Textes philosophiques

Stephen Jourdain   l'homme qui parlait tout seul


    "Dans la rue, un homme passe, discutant à voix haute avec un interlocuteur imaginaire. On se dit: il est fou. on éprouve une sorte de gêne; on détourne les yeux, comme s'il s'agissant de quelque chose d'obscène, de monstrueux. Qu'y a-t-il au fonde de cette réaction?  - La reconnaissance intuitive qu'en cet homme, la conscience de soi a disparu, non en raison d'une de ces panne naturelles qu'on nomme "sommeil", "syncope", mais parce qu'ici le sujet intérieur a trahi la nature même de cette lumière; et ce, par manquement à ce devoir premier de l'être conscient: se maintenant dans la conscience de l'irréalité de l'effet qu'il produit personnellement - de ses production mentales. Imaginer un interlocuteur, imaginer que je lui parle, ceci est licite, traiter cette  fable, non comme telle, mais comme une réalité, ceci est interdit; - et, si je transgresse, la sanction est instantanée: perte de la conscience de moi, rupture de lien lumineux qui m'unit à moi-même et me fonde, perte moi. -assez extraordinaire, non, que dans ce grand malade qu'est l'état de conscience habituel, brille encore une intuition si claire, si juste. Elle nous vient droit ce que nous fûmes jadis: M-A-I-N-T-E-N-A-N-T; c'est un reliquat de notre santé originelle.

    -Mais nous n'utilisons pas cette lumière?

    - en tant que sujet pensant, voulant, imaginant, on peut dire que nous en faisons un usage à peu près correct; sans quoi nous serions tous à Sainte-anne. Hélas, ce qui sort de ce malheureux sujet est l'eau qui coule d'un robinet, et non celle qui jaillit de la source!" ».


Stephen Jourdain Première personne, p. 55.

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