Textes philosophiques

Swami Prajnanpad    sur le don


    "Portez également toute votre attention à ce qui suit :

Ce que je vous ai offert

N'est rien d'autre que ce que vous m'avez donné

Car je suis endetté dans la mesure

Où vous avez accepté

Ce que je vous ai offert.

Rabindranath Tagore : Le dernier poème

      A première vue, on a l'impression d'une contradiction :« Je vous ai donné seulement ce que j'ai reçu de vous. » En recevant on contracte une dette. Ce n'est pas celui qui donne qui est endetté. Alors ?

     L'entité individuelle, mesquine, étroite, séparée est enfermée dans sa petitesse : tout ce qu'elle sait faire c'est soutirer et exploiter. Non seulement elle prend et soutire, mais elle est emportée comme par un courant par le désir de prendre et d'obtenir. L'acte de prendre est en quelque sorte involontaire. L'entité individuelle est un acteur passif, impuissant, emporté. En fait, tous ses intérêts, tout ce qui l'attire se concentrent sur sa petitesse. Rien d'autre n'existe pour elle. Si quelque chose existe, ce n'est que pour servir ses intérêts. Elle ne connaît rien d'autre. Le mot « donner » n'a aucun sens pour l'individu. Quand toutefois il trouve quelqu'un qu'il ne connaît pas, qui s'approche de lui pour lui donner quelque chose et le lui donner sans rien attendre ou espérer en retour, quand il découvre que donner est si naturel pour cette personne qu'elle est prête à tous les sacrifices et même quelquefois à être blessée ; que c'est en donnant que cette autre personne semble trouver son bonheur, comme si elle s'amusait avec elle-même, celui qui reçoit est surpris et bouleversé, comme s'il était passé d'un seul coup à travers la barrière de son égoïsme. Alors, il pense qu'il doit donner à son tour, que bien sûr il a reçu, qu'il est satisfait et comblé. A son tour, il éprouve un sentiment d'unité avec celui qui lui a donné et il cherche à s'accomplir en donnant. Il donne après avoir reçu. Et il ne donne que ce qu'il a lui-même reçu, et par ce don il se sent racheté.

     L'acte de donner ne trouve son accomplissement que s'il y a quelqu'un pour recevoir. Si une personne qui donne s'aperçoit que ce qu'elle a donné de tout son coeur est reçu de la même manière (ce qui est une marque de respect et d'estime pour l'acte de donner), celui qui a donné se sent satisfait et comblé ; il se sent rempli d'une joie sans limite, car, en trouvant l'occasion de donner, il a pu se décharger d'un trop plein. Plus celui qui reçoit continue à prendre, plus la petitesse de celui qui donne se dissout, car dans son coeur il se trouve enrichi, plein et comblé. Alors de la petitesse jaillit la plénitude, il reçoit, il est endetté.

« Car je suis endetté dans la mesure

Où vous avez accepté ce que je vous ai offert»

     Dans le premier cas "ce-qui-est-à-moi" est limité au "petit moi", dans le second "ce-qui-est-à-moi" c'est être un avec les autres.

 L'art de voir, L’originel, p. 126-127.

Indications de lecture:

Voir leçon le don et l'échange.

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