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Parchemin horizontal: Jacques Ellul et les enjeux de la technique dans sa trilogie
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NOM : VANDI MOISE 

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Facebook : moisevandi@yahoo.fr  

Etudiant en cycle de Master en Philosophie à l’université de Yaoundé 1 ( Ngoa ekellé) au Cameroun

Spécialisation : épistémologie et philosophie des sciences.

 

 

Notre attachement aux choses techniques est maintenant devenu si fort que nous sommes, à notre insu, devenus leurs esclaves. [1]. Martin HEIDEGGER

 

En définitive, ce que j’écrivais (et mon avertissement aujourd’hui correspond exactement à celui de 1954) avait pour but de faire prendre conscience du potentiel avenir, contenu dans la Technique, de ce qui risquait de survenir étant donné la logique de croissance, afin précisément que, du fait de cette prise de conscience, les hommes de l’Occident soient capables de réagir, et de procéder à une maitrise de cette technique, qui leur échappait sans qu’ils ne s’en rendent compte. Il s’agissait véritablement d’un avertissement : un homme averti en vaut deux[2]. Jacques ELLUL[3]

 

La technique n’est pas ce qui est dangereux. Il n’y a rien de démoniaque dans la technique, mais il y a le mystère de son essence. C’est l’essence de la technique, en tant qu’elle est un destin de dévoilement, qui est le danger (…) La menace qui pèse sur l’homme ne provient pas en premier lieu des machines et appareils de la technique, dont l’action peut éventuellement être mortelle. La menace véritable a déjà atteint l’homme dans son être. Le règne de l’Arraisonnement nous menace de l’éventualité qu’à l’homme puisse être refusé de revenir à un dévoilement plus originel et d’entendre ainsi l’appel d’une vérité plus initiale. Aussi, là où domine l’Arraisonnement, y a-t-il danger au sens le plus élevé. [4]Martin HEIDEGGER

 

Resumé

 

Qu’est-ce qui fait l’être ou l’essence de notre société ou des hommes de notre ère ? La technique a véritablement enceinté le XXIème siècle bien que cet enceintement a commencé au XVIIIème siècle avec le développement de la machine ou la révolution industrielle. Et toute l’humanité de ce fait, doit se préparer à l’accouchement ; se préparer à l’accouchement signifie se préparer à payer le prix de la technique, compte tenu du fait que, ce prix est hors prix. De l’avis de Jacques Ellul, « Tout progrès technique se paie »[5]. En un autre sens, tout progrès de la technique et augmentation de puissance et de risque.  Nous vivons dans une société totalement informatisée où c’est la technique qui est à la mode et à la une. Du coup, il est difficile pour tout individu d’être réfractaire à la technique de nos jours. La raison en est que nous assistons à une exaltation et à une glorification de la technique. La raison en est aussi que la technique s’applique, vu le constat et la remarque de Jacques ELLUL, dans tous les domaines de la vie.

Si à l’époque de René DESCARTES, on disait cogito ergo sum, c’est-à-dire la quiddité de l’homme ou son être se réduit à la pensée, c’est en pensant qu’il est davantage ; au XXIème siècle, ce n’est plus le cas, en ceci que nous assistons à une immixtion mieux encore à une intrusion de la technique dans tous les domaines de la vie. Nous parlerons plutôt de « cogito technologically ergo sum »[6], c’est-à-dire « je pense technologiquement donc je suis » en ce sens que tout est déterminé par ce que notre auteur appelle l’esprit technique. La pensée, l’homme lui-même, l’agriculture, l’économie, la politique, l’enseignement et la société sont tous informatisés. De la sorte, l’homme est davantage parce qu’il pense technologiquement. Tout ceci se justifie dans la domestication de la technique que nous vivons par les pays en retard, et la déification de l’économie numérique par ceux-ci. Face à un tel problème, aucun chercheur avéré soit-il ou non, quel qu’il soit et penseur ne peut rester insensible d’une part et d’autre part bouche bée à ce constant probant qui ne relève pas de l’être de raison. C’est cela qui justifie le choix de ce sujet.

Histoire de la technique selon Jacques Ellul

A en croire Jacques ELLUL, s’interrogeant sur l’histoire de la technique et la nature de celle-ci dans LA TECHNIQUE ou l’enjeu du siècle, non seulement les premiers hommes ont connu la technique, mais aussi et surtout, elle est la première activité de l’homme. Il dit : « Il est  maintenant bien connu que l’activité technique est la première de l’homme. La technique de la chasse et de la pêche, de la cueillette, puis des armes, des vêtements, de la construction. »[7] De la sorte, la technique commence avec l’homme, et elle est antérieure à la science. Partout où il y a l’homme, il y a la technique, technique entendue au sens étendu du terme. Mais cette technique dit-il est essentiellement orientale, car c’est en Proche-Orient principalement que la technique se développe.

