Fiches cinéma et philosophie   

Innocents The Dreamers     de B. Bertolucci


     Post-68, regard

Le dernier cours du semestre sur mai 68, très vaguement, très ce qu'il faut en retenir… Une étudiante passionnée par le sujet m'a prêté The dreamers dont j'ignorais même l'existence. Bertolucci fait mieux qu'un devoir de mémoire ou qu'une madeleine fourrée au népalais… Il a ce regard (auto) critique justement hérité de l'époque – un regard qui serait presque caustique si le dramatique de l'autodérision n'était teinté de tendresse… Il a conservé son regard sur le sexe, cette nécessaire déviation expérimentale de la norme au nom de l'esprit. Theo et Isabelle, frère et sœur jouant à l'inceste libertaire jusqu'à ignorer sa dimension liberticide, croisent Matthew, un jeune américain à Paris et sa cinémathèque en crise, un soir de mai 68... Le discours et la posture maoïste sont démontés à coups de grands crus classés, ce qui est une très juste réduction des révolutions bourgeoises made in France. Le pragmatisme américain du jeune étudiant qui a pu échapper au Vietnam recadre aisément le romantisme pseudo révolutionnaire de Theo – exactement insupportable Louis Garrel…

     L'appartement, le ventre de la gestation puis de l'avortement idéologique, est la restitution du labyrinthe de la filiation abritant essentiellement les contradictions qui le transforment peu à peu
en cloaque… Nous sommes donc dans la dimension cauchemardesque du rêve, à moins que ce ne soit l'inverse, aussi du côté haïssable de l'amour, là où l'on se brûle pour voir – même pas peur jusqu'au moment où ça fait vraiment mal, où la tentation d'ouvrir le gaz l'emporte… Le refuge écran/paravent de la culture cinématographique délègue ses secrétaires d'état à l'étant par procuration, la bande son toute en Janis/Jimi/Jim finit d'habiller le mal être. Bertolucci montre bien à quel point ces années charnières ont cristallisé le questionnement existentialiste, aussi la profondeur de l'inadaptation de l'être à un monde qu'il crée sans jamais l'identifier comme le sien… L'époque était extraordinairement prométhéenne.

     Depuis, la société de consommation l'a très nettement emporté sans, bien sûr, rien solutionner puisque, non seulement elle n'y prétend pas mais, surtout, elle préfère liquider l'héritage selon la voix des gouvernants élus… C'est à dire que le France d'aujourd'hui, sous couvert de technologie et de modernité et de rentabilité, est culturellement retournée au début des années 60… Mai 2008 sera un test important de la vitalité, ou de la léthargie, des consciences. The dreamers, comme les émigrés, ont fait des enfants, l'avenir, par définition, leur appartient.  

Olivier David  . Sh. VI07

 

 

© Philosophie et spiritualité, 2007,


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