Fiche de lecture

Emmanuel Kant RESUME de la Préface de la seconde édition de la Critique de la raison pure


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LES CHANGEMENTS DE LA SECONDE ÉDITION
Les corrections apportées à la seconde édition de la "Critique de la raison pure" concernent l'exposition, dans ses difficultés et son obscurité. Rien n'a été changé aux propositions avancées et à leur démonstration, car la " Critique de la Raison Pure" forme un système dans lequel tout se tient (chaque partie existe en vue du tout et le tout en vue de chaque partie), et tout changement produirait inévitablement des contradictions. Soucieux de poursuivre son oeuvre, qui doit notamment conduire à une métaphysique de la nature et une métaphysique des moeurs, l'auteur met ainsi un terme à son travail sur la première de ses
trois Critiques.

COMMENT TROUVER LA VOIE SÛRE DE LA SCIENCE ?
§ 1. À quoi reconnaît-on que des connaissances rationnelles (mettant en oeuvre des principes inhérents à la raison, qui ne sont donc pas tirés de l'expérience) forment une véritable science ? L'auteur répond dans un premier temps de manière négative les hésitations, les désaccords sont la preuve qu'il s'agit encore de tâtonnements et non de « la voie sûre de la science ». La réponse positive panse par l'examen de trois sciences effectives : la logique, la mathématique et la physique.
LA LOGIQUE
§ 2. La logique est apparemment un exemple positif de connaissance rationnelle. Connue depuis Aristote, elle n'a pas subi de changements notables et paraît quasiment achevée lorsqu'on la considère dans sa limitation, en tant que science des règles de toute pensée qui vise à établir le vrai, indépendamment du contenu particulier de cette pensée.
§ 3, Mais cette limitation spécifique, en vertu de laquelle la logique est une science formelle et n'a pas d'objet hors d'elle, la raison n'y ayant affaire qu'à elle-même, la met à part des autres sciences, qui visent la connaissance d'objets. En ce sens, le cas de la logique n'est pas exemplaire. La logique est certes rationnelle, mais elle n'est pas une science à proprement parler, elle est le « vestibule » de la science.
§ 4. La science véritable est une connaissance en tant qu'elle a un objet hors d'elle, avec lequel elle établit une relation, et elle est rationnelle dans la mesure où cette relation s'établit à partir de ses propres principes ou concepts, qui sont a priori, c'est-à-dire indépendants, en eux-mêmes, de ce à quoi ils s'appliquent.
LA MATHEMATIQUE ET LA LOGIQUE
§5.Ces deux connaissances, dont nul ne peut contester qu'elles sont des sciences, illustrent précisément cette caractérisation. Elles ont un objet distinct de la raison (les figures eues nombres ; les phénomènes), qu'elles déterminent de manière a priori. Elles pourraient donc apporter une réponse à la question posée.
Après une longue période de tâtonnements, la mathématique a trouvé la voie sûre d'une science grâce à une révolution de sa manière de penser qui a été le fait d'un seul homme. Celui-ci a compris qu'au lieu de vouloir reconnaître les propriétés dans la figure géométrique qui se présente, il fallait construire cette figure à partir des exigences de la pensée.
Le tâtonnement de la physique a encore été beaucoup plus long, et la révolution de la manière de penser y a été le fait de plusieurs hommes.
§ 8. L'exemple des récentes découvertes en physique (Galilée, Torrricelli, Stahl) montre que la raison doit prendre les devants et interroger l'expérience à partir de ses principes. Elle ne peut trouver dans la nature que ce qu'elle y met elle-même à partir de son propre plan.
LA METAPHYSIQUE
