Philosophie et spiritualité


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Thierry Gineste   Victor de l'Aveyron, l'enfant sans histoire


La particularité de Victor réside en partie dans l’ambiguïté de son comportement et dans l’époque elle-même. Au début du XIX ème, le siècle des Lumières, grâce aux philosophes et aux scientifiques, a redéfini le monde. Bonaparte vient d’arriver au pouvoir. La France est le pays de tous les défis et de toutes les conquêtes. Face à cette marche glorieuse, cet enfant sauvage va servir de cas d’étude emblématique pour montrer que la société bonne et généreuse peut triompher de tout, même de cette "sauvagerie". Cependant, toutes les vagues intellectuelles qui vont affronter ce sauvage vont se briser lamentablement. Le constat semble cruel. Cet enfant existe mais n’a en rien besoin de la société. La joie première évoquée pour éduquer Victor s’émoussera vite et de sauvage il deviendra tout simplement idiot pour la plupart. Seule Itard aura pressenti que l’idiotie n’était pas la cause de son comportement, qu’il vivait dans un repli sur lui-même et que sa communication était sélective avec le monde extérieur. Victor apparaît aussi comme une métaphore de la nature, telle que l’on pouvait la concevoir à ce moment. On le dit sauvage comme la nature était dite sauvage. La nature est source de désordre et de régression. Toutefois, aussi sauvage qu’aie pu être Victor, il est né de parents humains et a dû vivre ses premières années parmi les humains. C’est donc la nature qui l’a rendu sauvage. Cette vision corrobore les théories de Kant et Hegel sur la maîtrise de la nature par l’homme comme source de progrès. L’effet régressif de la nature serait il aussi à l’origine du quasi mutisme de Victor ? La nature avilie t-elle et la société libère t-elle ? Le mutisme de Victor en a fait de même un objet de transfert bien pratique pour étayer les théories scientifiques et philosophiques de l’époque. Finalement, bien que ne pouvant pas répondre à ses examinateurs, son comportement désinhibé et son rejet de toute éducation constituèrent des réponses plus que dissuasives.

Victor de l'aveyron : Dernier enfant sauvage, premier enfant fou, Hachette.

 


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