semblables.  

Pourquoi donc  cette aspiration de notre espèce à une égalité dont elle crédite contre toute vraisemblance les membres qui la composent ? Pourquoi abolir idéalement, idéologiquement,  les flagrantes différences interindividuelles ou interraciales?

Par peur d’une inévitable  hiérarchisation qui afficherait trop abruptement les différences,   pour nier un élitisme naturel contre lequel nul ne peux rien, pour raboter des disparités inégalitaires par nature,  nos modernes socio-moralistes vont refuser l’évidence alors  qu’il conviendrait d’accepter honnêtement les disparités inéluctables dans un large effort de compréhension bienveillante, d’ouverture accueillante à des différences dont il importe bien moins, dans un premier temps, d’en évaluer la signification éthique ou esthétique que de les accepter sans mépris. Quitte à ouvrir un dialogue ou ceux qui ont plus à donner qu’à recevoir auront à se rappeler que tous les hommes sont frères même s’ils sont différents. Comment accepter sans sourcilier cet égalitarisme frelaté, artificiel, doctrinaire, alors que la simple expérience de tous les jours nous prouve abondamment que tout ce que nous percevons est hiérarchie ? L’égalité n’est-elle pas la caractéristique de l’extrême dénuement ? Ne faut-il pas, partant  de l’identité matérielle élémentaire  —  quarks ? — au niveau de laquelle rien ne peut arriver, ne faut-il pas, donc, remonter la pyramide de la complexité architecturale des composés enfin différents pour que la pensée d’abord, puis la spontanéité apparaissent ? Rien ne saurait émerger de la parfaite égalité : toute l’Évolution est le produit des différences.

Ainsi donc, une empathie véritable, une attention bénévole à l’ « autre », un authentique altruisme, feraient accepter les dissemblances, en les assumant dans un constant souci de compréhension et d’assentiment. Ce qui justifierait cette obligation de réunir sous les mêmes lois, les mêmes devoirs et les mêmes droits  ces hétérogénéités de groupe, ces constellations d’individus encore plus dissemblables qu’identiques que nous nommons populations. Et cela au nom d’un système de valeurs qui nous est propre et qui inclut la dimension éthique et « rédemptionnelle » qui fait la grandeur de l’espèce.

Concluons : étant donnée et constatée l’inégalité des hommes sur tous les plans,  qu’il soit non moins entendu et acquis que l’on ne peut éviter cette espèce d’injustice qui consiste à tenir la foisonnante diversité humaine sous la même juridiction intellectuelle et morale,  et qu’il faut bien,  sous certaines conditions,  accorder à tous les hommes des droits identiques. Mais que soient clairement reconnues et cette inadéquation et cette nécessité, afin d’en tirer toutes les conséquences. Et notamment la validité d’une hiérarchie qui permettra aux plus doués d’accéder aux postes de responsabilité et de direction. Doués dans le sens de compréhension, de compassion, c’est-à-dire d’intelligent altruisme.

Dans le phylum qui abrite les mammifères, si la révolution de la pensée consciente a permis l’émergence de l’espèce humaine dont chaque membre est virtuellement capable d’accéder au statut de personne, c’est-à-dire à la dimension morale, il s’en faut de beaucoup que cette accession  soit uniformément réalisée.

Parce que la majorité des hommes est encore embourbée dans l’animalité première par rapport aux quelques-uns qui ont enfin aperçu la lumière.

 

méditation  sur le binôme «  Science-Foi »

Les pré-socratiques ont été parmi les premiers à récuser l’explication théologique. Le miracle grec est apparu  avec Thalès le Milésien. Pour la première fois dans l’histoire de l’homme, le « logos » allait remplacer le « mythos »  La Raison logique, en se substituant à l’impératif dogmatique, va entrebâiller une porte que Socrate ouvrira à deux battants. La Raison,  solaire, va rendre notre monde cohérent en l’inscrivant dans la charte du déterminisme. On s’apercevra que des lois régissent toutes choses physiques, que les phénomènes ne doivent rien à un panthéon plus ou moins arbitraire  ou tyrannique, et que l’intelligence est capable par elle-même de percevoir les causes et de comprendre les effets. La voie était ouverte à la Science.