§ 9. À l'opposé de la mathématique et la physique, la métaphysique n'a pas encore trouvé la voie sûre de la science. Connaissance rationnelle qui veuttout saisir a priori, indépendamment de toute expérience, elle n'est encore qu'un terrain de luttes sur lequel ses partisans s'affrontent sans fin et sans succès.
§ 10. Les questions qu'elle poursuit sont de celles que l'homme doit immanquablement se poser, alors qu'elle ne semble pas pouvoir y répondre. Son échec est une mise en cause de la raison. Cette situation est-elle sans remède ?
LA REVOLUTION COPERNICIENNE
§ 11.
L'exemple de la mathématique et de la physique peut conduire à une réponse qui permettrait à la métaphysique de trouver la voie sûre d'une science. Cette réponse prend son point de départ dans une hypothèse qui renverse entièrement le présupposé fondamental d'après lequel la connaissance serait le « reflet » ou la « copie », dans l'esprit, de ce qui existe hors de lui. Au lieu que ce soit l'esprit qui se règle sur les choses, comme on l'admet communément, ne seraient-ce pas les choses qui se règlent sur l'esprit ? Un tel renversement est analogue à celui qu'a effectué l'astronome Copernic confronté aux difficultés qui résultent de l'hypothèse selon laquelle les étoiles tourneraient autour du spectateur supposé immobile, il se demanda si ce ne serait pas plutôt le spectateur qui tournerait, les étoiles restant immobiles. D'où l'idée d'une « révolution copernicienne », qui rend possible une connaissance a priori.
LA LIMITATION DU SAVOIR
§ 12.
Ce renversement dans la conception de la connaissance a pour conséquence une limitation essentielle de celle-ci. Les concepts a priori mettent en forme des objets fournis par l'expérience, et c'est cette synthèse qui constitue la connaissance. Dès lors, hors d u champ de l'expérience, il n'y a pas de connaissance possible. Cette limitation paraît ruiner la métaphysique dans sa prétention à connaître ce qui est au-de là de l'expérience (le suprasensible : l'âme, la liberté, Dieu). La connaissance n'atteint que les phénomènes (les choses telles qu'elles se manifestent dans l'expérience), les choses en soi sont inconnaissables. Mais au-delà de ce qui est connu par l'entendement, ce qui est pensé par la raison peut être mis au fondement de la pratique.
LA CRITIQUE
§ 13. La "Critique de la raison pure" a pour objet une révolution radicale de la métaphysique. Elle est la méthode (chemin), non la science elle-même, dont elle délimite cependant le système et les contours.
§ 14. Négative lorsqu'elle limite la connaissance spéculative, la Critique est positive lorsqu'elle libère, du même coup, l'usage pratique de la raison pure. La connaissance spéculative est limitée aux objets de l'expérience ; les choses en soi ne peuvent être connues, mais elles peuvent être pensées. Il est dès lors possible d'admettre que les phénomènes, objets de notre connaissance, sont entièrement déterminés et qu'une chose en soi, que nous pouvons penser mais jamais connaître, comme l'âme humaine par exemple, est libre.
§ 15. La Critique n'est préjudiciable qu'aux prétentions des écoles, qui se croyaient dépositaires de la connaissance des réalités suprasensibles ; elles devront dorénavant se limiter à la culture des preuves de l'immortalité de l'âme, de la liberté de la volonté et de l'existence de Dieu auxquelles les hommes ont toujours été sensibles. La Critique mettra fin aux querelles des métaphysiciens dès lors que les gouvernements prendront soin de préserver sa liberté.
§ 16. Sans une Critique préalable du pouvoir de la raison, la démarche de celle-ci prend la forme illégitime du dogmatisme. A partir de la Critique, une métaphysique en tant que science devient possible, selon le procédé de la démonstration rigoureuse à partir de principes a priori assurés.

