Textes philosophiques

Leibniz     l'amour est la joie du don


     L'amour est cet acte ou état actif de l'âme qui nous fait trouver notre plaisir dans la félicité ou satisfaction d'autrui. Cette définition (...) est capable de résoudre l'énigme de l'amour désintéressé, et le distinguer des liaisons d'intérêt ou de débauche. Je me souviens que dans une conversation que j'eus il y a plusieurs années avec M. le Comte... et d'autres amis, cette difficulté fut agitée, et on trouva ma solution satisfaisante. Lorsqu'on aime sincèrement une personne, on n'y cherche pas son propre profit ni un plaisir détaché de celui de la personne aimée, mais on cherche son plaisir dans le contentement et dans la félicité de cette personne. Et si cette félicité ne plaisait pas en elle-même, mais seulement à cause d'un avantage qui en résulte pour nous, ce ne serait plus un amour sincère et pur. Il faut donc qu'on trouve immédiatement du plaisir dans cette félicité, et qu'on trouve de la douleur dans le malheur de la personne aimée. Car tout ce qui fait plaisir immédiatement par lui-même, est aussi désiré pour lui-même, comme faisant (au moins en partie) le but de nos vues, et comme une chose qui entre dans notre propre félicité et nous donne de la satisfaction. Cela sert à concilier deux vérités qui paraissent incompatibles ; car nous faisons tout pour notre bien, et il est impossible que nous ayons d'autres sentiments, quoique nous en puissions dire. Cependant nous n'aimons point encore tout à fait purement, quand nous ne cherchons pas le bien de l'objet aimé pour lui-même et parce qu'il nous plaît lui-même, mais à cause d'un avantage qui nous en provient. Mais il est visible par la notion de l'amour que nous venons de donner, comment nous cherchons en même temps notre bien pour nous et le bien de l'objet aimé pour lui-même ; lorsque le bien de cet objet est immédiatement, dernièrement (ultimato) et par lui-même notre but, notre plaisir et notre bien, comme il arrive à l'égard de toutes les choses qu'on souhaite parce qu'elles nous plaisent par elles-mêmes, et sont par conséquent bonnes de soi, quand on n'aurait aucun égard aux conséquences ; ce sont des fins et non pas des moyens.

 Sentiment de M. Leibniz sur le livre de M. de Cambrai et sur l'amour de Dieu désintéressé, ed. Gerhardt, t. 2, pp. 576-580.   

Indications de lecture:

Voir la leçon Les formes de la relation.

A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z.


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