Textes philosophiques

Castoriadis    puissance et responsabilité


    « L’illusion de la puissance recèle aussi une illusion relative au savoir : nous pourrions savoir tous les résultats (ou di moins ceux qui nous importent) de ce que nous faisons. Tel n’est évidemment jamais le cas. Les résultats de nos actes n’en finissent pas de se suivre et surtout, beaucoup plus concrètement, même des résultats les plus immédiats nous n’avons connaissance qu’à l’intérieur d’un petit voisinage du moment de l’acte, voisinage lui-même déchiré et fragmentaire. Il n’en résulte aucun agnosticisme ou indifférentisme éthique et pratique. Dans la vie quotidienne, dans le monde familier, nous en savons suffisamment – nous pouvons et devons en savoir suffisamment – pour que les résultas humainement prévisibles de nos actions dépendent suffisamment de ce que nous faisons et donc soient possible à la fois un agir raisonnable et un réquisit de responsabilités à l’égard de nos acte et de leurs conséquences. Cela ne veut pas dire que l’on puisse délimiter géométriquement les frontières de la prévisibilité. On ne pourra jamais remplacer les jurys par des ordinateurs. Nous traçons une frontière de ce qui est requis comme prévision – frontière qui est elle-même en quelque sorte tacitement instituée par la société considérée – et c’est à son intérieure que nous soulevons la question de la responsabilité. Cela est déjà une conquête de la civilisation. Il y a eu des cultures où le fait d’avoir été placé, réellement ou même imaginairement à un point quelconque de la chaîne conduisant à l’événement dommageable suffisait pour désigner quelqu’un comme coupable. En témoigne encore l’adage « malheur à celui par qui le scandale arrive » : non pas nécessairement à l’auteur authentique du scandale, mais à tous ceux qui, même aveugles, lui ont permis de survenir.

 Que dans la vie quotidienne et le monde familier, dans des paysages explorés depuis un temps immémorial, nous puissions agir en connaissance de cause, ce la doit être admis d’abord et surtout parce que c’est vrai matériellement pour l’essentiel. La différence entre un bon et un mauvais artisan est presque toujours immédiatement repérable, sans cela il n’y aurait pas de vie sociale. Mais aussi parce que l’hypothèse contraire conduirait à des conclusions directement opposées à tout discours et à toute vie ».

 Le Monde morcelé, p. 91-92.

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