Qu’est-ce que la trilogie sur la technique ?

La trilogie sur la technique représente les trois livres de Jacques Ellul qui traitent de la technique, il n’a que d’ailleurs écrit trois livres sur la technique, et ce sont ces livres qui font de lui un penseur de la technique. Le premier intitulé LA TECHNIQUE ou l’enjeu du siècle est apparu en 1954, le deuxième titré LE SYSTEME TECHNICIEN est apparu en 1977 et le troisième baptisé Le bluff technologique est apparu en 1988. Trilogie vient de deux mots « tri » et « logos » désignant discours sur trois choses. Elle est selon le petit Larousse numérique, une série de trois œuvres dont les sujets sont liés.  C’est ainsi un ensemble de trois choses ou éléments inséparables ou qui vont ensemble. Nous désignons ainsi dans notre travail par trilogie ces trois ouvrages de Jacques ELLUL qui abordent de façon précise la question de la technique et qui font de lui un penseur de la technique du XXème et XXIème siècle. Ils sont de la sorte connectés et permettent de saisir de façon précise la réflexion de l’auteur sur la technique. A la quatrième de couverture du troisième livre, nous lisons :

Le bluff technologique approfondit et précise la réflexion de jacques Ellul : il peut être lu comme le troisième volet d’une trilogie sur la technique, inaugurée en 1954 avec La Technique ou l’Enjeu du siècle- étude des mutations de la société du fait de la technique- et prolongée en 1977 par Le Système technicien- analyse la technique en elle-même, par la méthode des systèmes. Le présent volume s’attache à dévoiler le bluff de la « Technologie », entendue dans son sens propre de discours sur la technique.[8]

Problématique

    Vu l’omnipotence, la surconsommation, l’informatisation de la société, la promotion et le pouvoir de transformation de la technique, « qu’allons-nous devenir » ? En un autre sens, qu’est-ce que l’homme dans une société technicisée ou comment serait-il dans un univers en pleine informatisation ? Quels sont les enjeux de l’informatisation de la société ? Doit-on consider celui qui bat en breche la technique comme un insensé ? Jacques Ellul est-il un technicide ou technophobe ou encore plus antitechnique lorsqu’il remet en cause la technique ? Quels sont les enjeux de la technique selon Jacques Ellul ? Comment penser une technique non pas seulement humaniste mais aussi au service de l’homme ? Cette dernière interrogation relève d’une essentialité capitale dans ce travail, en ceci que notre dessein est de plaider pour une technique au service de l’homme. La technique ne doit pas retourner contre l’homme. Il s’agit donc là d’un questionnement de la technicisation de la société.

L’influence de la technique sur la liberté humaine : l’autonomisation de la technique.

Ce sont les problèmes de la technicisation qui posent problème. Notre sujet pose en lui-même son problème c’est-à-dire les enjeux de l’informatisation. Ainsi, il y a problème parce que pour Jacques ELLUL, la technique ne sert plus l’homme, c’est l’homme qui sert la technique, au lieu que la technique devient objet au service de l’homme, c’est l’homme constate-t-il qui est devenu objet au service de la technique. Vu notre attachement aux choses techniques, vu notre surconsommation des choses techniques ; l’homme (et pas lui seul car il y a la nature, la culture et bien d’autres) a perdu son autonomie et sa liberté ; en ceci que pour notre auteur, le propre de la technique est de désacraliser tous les domaines dans lesquels elle intervient. Par contrecoup, c’est elle qui devient maintenant le sacré. Et c’est cela également l’avis de Martin HEIDEGGER, lorsqu’il affirme que notre attachement aux choses techniques est maintenant devenu si fort que nous sommes, à notre insu, devenus leurs esclaves.

Cette remarque est très pertinente ; elle est celle du président du Zimbabwe son excellence Robert Mugabe, qui, dans une application numérique titrée « les citations de Mugabe » avoue : « nous vivons dans une génération où des amoureux peuvent se toucher les parties intimes mais n’ont pas le droit de toucher le téléphone de l’autre parce que c’est trop intime ». C’est-à-dire, l’homme a intimisé la technique et desintimisé l’humain. Et c’est bien cette influence de la technique sur l’homme que Jacques Ellul n’arrive pas à digerer.