Jusqu’au XIXème siècle, « logos » et « mythos » cohabitent sans heurts importants. Pourtant, dès le XVIIème siècle, après Copernic et Galilée, les hommes vont rêver de se passer de Dieu. Long cheminement relayé par Kepler, Descartes, Newton etc. tous encore largement croyants mais qui aboutira au fameux cri de victoire des scientistes de l’avant-dernière génération : « …le monde est désormais sans mystère car la raison peut ou pourra tout expliquer sans recours à un Deus ex machina devenu inutile »

Mais bientôt il faudra déchanter. Avec Max Planck, Einstein, Heisenberg, Schrödinger, le monument déterministe se lézarde. Les physiciens, à l’extrême limite de leurs analyses, ne savent plus très bien  si l’oculaire de leur microscope… «  ne leur renvoie pas l’image de leur propre pensée » (Teilhard de Chardin)

Au stade infra- particulaire la matière, évanescente, se dissout en une frange énergétique insaisissable. La connaissance devient probabiliste. Elle nous dit que percevoir la cause n’est plus suffisant pour prévoir strictement  les effets qui n’ont plus qu’une définition statistique. Et que finalement l’observateur  se projette lui-même dans l’observé, que l’objectivité n’est qu’un mirage, et que la spéculation est ouverte. Nous en revenons à Socrate et son Démon. Parce que Socrate avait un démon. Lui, le Dialecticien, lui, l’Ironique, lui le Rationnel croyait aux démons, c’est-à-dire aux Dieux.

Pourquoi s’en étonner ? Pourquoi postuler que « Science » et « Foi » soient exclusives, inconciliables ?

L’Histoire nous prouve abondamment que ces deux modes de percevoir sont tout-à-fait compatibles, sous quelques réserves que nos modernes scientistes voudraient bien récuser. Elles nous suggèrent, ces réserves, que le monde des phénomènes obéit à des lois régies par le temps et l’espace ; et que ces lois ne s’appliquent pas au domaine de la « pensée sans objet », c’est-à-dire au domaine de la pensée par «  concepts transcendants » (Kant) par exemple Dieu, l’Infini,  la  Bonté ou la Beauté en tant que telles, etc. 

N’y a-t-il pas outrecuidance — pour ne pas dire fanatisme — dans les prétentions de quelques  exaltés de l’ultra-rationalisme qui voudraient que tout se pliât à la logique  du rationnel, qu’il n’y eût rien de l’aventure humaine qui ne relevât de la seule raison ?

 

meditations sur le sujet

 

le « moi » : du sujet à l’objet

Un ami, grand médecin et encore plus grand humaniste, s’occupe tout particulièrement des grands blessés. La guerre, la route, les passions, lui apportent en un flot continu de quoi exercer très largement son art et sa compassion. Il évoquait devant moi, il ya quelques jours, tel de ses patients étrangers, grand physicien, qui avait perdu l’usage de ses membres à la suite d’un accident. Il ne lui restait plus que la tête, disait-il, qui fonctionnait normalement. Eh bien, après des mois de rééducation, il avait repris goût à la vie. Évoquant Stephen Hawkins, en qui il voyait un modèle, il s’était totalement réinvesti dans son activité de chercheur.

 Aidé par une technologie informatique puissante, il était devenu, autant, sinon plus qu’avant son accident, un grand cerveau de la science.

Cette anecdote m’avait beaucoup frappé. Après le départ de mon ami médecin, je pensais au courage de son patient. Aurais-je la même volonté en pareille circonstance ? J’en doutais. Puis il me vint l’idée que cet homme, privé de ses membres et dont il ne restait que la tête, comme il l’assurait lui-même, n’avait apparemment rien perdu de son intelligence, de sa sensibilité, de son ego comme on dit imprécisément.

Quel être se cache donc derrière le mot « je » que prononce tout homme ?

Autrement dit, qu’en est-il du sujet?  N’est-il que « pensée », dans le sens le plus large du terme?  Si tel est bien le cas, de quoi  – ou mieux  de qui – parlons-nous précisément lorsque nous disons « je » ? A quelle entité s’applique le vocable « moi » ? Le corps, en tant qu’objet est-il implicitement compris dans l’affirmation de l’ego au travers de ces pronoms personnels? Et s’il ne l’est pas, quel rapport entretient la pensée du « moi » avec cet objet – notre propre corps –  qui nous est le plus immédiatement perceptible? En effet, nous avons l’impression de le connaître d’autant mieux  qu’il nous parvient « de l’intérieur », apparemment de façon non-médiate, encore que de nombreuses fonctions physiologiques liées à sa mécanique propre nous soient étrangères, ce qui veut dire qu’elles s’effectuent hors notre volonté, notre acquiescement, ou même notre simple connaissance. Les sensations internes qui en émanent, « agréables » ou « désagréables » sont indépendantes de notre vouloir : elles concourent presque toujours – à l’exception de manifestations passionnelles excessives, ou  psychopathes  qui dérèglent pour un temps l’interprétation des signaux – à orienter notre action pour maintenir l’outil en bon état de fonctionnement. 

