Todd Strasser  La Vague

éditions Jean-Claude Gawsewitch ;1981. Traduit de l'anglais (États-Unis) par Aude Carlier
Thèmes : Politique, liberté
Précision : l'article ci-dessous concerne le livre de Todd Strasser. Il a récemment été adapté au cinéma par Dennis Gansel mais nous n'y faisons pas référence.


     Inspiré d'une expérience qui a réellement été menée aux États-unis dans les années 70, La Vague propose une réflexion sur les mécanismes du nazisme et la facilité avec laquelle chacun peut-être tenté d'intégrer un mouvement similaire.

 Alors qu'il développe un cours sur la seconde guerre mondial, un professeur d'histoire du nom de Ben Ross illustre ses propos par une vidéo de quelques minutes sur les atrocités commises par les nazis. Le film bouleverse les élèves et plusieurs s'interrogent sur l' absence de réaction des autres allemands. Les nazis ne représentaient que 10% de la population allemande, pourquoi alors, personne n'a semblé réagir? Pour les élèves, il paraît évident que l'on aurait pu arrêter à temps l'expansion de cette idéologie.
    Quelques heures après la diffusion de vidéo, le professeur d'histoire repense à son incapacité à répondre aux questions de ses élèves. Comment expliquer la facilité avec laquelle les gens ont accepter le nazisme? Il se documente en vain en parcourant de nombreux livres sur le sujet, puis décide de tenter une expérience avec sa classe. Il instaure un mouvement "La Vague" au slogan fort "La Force par la Discipline, La Force par la communauté, La force par l'action".. Les élèves se prennent vite au jeu et chaque membre du mouvement s'intègrent au microcosme totalitaire qui voit le jour au lycée Gordon. La Vague gagne vite l'ensemble de l'établissement. 
    Sans surprise l'expérience dégénère et des membres de la vague agresse ceux qui refuse d'intégrer le mouvement. Le professeur d'histoire lui-même se prend dangereusement au jeu du leader. Il comprend que les jeunes sont à présent trop impliqués dans l'expérience et qu'il serait dangereux d'arrêter le mouvement brutalement.. Ben Ross éllabore finalement un plan judicieux pour mettre fin à La Vague tout en veillant à ce que les élèves en retiennent une leçon salutaire.

 I La séduction du groupe
     L'esprit de groupe sera l'un des premiers élément de La Vague à séduire les étudiants. Membre d'une même organisation, aucun ne se sent plus mis à l'écart de la classe. Pour le souffre-douleur des élèves, Robert Billings, La Vague constitue une véritable renaissance et même son apparence physique habituellement négligée s'en ressent. Il constituera par ailleurs un sujet de doute pour le professeur d'histoire quand il envisagera de mettre fin au mouvement "arrêter La Vague reviendrait à renvoyer Robert Billings à sa place de cancre". L'un des éléves du cours d'histoire, David Collins, comprend que c'est cette force qui manque a l'équipe de football peu efficace de leur lycée dont il fait partie. Le groupe est favorisé par un ensemble de valeurs communes comme le slogan, l'emblème (une vague) et même un salut rituel (un coup sur la poitrine suivi d'un mouvement de vague effectué avec la main). Au sein de la vague les élèves ont l'impression d'être les parties égales d'un tout qu'ils doivent défendre. Ils agissent ensemble et de façon semblable (même posture rigide en classe, mêmes réponses brèves aux questions) ; cette conformité les rassure et satisfait l'instinct grégaire qui se trouve en chacun de nous. Quand Laurie Saudners, une élève intelligente et populaire, manifestera quelques réticences au sujet du mouvement en exposant ses mauvais côtés, on lui reprochera de ne pas accepter le nouvel état d'égalité qui règne au lycée Gordon, de regretter le temps où elle surpassait ses camarades dans de nombreux domaines.

II Le prix de l'égalité
     Mais cette égalité que les élèves pensent avoir acquise par La Vague, il la paye de leur libre-arbitre. Chacun suit les décisions du groupe sans remettre en cause la moindre de ses directives. L'individu perd sa valeur au profit d'une masse uniforme certes, mais aussi informe. Non seulement ils sacrifient leur propre liberté au nom de la communauté, mais ils étouffent aussi celles des autres en les contraignant plus ou moins explicitement à rejoindre le mouvement. Mais pour les élèves, nul mal à cela, il s'agit simplement de faire connaitre aux autres un mouvement qu'ils jugent extrêment bénéfique. On retrouve ici la volonté de faire le bonheur des autres et ce, malgré eux, volonté que Kant jugera illégitime. Notons cependant que les élèves ne conçoivent pas l'abandon de leur libre-arbitres comme un sacrifice. En réalité ils en ont à peine conscience et profite simplement du confort d'avoir à suivre des ordres sans effectuer le douloureux exercice qu'est la réflexion. Dès les premières tentatives de Ben Ross d'instaurer une discipline dans sa classe, il constate que ses élèves sont enclins à lui obéir. Et qui d'entre nous n'a jamais ressenti le désir de planter là sa liberté pour s'en remettre aux décisions de quelqu'un d'autre? Sartre l'avait déjà compris la liberté est un cadeau empoisonné car il implique la responsabilité.

III La vigilance
     Si l'on devait retenir un message de l'oeuvre, il concernerait la nécessité de ne jamais céder à la facilité, de ne jamais suivre aveuglément qui qui ce soit. Réfléchir est parfois un exercice pénible qui va en quelques sortes contre la force d'inertie qui nous pousse à suivre le mouvement. Il faut faire l'effort de penser par soi-même et ne pas redouter d'arriver à des conclusions qui remettraient en cause notre attitude. Ce message est aussi véhiculé par le film V pour vendetta ou le peuple est montré comme en partie responsable par sa passivité de la dictature mise en place.

 La Vague est un livre qui se lit comme un avertissement : nous ne sommes pas à l'abris d'un retour d'un régime autoritaire ; l'histoire peut se répéter et avoir commis une erreur une fois ne nous en préserve en aucun cas.

Pauline Raveau

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