Les enjeux de la technique sur le plan pédagogique

Vous déferez à l’ordinateur votre mémoire, votre capacité de comprendre, votre savoir. C’est d’ailleurs pour moi un des grands problèmes que nous retrouvons pour l’enseignement : on prépare des hommes au cerveau vide, n’ayant plus appris à combiner eux-mêmes les données, et seulement capables de manipuler des ordinateurs.[9]

Cette affirmation de Jacques ELLUL démontre à suffisance les risques du numérique, de la télé-évaluation et de l’enseignement assisté par ordinateur qu’on assiste dans les centres de formation. En faisant l’élévation de la technique, ceux qui font, font des citoyens en temps des citoyens artificiels. Attention !!! nous dit Ellul, car avant de faire la promotion de la technique ou du numérique, nous devons savoir qu’elle est un risque, un enjeu ou tout simplement un pari. Et ce sont ces discours également de type mélioratif ou laudatif sur la technique que notre auteur qualifie de « Bluff technologique ».  Nos intellectuels, nos hommes d’Etat, sont ainsi bluffés, et ce bluff conduit au bluff des citoyens.

De l’homme « fasciné » par la technique

         (…)Dans le premier cas, il y a encore deux possibilités : l’ouvrage de ceux qui, en tant que théoriciens de la technique et techniciens supérieurs, ont considéré que le seul bien pour l’homme était de l’adapter le mieux possible à cet idéal de perfection, mais aussi l’intervention de politiques ou d’économistes qui ont considéré que, étant donné la crise, le chômage, etc., la seule issue était le développement extrême des techniques, et qu’il fallait de gré ou de force y adapter l’homme. Dans le second cas (mouvement spontané des hommes), il y a aussi deux voies. Celle suivie par ceux qui cherchent leur réussite dans la société et qui savent bien que, dorénavant, seul le meilleur dans l’exercice d’une technique a une chance de réussir. Et puis la voie suivie (et c’est elle qui nous retiendra le plus longtemps) par cet atome constitutif de nos sociétés modernes, que j’appelle l’homme fasciné. Tellement fasciné par le kaléidoscope des techniques qui envahissent son univers qu’il ne sait et ne peut vouloir rien d’autre que s’y adapter complètement[10].       

L’homme fasciné est l’homme drogué qui ne peut agir par et pour la technique. C’est cet homme qui est totalement determiné par la technique. Il est celui en qui la technique a absorbé l’être. La question du numérique ou tout simplement celle de la technique est à la une des débats actuels. En ceci où, notre génération est celle du numérique. Cela signifie que le pouvoir de transformation de la technique a façonné, modelé et remodelé l’homme de nos jours, il s’est trop attaché au numérique, d’ailleurs, il n’a pas de choix, vu la puissance de la technique. Cela dit, l’homme n’est plus un être naturel, mais un être artificiel colonisé par la technique, un être en qui la technique a aspiré l’être ou l’autonomie. Ainsi, le sens que l’homme prend en notre époque est simplement celui de l’homme artificiel, de l’homme comme animal artificiel, il est un artefact, homonumericus ; Vance Packard parle  de « l’Homme remodelé », jacques Ellul parle de « l’Homme fasciné », de « l’homme diverti », « l’homme drogué ». Le façonnement de l’humain, découle du « Bluff technologique » des medias, des hommes politiques et des hommes d’Etat, il découle également du pouvoir de la technique. La technique est un pouvoir auquel l’homme résiste difficilement.

Desacralisation-sacralisation

la technique desacralise et se sacralise d’une part et d’autre part nous rend dingue, voilà pourquoi Jacques Ellul la considère comme une drogue. La technologie a absorbé toute notre tradition et notre culture et s’est imposée comme la culture et la tradition universelle qu’est à la mode. Elle a désacralisé nos sacrés traditionnels, elle s’est changée en notre culture. C’est cette logique qui fait dire que la science est la culture par excellence de nos jours. C’est tout cela également qui explique le débat qui existe entre les traditionnalistes et les technocrates. En affirmant que la technoscience va aux antipodes  de la tradition. Voilà pourquoi Jacques ELLUL pense que l’autonomisation de la technologie a désacralisé les traditions, les secrets et les tabous, elle est sacrilège dans la mesure où, elle désacralise le monde et nie tout système et c’est elle-même qui devient sacrée.

          Pour jacques Ellul, aucun fait social humain, spirituel, n’a autant d’importance que le fait technique dans le monde moderne, la technique a progressivement gagné tous les éléments de la civilisation, la technique est le maitre de la société contemporaine. Le développement des technologies est à la une des préoccupations de notre temps.