VOCABULAIRE
A PRIORI/ A POSTERIORI
Ces expressions latines signifient respectivement« en partant de ce qui vient avant »et« en partant de ce qui vient après » ;elles ont alors un sens temporel. A partir de Kart, ce sens devient logique en philosophie : est a priori ce qui précède logiquement l'expérience et qui est donc indépendant de celle-ci (les catégories et concepts purs de l'entendement, les formes de la sensibilité, c'està-dire l'espace et le temps) mais constitue la condition de notre appréhension de l'expérience. Est a posteriori ce qui découle de l'expérience, en dépend et ne peut pas être établi autrement qu'à partird'elle. L'apriori est formel et pur, l'a posteriori relève de l'expérience. L'universel et le nécessaire sont la marque des concepts a priori.
CHOSE EN SOI/PHÉNOMÈNE
La chose en soi désigne le réel tel qu'il est en lui-même, indépendamment de toute connaissance qu'on en a. Le phénomène désigne le réel tel qu'il est connu, tel qu'il est pour nous, c'est-à-dire tel qu'il se manifeste au sujet connaissant : à la sensibilité qui appréhende le réel dans les formes a priori de l'espace et du temps, et à l'entendement qui place les intuitions ainsi formées sous les catégories et les
concepts purs. La chose en soi nous est inconnaissable ; nous pouvons seulement dire ce qu'elle n'est pas, qu'elle restreint les prétentions de la connaissance sensible et qu'elle doit être nécessairement supposée au fondement des phénomènes. Le phénomène est le réel non tel qu'il es' en soi, mais par rapport à nous et notre pouvoir de connaître ; il est objet d'expérience.
CONCEPT
Le concept est une représentation abstraite et générale, qui réuni des caractéristiques propres à une classe d'objets. Il est une forme, ou règle d'unification du divers, issue de l'entendement qui a besoin d'être appliquée ô une matière pour constituer une connaissance effective ; cette matière lui est fournie par la sensibilité au moyen des intuitions. Le concept peut être pur, il appartienf alors à l'entendement et s'appelle une catégorie s'il est premier (et non dérivé d'autres concepts purs) ;il peut aussi être empirique, c'est-à-dire tiré de l'expérience à partir de l'application à celle-ci de certains concepts purs.
CRITIQUE
La critique est l'examen des conditions de possibilité d'un usage légitime de notre pouvoir de connaître ; elle est la connaissance de soi de la raison. Elle doit instituer « un tribunal qui garantisse [la raison] dans ses prétentions légitimes et puisse en retour condamner toutes ses usurpations sans fondements, non pas d'une manière arbitraire, mais au nom de ses lois éternelles et immuables. » (Critique de la raison pure, PUF, p. 7.) Elle est à cet égard une propédeutique (ou exercice préliminaire) à la métaphysique en tant que recherche d'une connaissance pure a priori (Critique de la raison pure, PUF, p. 563).
DOGMATISME
Le dogmatisme est la croyance en la toute-puissance de la raison, la prétention de progresser par l'usage de la raison pure sans une critique préalable du pouvoir de cette raison. En revanche, le « procédé dogmatique » est la démarche démonstrative rigoureuse que doit adopter la science, en s'appuyant sur des principes a priori sûrs.
ENTENDEMENT
L'entendement est le pouvoir d'unifier, au moyen de règles, les données sensibles que la sensibilité fournit sous la forme des intuitions. Il fournit, quant à lui, les concepts qui sont « vides » sans les intuitions, tandis que les intuitions sont « aveugles » sans les concepts (Critique de la raison pure). L'usage des catégories et des concepts qui en dépendent est limité aux données sensibles, c'est-à-dire à l'expérience. L'entendement se distingue de la raison, qui manifeste le besoin
d'une unité plus haute en s'élevant par le moyen des idées et des principes au-dessus de l'expérience, que ce soit pour élaborer l'unité de toutes les connaissances (raison théorique) ou pour dire ce qui doit être (raison pratique).
INCONDITIONNÉ
« Le principe propre de l'usage de la raison en général (dans son usage logique) est de trouver, pour la connaissance conditionnée de l'entendement, l'inconditionné qui en achèvera l'unité. » (Critique de la raison pure, PUF, p. 259.)
