Document :  La Fabrique de l'homme endetté, de Maurizio Lazzarato


    Robert Reich le montrait au sujet des États-Unis (Le Jour d'après, Vuibert, 185 p., 19€) : depuis vingt ans, l'endettement - des classes moyennes en particulier - a été un choix politique. Pour Maurizio Lazzarato, il semble que l'on soit aujourd'hui au bout de cette logique.

Bien sûr, cet essai est d'une incontournable actualité ; mais il est surtout intéressant parce qu'il tente de prendre de la hauteur et qu'il se présente comme une réflexion sur le temps économique. Pour l'auteur, philosophe et sociologue, le paradigme du social n'est pas l'échange symbolique, mais le rapport créancier-débiteur. "Transformer chaque individu en sujet économique endetté", telle est la logique du système dans lequel nous vivons aujourd'hui. L'Homo debitor, affirme Maurizio Lazzarato, est la nouvelle figure de l'Homo economicus. Il n'a plus de droit au logement, mais un crédit immobilier. Il n'a plus de droit à la scolarisation mais, sur le modèle anglo-saxon, à des prêts pour payer ses études.

OUTIL DE CONTRÔLE SOCIAL

La dette, et c'est la principale piqûre de rappel salutaire de ce livre, est donc un formidable outil de contrôle social. Elle permet "de disposer à l'avance de l'avenir". Elle conjure de façon anticipée "toute bifurcation imprévisible des comportements". Derrière la "fabrication éthique de l'homme endetté", l'auteur voit le résultat d'"une morale de la culpabilité". Il convoque Marx, Nietzsche, Foucault de façon un peu lourde, parfois. Ce qui est stimulant dans sa pensée, c'est l'idée que l'on n'en a jamais fini avec la dette. Une de ses thèses les plus audacieuses, et donc évidemment discutable, est que le passage d'une dette finie à une dette "infinie", est caractéristique de la modernité. L'homme endetté serait le Sisyphe des temps modernes. Une nouvelle séquence politique s'ouvre, estime M. Lazzarato, dont il est difficile d'anticiper les conséquences. Il y a un moment où le rapport créancier-débiteur finit par devenir un "chantage" permanent, écrit-il. En omettant de souligner que le chantage peut fonctionner, aussi, à double sens. La Fabrique de l'homme endetté. Essai sur la condition néolibérale, par Maurizio Lazzarato. Editions Amsterdam, 125 pages, 10,50 euros.

Le livre | LE MONDE ECONOMIE | 26.09.11 | 15h32


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