Questions et réponses pendant le cours
La liberté politique


Q. Est-ce que l'on ne peut pas être libre en dehors de tout contrat social?

R. Il y a un cas important que recoupe votre question, c'est le statut de l'apatride. Supposez que, comme un philosophe contemporain, vous décidiez de brûler vos papiers d'identité, pour refuser tout nationalisme, décidant par là de n'être que citoyen du monde et non citoyen de tel ou tel État. Serez vous alors plus libre?

Q. Évidemment on perd tous les avantages sociaux.

R. La liberté du citoyen dans l'État implique des droits et des devoirs. Ils vont ensemble. Sur le plan théorique, vous perdez les droits que l'État délivre, les droits du citoyen, vous ne pouvez revendiquer que les droits de l'homme. C'est une position hardie. Attention aux confusions possibles, il ne faudrait pas assimiler cette position philosophique à celle du marginal qui lui est mis au banc de la société sans qu'il l'ait voulu explicitement. La liberté naturelle  de faire n'importe quoi n'est pas non plus la liberté responsable du citoyen du monde. 

 Q. Si la liberté n'existe pas sans loi, ni sans quelqu'un au dessus des lois, il faudrait remettre en cause les privilèges actuels du chef de l'État.

R. C'est ce que dit strictement Rousseau. S'il y a quelqu'un au dessus des lois, alors il n'est pas à égalité avec les autres citoyens et la démocratie n'est pas complète. Ce à quoi pense Rousseau, c'est à la situation de la tyrannie où un homme, un parti fait les lois valides pour le peuple, mais tout en tirant de la loi des avantages pour lui-même. Celui qui se met au-dessus des lois jouit d'une liberté qui n'est pas celle du citoyen.

Q. La liberté d'expression devrait tout permettre. Si quelqu'un a des opinions révisionnistes, il doit pouvoir les publier. après tout, c'est à chacun de se faire une idée et de juger. Je vois pas pourquoi il y aurait une censure de la part de l'État. Pour ce qui est de la propagande pour le suicide je pense la même chose. C'est à chacun de juger, on n'est pas obligé d'adhérer non plus.

Q. Il y a sur ce point des différences entre la législation américaine et européenne. En Europe, on estime qu'il doit y avoir une protection des personnes et que le devoir de mémoire exige que l'on ne mette pas en cause des faits aussi graves que les camps de concentration. Je me demande si tout cela n'est pas un faux débat. Il ya un tel laxisme dans notre monde contemporain que tout débat sur la censure semble tout de même assez creux. Il mérite d'être soulevé dans les pays totalitaires. Mais dans la société postmoderne, où reste-t-il encore de la censure? Nous vivons dans le régime égalitaire du tout se vaut, nous avons l'habitude du relativisme el plus complet en matière d'opinion. C'est plutôt l'inverse : règne le diktat de l'interdiction de la censure ! C'est la censure qui est sèvèrement censurée. Quoi de commn avec la répression en Iran, le régime de la censure à Cuba, quoi de commun avec ce qui se passe en Chine, au Tibet? Avec ce qui avait lieu dans la précédente URSS?

Q. Pourquoi met-on dans les articles de la liberté politique le droit d'un peuple à se gouverner lui-même? Ce n'est pas la liberté individuelle.

R. Pensez à la tutelle du colonialisme en Afrique. Penser à l'écrasante invasion du Tibet par la Chine. Un peuple libre a des chefs, il n'a point de maître dit Rousseau. Un peuple a le droit de se donner à lui-même sa propre gouverne, c'est la seule façon pour que les hommes dans l'État prennent conscience de leur liberté politique. Un État libre, c'est un État dans lequel le peuple est souverain et n'est pas sous la gouverne d'un autre État.

Q. La crise de l'Afganistan met aux prise trop d'intérêts étrangers. Il y a le pétrole, le marché économique, les intérêts des frontaliers etc. Les afgans sont soumis à des pressions extérieures, notamment à la politique des américains.

R. Raison de plus pour défendre l'autonomie et tout faire pour qu'ils la retrouvent eux-mêmes, quelqu'en soit les risques à venir. Un peuple ne peut pas murir pour la liberté, il mûrit dans la liberté.

Q. Que peut-on faire de l'extérieur pour les aider?

R. Leur apporter le secours qu'ils demandent, mais sans les rendre dépendants de nous. Nous devrions nous sentir proches, solidaires des tous les peuples. Le monde est ma famille. Je ne peux pas rester indifférent à ce qui a lieu ailleurs. Ce qui s'est passé au Tibet est ignoble. Que le Tibet soit à des milliers de kilomètres ne change rien. C'est inhumain, dégradant d'avoir massacré un peuple pacifique, d'avoir entrepris la destruction systématique d'une culture, d'empêcher un peuple de parler sa propre langue.Cela nous montre la cruauté que comporte souvent les entreprises humaines guidée par une idéologie. Nous pouvons donner une voix à la révolte de bien des manières, mais ce qui est important, c'est qu'au fond de nous il y ait un rejet sans ambiguité de toute justification de cette violence. On peut-être dans ce monde, tout en refusant d'être de ce monde là. 

