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Rupert Sheldrake    la biologie mécaniste de Descartes et l'animal


         La doctrine cartésienne voulant que les végétaux et les animaux fussent de simples machines servait l'objectif explicite de Descartes : faire des hommes, les "seigneurs et maîtres de la nature ». Les animaux étaient des automates pareils à des horloges, capables de comportements complexes, mais dénués d'âme. Descartes lui-même disséqua des crânes d'animaux dans l'espoir de trouver une explication physique à l'imagination et à la mémoire et étudia par le biais de la vivisection le mécanisme de la «pompe cardiaque, allant jusqu'à suggérer que « si vous amputez la pointe extrême du coeur sur un chien vivant et placez un doigt à l'intérieur d'une des cavités, vous sentirez immanquablement que chaque fois que le coeur se rétrécit, il comprime votre doigt, et que chaque fois qu'il s'agrandit, il cesse de le comprimer».

     Les animaux étant censément inanimés, les hommes étaient débarrassés de tout soupçon de crime, quelle que soit la fréquence à laquelle ils mangent ou tuent des animaux. Partant de là, plus question de douter du droit de l'homme à exploiter la création brute. Certains disciples de Descartes allèrent jusqu'à nier explicitement que les animaux pussent ressentir de la douleur; le cri d'un chien battu ne démontrait pas plus sa souffrance que le son d'un orgue dont on aurait frappé les touches. De sorte qu'effectivement, à partir de cette époque, la pratique de la ~ vivisection devint nettement plus courante.  Il va de soi que ces théories ne se développèrent pas sans opposition; elles ne cessèrent d'être largement débattues. Ainsi, un philosophe anglais qualifia la doctrine cartésienne des animaux machines d'« assassine », d'autres la rejetèrent au motif qu'elle était contraire «à tous les témoignages des sens et de la raison » et « au bon sens de l'humanité". Dans les domaines de la botanique et de la zoologie, les vitalistes ne cessèrent, depuis le XVIIe siècle, de s'opposer à la théorie mécaniste de la vie. Ces derniers soutenaient que les végétaux et les animaux étaient réellement vivants, animés dans un tout autre sens que les machines. On assista au début de ce siècle à un renouveau vitaliste et ce n'est guère qu'à partir de 1920 que la théorie mécaniste imposa sa suprématie actuelle au sein de la biologie académique.

L'âme de la Nature, p. 66-67.

Indications de lecture :

C'est à Malebranche que Sheldrake pense au sujet des disciples de Descartes.

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