L’embivalence de la technique

L’ambivalence de la technique désigne le fait que la technique est à la fois un bien et un mal pour la société, elle a des effets positifs et des effets néfastes. Ce thème est développé par Jacques ELLUL dans la première partie du Bluff technologique, pour montrer le caractère incertain de la technique. Il dit :

Mais il ne faut pas se contenter de souligner cette ambivalence, il faut l’analyser, et je le ferai à l’aide de quatre propositions :

Tout progrès technique se paie.

Le progrès technique soulève à chaque étape plus de problèmes (et plus vaste) qu’il n’en résout.

Les effets néfastes du progrès technique sont inséparables des effets favorables.

Tout progrès technique comporte un grand nombre d’effets imprévisibles.[11]

Somme toute, le problème est celui des problèmes de l’informatisation ou de la technicisation de la société. C’est-à-dire les risques de la technicisation. Après la présentation des caractéristiques de  la société technicisée et ses enjeux. Il est nécessaire de comprendre le rapport qui existe entre la technique et l’humanisme afin de plaider pour technique humaniste. Et c’est cela notre objectif dans ce travail. C’est-à-dire questionner la technicisation de la société pour savoir si elle est ou non aux antipodes de l’humanisme. La technique qui est le produit de l’homme ne doit pas retourner contre celui-ci. Il s’agit ainsi d’une invitation de la société à une meilleure consommation de la science. Les hommes ont intérêt de la sorte à discipliner leurs comportements envers le numérique. Le philosophe est-il le seul à considérer la technique comme un problème ?

 

 

LA BIBIOGRAPHIE INDICATIVE

Ouvrages de l’auteur sur la technique

v  LA TECHNIQUE, ou l’enjeu du siècle, Ed. ECONOMICA, 1990 ; reimp.2008. Nombre de pages : 423.

v  LE SYSTEME TECHNICIEN, Calmann-Lévy, 1997, imprimé en France. Nombre de pages : 361.

v  Le bluff technologique, Hachette 1988. Nombre de pages : 489.

 

Autres ouvrages de l’auteur

 

v  Autopsie de la révolution, Calmann-Lévy, 1969.

v  De la révolution aux révoltes, Clmann-Lévy, 1972.

v  Propagandes, réédition, Economica, 2008.

Article et autres ouvrages

v  JEAN-PIERRE JEZEQUEL, « Jacques Ellul ou l’impasse de la technique », Revue du MAUSS permanente, 6 décembre 2010 [en ligne]. http://www.journaldumauss.net/./?Jacques-Ellulou- l-impasse-de-la

v  Martin HEIDEGGER, Essais et conférences, LA QUESTION DE LA TECHNIQUE [1953] (Éd. Gallimard, trad. André Préau, 1958, p. 9-48).

 


 

[1] Martin HEIDEGGER, cité par, JEAN-PIERRE JEZEQUEL, « Jacques Ellul ou l’impasse de la technique », Revue du MAUSS permanente, 6 décembre 2010 [en ligne]. http://www.journaldumauss.net/./?Jacques-Ellulou- l-impasse-de-la

[2] Jacques ELLUL, Le bluff technologique, Hachette 1988, p.10.

[3] « Jacques ELLUL (1912- 1994) est un professeur d'histoire du droit, théologien protestant et sociologue français d'ascendance maltaise. Il est, aux côtés de Habermas, Heidegger, Simondon, Leroi-Gourhan et Günther Anders, l'un des principaux penseurs au XXème siècle de la technique. Il a également été très largement cité par le critique social américain Neil Postman, notamment dans son livre Technopoly. » (kiwix)

[4] Martin HEIDEGGER, Essais et conférences, LA QUESTION DE LA TECHNIQUE [1953] (Éd. Gallimard, trad. André Préau, 1958, p. 9-48).

[5] Jacques ELLUL, Le bluff technologique,… Op. Cit, p.57.

[6] Nous n’avons hérité cet aphorisme d’aucun auteur, c’est une remarque après la lecture des ouvrages sur la technique qui nous a conduit à forger cette maxime.

[7] Jacques ELLUL, LA TECHNIQUE ou l’enjeu du siècle, Ed. ECONOMICA, 1990 ; reimp.2008, P.20.

[8] Le bluff technologique, quatrième de couverture.                                                         

[9] Jacques ELLUL, Le bluff technologique,… Op. Cit, p.419.

[10] Ibidem, p.36.

[11] Ibidem, p.57-58.