INTUITION
L'intuition est la représentation immédiate d'un objet, qui nous le donne à connaître, et constitue la matière de nos connaissances, à laquelle le concept apporte la forme. « Des
pensées sans contenu sont vides, des intuitions sans concept, aveugles. » (Critique de la raison pure, PUF, p. 77.)
LOGIQUE
La logique est la science qui traite de la forme des raisonnements, indépendamment de leurs contenus ou objets. On appelle validité la conformité de ces raisonnements aux lois formelles de la pensée. Kant distingue la logique (celle qu'il nomme simplement « logique » dans la Préface de la seconde édition) et la logique transcendantale, qui établit la possibilité d'une connaissance a priori des objets.
MÉTAPHYSIQUE
La métaphysique ou « philosophie première » est définie depuis Aristote comme la connaissance des premières causes et des premiers principes. Or la Critique de la raison pure conteste radicalement la possibilité même d'une telle connaissance, c'est-à-dire d'une connaissance d'objets suprasensibles, hors du champ de toute expérience possible, parce qu'elle excède les limites de notre pouvoir de connaître que cette Critique s'efforce justement d'établir. En ce sens, la métaphysique est pour Kant une entreprise vaine. Mais cette même Critique veut rétablir en son vrai sens l'intention métaphysique : elle est alors une connaissance rationnelle pure (en cela elle se distingue de toute connaissance empirique), mais une connaissance de principes rationnels déterminés (et en cela elle s'oppose à la logique, qui est purement formelle). En tant que métaphysique de la nature, elle contient les principes purs de la connaissance théorique de toutes choses ; en tant que métaphysique des moeurs, elle contient les principes qui président à l'usage pratique de la raison et qui sont alors indépendants de toute anthropologie ou connaissance de l'homme, nécessairement établie à partir de l'expérience. En ce sens positif, la métaphysique suppose la Critique, qui seule la rend possible et qu'elle-même accomplit ou achève.
PRATIQUE
La pratique est le domaine de ce qui est possible par liberté. Ce terme désigne donc le champ des actions humaines en tant qu'elles relèvent d'une volonté qui peut être déterminée par la raison pratique sous la forme de la loi morale.
RAISON
Dans son sens large, la raison est la faculté qui fournit des principes a priori, d'une part pour la connaissance (raison théorique ou spéculative), d'autre part pour l'action (raison pratique). Au sens étroit, dans lequel elle se distingue de l'entendement, elle unifie les connaissances élaborées par l'entendement.
SCIENCE
Toute science est un système de connaissances, par opposition à un simple agrégat ; elle doit être ordonnée par des principes et liée par l'idée d'un tout (idée qui ne se précise cependant qu'en cours de progression).
SENSIBILITÉ
La sensibilité est « la capacité de recevoir (réceptivité) des représentations grâce à la manière dont nous sommes affectés par des objets. » (Critique de la raison pure, PUF, p. 53.) La représentation que fournit la sensibilité, qui se rapporte de manière immédiate aux objets, contrairement aux concepts qui s'y rapportent de manière médiate, estune intuition. L'intuition est déjà en elle-même une mise en forme du « pur divers » de la sensation par la sensibilité, au moyen des formes a priori de la sensibilité, l'espace et le temps, qui constituent l'« intuition pure » lorsqu'on les considère indépendamment de tout objet empirique.
SPÉCULATION/SPÉCULATIF
La raison spéculative cherche à déterminer ce qui est, par opposition à ce qui doit être, et qui est objet de la raison pratique. En un sens plus restreint, la démarche spéculative est celle qui vise la connaissance d'objets qui sont hors de l'expérience.

FICHE REALISEE PAR OLE HANSEN-LOVE pour son Introduction à la Préface de la Critique de la raison pure Hatier 2002

Nota bene: l'ouvrage sera disponible dans son intégralité sur le site de l'Académie de Grenoble




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