Textes philosophiques

Bernard Bourgeois    les thèses de Hegel sur la fin de l'Histoire


    "1. L’histoire, et donc sa fin, est essentiellement politico-étatique.

    2. Elle s’accomplit dans la figure définitive dont voici les composants : lien rationnel d’abord du religieux et du socio-étatique ; puis - ce qui est remarquablement manqué chez Kojève et Fukuyama - de l’État et de la société : la force du premier autorisant un dynamisme socio-économique dont le libéralisme foncier se soucie néanmoins de la nécessaire solidarité, civisme personnalisant confirmé moyennant des institutions qui limitent la nécessaire techno-bureaucratie par l’autorité du pouvoir princier, expression monarchique du présidentiel, et la participation auto-gestionnaire des collectivités locales ; souveraineté des États-nations dans le cadre du droit international et du cosmopolitico-humanitaire.

    3. L’État, cet universel réel, peut seul assurer par sa puissance exemplaire l’existence épanouie, et dans la pensée et dans la réalité, des autres modes de l’universalisation de l’esprit. C’est par l’État que quoi que ce soit peut se faire en lui, même sans lui, voire contre lui, l’acte suprême du « divin terrestre » qu’il est consistant, pour lui aussi, à savoir se sacrifier, moins pathétiquement dit : à savoir se limiter, au plus loin de tout étatisme révélateur de faiblesse. Aussi bien, l’État rationnel hégélien fait-il que peuvent se déployer, se faire, en lui une vie infra-étatique, de l’économie à la culture, et une vie supra-étatique, de la culture à la religion et à la philosophie. Enfin, et je m’y attarde un peu plus car c’est explicitement notre thème,

    4. la fin actuelle de l’histoire universelle est celle de l’histoire de l’universel, et essentiellement, de l’invention millénaire et laborieuse des structures universelles vraies de l’existence politique ou de ce que Hegel appelle le droit en général, des structures qu’il n’y a plus, si j’ose dire, une fois qu’elles ont été découvertes, qu’à réaliser partout, ce qui se fera tôt ou tard. La tâche essentielle historique de la conquête spirituelle de l’esprit par lui-même est finie : aucune détermination fondamentale et nouvelle vraie de l’esprit socio-économico-juridico-politique ne peut plus venir au jour. Certes, la réalisation empirique particulière, ici et là, de l’acquis de l’histoire politique universelle se poursuit à travers des conflits toujours possibles entre les États nationaux, même en soi les plus hégéliens, dans des vicissitudes qui requièrent toujours l’intérêt, l’agir et l’art politique de tous les individus, mais l’essentiel, dans ce domaine, est désormais atteint. L’intérêt absolu de l’esprit est dorénavant ailleurs, là où le savoir des structures non objectivables, mais prises en leur caractère essentiellement subjectif de représentations (religieuses) ou de concepts (philosophiques), même absolument déterminés, de l’esprit absolu, ne peut être atteint que par un acte spirituel constamment à reprendre et à réinventer en son exercice fini. Le temps d’après la fin de l’histoire est ainsi animé, loin de l’esthétisme kojèvien et de l’ennui fukuyamien, par l’intérêt désormais subordonné mais nécessaire de la gestion du politique et l’intérêt fondamental alors objectivement libéré de la vie absolue de l’esprit. - tel est l’aujourd’hui de Hegel. Est-il le nôtre ? ".

Communication présentée en séance publique devant l’Académie des sciences morales et politiques le 12 décembre 2005.
 

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