Q. Quand on pense, au sens où on tricote des pensées dans sa tête, on ne peut pas nous l'ôter au moins !

R. Oui, c'est pourquoi, prise au sens psychologique, nous avons toujours une liberté de penser. Mais que vaut-elle si elle n'est que rêverie en l'air? si non n'a pas le droit de s'exprimer? De partager sa pensée avec les autres? 

Q. Défendre la liberté d'opinion est assez paradoxal tout de même, si l'opinion ne vaut pas grand chose en soi!

R. Oui, il y a quelque chose de creux dans la volonté de défendre la liberté d'opinion prise au sens habituel. Le mot opinion ne prend son sens ici que si on entend par là le droit de posséder des convictions différentes de celle du régime politique, de l'autorité en place etc. Nul ne doit être poursuivi pour ses opinions en ce sens.

Q. La liberté de pensée n'a de sens que quand elle rentre dans la communication.

Q. Pourtant, la liberté d'expression a des limites : celle de ne pas blesser autrui au moins. Peut on vraiment exprimer tout ce que l'on veut?

R. La mode actuelle veut que "l'on s'ex-prime", dans un sens psychologique, dont se défouler et mettre dehors tout ce qui nous dérange dedans. Comme si s'exprimer, c'était prendre les autres comme un déversoir de nos humeurs, ou comme si l'autre était un micro sensé obligatoirement nous écouter (alors que nous ne l'écoutons pas). 

Q. Quand, au nom de la liberté d'expression on autorise la publication d'un manuel du suicide, la liberté finit directement par porter atteinte à autrui. 

R. La liberté, prise dans le sens "faire tout ce que l'on veut" entre facilement en contradiction avec elle-même. Il faut comprendre le libraire qui refuse de mettre sur ses rayons un livre qui lui semble dangereux moralement. Il censure en pensant que demain si son fils a une dérpime, il ira peut-être l'ouvrir pour chercher une recette pour se tuer. 

Q. Après tout, même ma presse people se gène pas pour porter atteinte aux personne, et c'est aussi quelque chose que nous défendons au nom de la liberté de la presse. Il y a un public. Le consommateur en redemande. D'un autre côté, c'est à chacun de se faire un jugement. On ne devrait rien censurer, mais juger par soi-même. On n'est pas obligé de tout lire.

R. Voyez vous même la complexité du problème. Ce qu'implique cette position, c'est que chaque citoyen ait une conscience morale très solide, intègre, soit éduqué avec un vrai sens critique. Un liberté totale doit être portée par une responsabilité totale.

Q. Mais c'est un pur idéal. Sur le manuel du suicide, les gens les plus faibles peuvent facilement tomber dans le piège et se laisser influencer. C'est un risque. 

R. Assez cruel. On ne fera rien pour vous aider. On vous laisse à vous-même avec vos problèmes, vos angoisses, votre malaise et en plus, on vous donne des suggestions - au nom de la liberté de penser - de vous flinguer ! 

Q. Il est important d'avoir les justifications de l'écrivain, son point de vue, il faudrait le voir directement.

R. C'est l"intérêt du débat autour des livres auquel nous pourrions participer d'avantage que passivement en suivant une émission de télé.

Q. La religion restreint directement la liberté de pensée en instaurant la croyance. C'est assez étrange que Pascal soit tombé dans ce piège, car il était très intelligent.

R. Nietzsche l'a vu avec beaucoup de profondeur. Pascal un génie qui a été cassé par la religion.

Q. La religion tient parce que les hommes ont peur et ont besoin d'être protégé. 

Q. Qu'est ce que cela apporte à l'église, à part l'argent et le pouvoir, de manipuler autant d'homme? Faut-il interdir les religions parce qu'elles supprime la liberté de penser? 

R. Nous ne sommes plus dans le contexte de la Sainte Inquisition tout de même ! ! La religion a son rôle pour ceux qui ont besoin de passer par elle pour trouver Dieu et se sentir membre d'une communauté de fidèle autour d'une foi. Le croyant, qui n'est pas intégriste ou fanatique, trouvera peut-être un jour que la vérité qui est dans sa religion est présente aussi dans toutes les autres et qu'il ne saurait être question donc de la propriété en matière de vérité. Le drame, c'est que la volonté de pouvoir a souvent pourri de l'intérieur les religions : la collusion entre le pouvoir de l'église et le pouvoir politique est souvent dangereuse. La volonté de puissance de l'ego peut prendre toutes les formes, y compris celle du prêtre en habit de cérémonie. 

Q. Oui, si un homme trouve la vérité dans sa religion, se sent libre dans sa religion, pourquoi le dénoncer?

R. Exactement. Il n'y a problème que dans la soumission inconditionnelle de l'esprit, problème que dans la tentative de conditionnement. qui prive les hommes de jugement propre. Et puis on ne peut même par généraliser cette question, parce que toutes les religions ne reposent pas sur le credo. PAr contre, trop souvent, elle semble ne pas mettre beaucoup d'espoir dans la confiance en l'homme pour trouver par lui-même la vérité. Nous avons aussi peur d'un monde sans foi ni loi et il y a cette tentation de poser des interdits et des lois.

Q. Les anarchistes eux refusent les lois politiques, mais pas les lois humaines, pas la loi que l'homme se donne lui-même. Justement les anarchistes font confiance en l'homme.

 

Avec la participation de Blanche Konrad, Alice Verland, Elise Infray, Max Arbieu, Coralie Larché, Jénifer Revolte.


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