John Grisham   Le maître du jeu de 

chez Robert, Laffont, P. Berthon, 1996

Genre : policier, (milieu de la justice).
thème: droit et justice


     Dans un procès, le jugement suppose une impartialité, les jurés doivent écouter les deux parties et se prononcer dans le sens de l'accusation ou de la défense, en introduisant l'équité, comme modération de l'application stricte de la loi. Il est indispensable donc que les jurés ne soient en rien sous l'influence de l'une ou de l'autre partie en présence. Dans Le maître du jeu , on suit la constitution du jury, puis le procès qui oppose les trusts de fabricants de tabac et une femme dont le mari est mort d'un cancer du poumon parce qu'il fumait trop. Il y a d'un côté le lobby anti-tabac qui entend bien se servir de cette affaire pour montrer le caractère toxique des cigarettes et obtenir une réparation exemplaire et de l'autre, le lobby des fabricants de tabac qui est prêt à tout pour gagner le procès. En effet un verdict défavorable lui coûterait cher et entraînerait en cascade des plaintes dans d'autres procès. Ce qui va faire l'objet du livre, c'est une énorme entreprise de corruption des jurés, de manipulation du verdict. On suit de près toutes les magouilles tentées pour influencer tel ou tel membre du jury. Dès la sélection, les magouilles commencent pour faire en sorte que le jury puisse être favorable. Un homme à la solde des fabricants de tabac va tout tenter pour fouiller dans le passé et l'entourage des jurés, pour trouver des failles qu'il serait possible d'exploiter : une femme qui a dissimulé à son mari un avortement quand elle était étudiante, un agent immobilier que l'on va placer dans une situation d'illégalité pour le faire craquer etc. C'est un roman, mais il est si informé qu'il n'y a aucun doute sur la possibilité de telles pressions. Il nous met devant la question de savoir si l'exercice de la justice peut obéir à une droite raison, s'il n'est pas l'enjeu de décisions irrationnelles, ou sous le coup d'influence des pouvoirs.

     C'est une épreuve morale énorme que d'être juré dans ces conditions. Il faut juger en son âme et conscience et la conscience pour cela doit rester forte et intègre. La conscience morale d'un homme faible est très influençable et peut s'acheter. Il y a toutes sortes de pratiques tortueuse pour se débarrasser d'un juré qui déplaît à l'une des parties. Ce qui est remarquable, c'est qu'alors ressortent avec une acuité particulière les vertus du citoyen. Un citoyen est un homme qui se doit d'avoir une conscience morale élevée, qui se doit d'être conscient de son rôle d'arbitre du jugement de la conscience collective d'une nation. Être juré, c'est prendre pleinement conscience de ce que veut dire être membre du corps politique. Une démocratie ne laisse pour le souci de la justice au seuls spécialistes, elle exige que dans les affaire publique, se prononce la morale citoyenne. Il faut convoquer les citoyens eux-mêmes, pour qu'ils prennent part aux décisions.

     Une autre leçon importante, c'est dans ce roman toute la place accordée à la puissance des groupes de pression dans l'État. Il est bien naïf de croire que l'enjeu de la politique c'est d'un côté les citoyens et de l'autre l'État et de râler contre la dictature des uns, l'incapacité des autres. La vérités du pouvoir, c'est la réalités des pouvoirs. Le juré est un homme qui se y trouve tout d'un coup sorti de l'anonymat de sa vie ordinaire pour être jeté dans une arène, au milieu de lions qui se battent entre eux et on lui demande de prendre le fouet du dompteur. Il va devoir arbitrer un conflit qui le dépasse de toutes part et qui doit le concerner aussi intimement, il va devoir subir toutes sortes de tentatives d'intimidation, comme la rhétorique des avocats d'un côté et de l'autre. Au milieu de cette tension, on lui demande de garder le bras droit, sans trembler et de tenir la balance de la justice. Ce n'est pas une facilité et en même temps, nous ne pouvons pas nous dérober au jugement pour ce qui a trait à la vie collective. il faut bien dire ce qui est juste et ce qui ne l'est pas.

Serge Carfantan

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