Benveniste    l'homme seul parle


     Appliquée au monde animal, la notion de langage n'a cours que par un abus de termes. On sait qu'il a été impossible jusqu'ici d'établir que des animaux disposent, même sous une forme rudimentaire, d'un mode d'expression qui ait les caractères et les fonctions du langage humain. Toutes les observations sérieuses pratiquées sur les communautés animales, toutes les tentatives mises en œuvre au moyen de techniques variées pour provoquer ou contrôler une forme quelconque de langage assimilable à celui des hommes ont échoué. Il ne semble pas que ceux des animaux qui émettent des cris variés manifestent, à l'occasion de ces émissions vocales, des comportements dont nous puissions inférer qu'ils se transmettent des messages « parlés ». Les conditions fondamentales d'une communication proprement linguistique semble faire défaut dans le monde des animaux même supérieurs. L'ensemble de ces observations fait apparaître la différence essentielle entre les procédés de communication découverts chez les abeilles et notre langage. Cette différence se résume dans le terme qui nous semble le mieux approprié à définir le mode de communication employé par les abeilles ; ce n'est pas un langage, c'est un code de signaux. Tous les caractères en résultent : la fixité du contenu, l'invariabilité du message, le rapport à une seule situation, la nature indécomposable de l'énoncé, sa transmission unilatérale. Il reste néanmoins significatif que ce code, la seule forme de « langage » qu'on ait pu jusqu'ici découvrir chez les animaux, soit propre à des insectes vivant en société. C'est aussi la société qui est la condition du langage.

Problèmes de linguistique générale. 1900. (c) Éditions Gallimard.

Indication de lecture:

Cf. Le cours sur la structure du langage.

A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z.


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