En d’autres termes, le « vouloir-être » de cet objet (notre propre corps) nous demande de répondre au plus vite et le mieux possible aux sollicitations capables d’accélérer le cour favorable (ou de redresser le cours dévoyé )  d’un processus  physiologique  seul apte à héberger la pensée. Mais la nécessité de son être, à ce corps, pour que puisse émerger la pensée lui confère-t-elle d’autres propriétés que celles des autres objets?

L’ensemble des signaux corporels est issu de l’instinct de conservation qui veut nous assurer une plus longue expérience de la vie par laquelle s’actualisent nos choix, intermédiaires obligés des mutations éventuelles. C’est pourquoi la prégnance de ces signaux est si forte, et si puissante leur incitation. Ils ne sont pourtant pas autre chose que des causes, et le processus « impression-impulsion » qu’ils génèrent est identique à celui que génèrent les objets non contigus de notre connaissance, ceux dont on dit qu’ils nous sont « autres », et dont nous sommes spatialement séparés.

Le corps n’est-il donc qu’un objet parmi les objets, nonobstant les messages directs qu’il nous fait parvenir et qui nous donnent l’impression d’une immédiateté immanente à notre « moi »? Que faut-il en penser?  « Les agressions qui perturbent le bon  fonctionnement des mécanismes physiologiques sont ressenties au niveau du psychisme. Lorsque nous disons « je souffre » suite à une fracture du tibia, ce n’est pas le tibia qui souffre, mais bien notre « moi » psychique. Et il en va de même pour tout traumatisme, physique ou psychologique : le seul élément concerné est le seul « moi » possible: celui de la pensée »

Du cerveau-objet à l’esprit-sujet

Constatons d’abord que l’indépendance du je-sujet (en tant que pensée)  par rapport au corps-objet est évidente : un homme peut se couper un doigt, un bras, une jambe, sans qu’en soit affectée son intégrité psychique. Des hommes-troncs ont survécu en conservant toute leur lucidité intellectuelle, morale, esthétique. Tant que restent intactes les fonctions physiologiques majeures, celles qui assurent l’intégrité du cerveau et son bon fonctionnement, reste intacte l’intégrité du « je » qui en émane. Seule, la dégradation de l’architecture cérébrale par  dysfonctionnement des processus physiologiques perturbe et diminue la conscience dont elle est le siège. Ce dysfonctionnement peut aller – va toujours – jusqu’à l’arrêt définitif du métabolisme. C’est alors la mort, qui correspond évidemment pour nous, les hommes, à l’évanouissement des fonctions psychiques, qui ne disposent plus du support matériel indispensable à leur manifestation. mais cette connexion est-elle indispensable ?

Le matérialisme nous enseigne, avec un rien de condescendance amusée, que la pensée ne saurait être que le sous-produit ou l’émanation d’un complexe neurocérébral composé de cellules tout à fait matérielles,  et que, en tant que telle, elle  ne saurait prétendre à un statut qui transcenderait ses origines.

Pourtant, l’objectivité n’exige-t-elle pas de postuler des entités intelligentes plus évoluées totalement indépendantes de tout support matériel?  Une analyse impartiale de la question impose de ne pas récuser cette option quelle qu’en soit l’invraisemblable apparence.

 

La pensée 

(L’homme et l’Évolution  ,p.28)

Mais qu’est-ce donc que la pensée?

Quelle est la nature, quelle est l’essence ultime de la pensée en tant que manifestation de la conscience? Est-elle épiphénoménale? Est-elle immanente à la matière et si oui dans quelle mesure cette immanence peut-elle l’exonérer des lois qui régisse le phénomène? Peut-on dire qu’elle est au cerveau comme le courant électrique est au générateur? Est-elle, à travers ses modalités, liée aux structures organiques par relation de contingence  ou d’absoluité?

Ou alors, par opposition, est-elle intrinsèquement irréductible à l’ordre des phénomènes, t