Textes philosophiques

Louis Lavelle    Le mal dans la nature


   "On comprend donc que dans le problème du mal on puisse prendre à l’égard de la nature trois attitudes différentes : la première, qui est optimiste et charmante, consiste à la louer toujours, soit dans le spectacle qu’elle nous donne et qui possède une admirable valeur artis­tique, soit dans les instincts qu’elle met en nous, et que la pensée ne fait jamais que corrompre. Seulement, c’est encore la réflexion qui juge de la beauté de ce spectacle, et puisqu’elle peut faire dévier nos instincts, c’est elle aussi qui juge de leur rectitude. La seconde attitude est inverse de la précédente : elle considère la nature avec pessimisme et la trouve toujours mauvaise. Il y a au fond de beaucoup de consciences un vieux dualisme manichéen. Mais le même esprit qui la condamne en­treprend contre la nature une lutte dont il ne sort pas toujours vainqueur. Et même on peut penser que la nature, c’est le réel, tandis que l’esprit, c’est l’idéal et qu’il succombe toujours comme le droit quand la force entre en jeu. Mais il y a une troisième attitude qui consiste à prétendre qu’en elle-même la nature n’est ni bonne ni mauvaise. Seulement l’esprit, dès qu’il paraît, consacre les ressources de son invention à en disposer, mais pour trouver en elle tantôt un objet de complaisance et de jouissance et tantôt la force et l’efficacité dont il a besoin et qu’elle seule peut lui donner.

    On peut dire que, dans tous les cas, celui qui considère la nature comme bonne ou comme mauvaise n’en juge ainsi que rétrospectivement. C’est seulement quand sa volonté est déjà entrée en jeu, quand elle a déjà opté entre le bien et le mal, qu’il peut dire que la nature est bonne ou qu’elle est mauvaise en se représentant comme volontaires toutes les actions qui dépendent de la nature et en distinguant celles qui portent le caractère de la bonté et de la générosité de celles qui sont des témoignages d’égoïsme ou de violence. Le propre de la réflexion, c’est d’obliger chaque être à devenir un problème pour lui-même, à s’interroger sur la valeur de sa vie. A ce problème, à cette interrogation, le bien seul apporte une réponse. Le mal, non seulement le laisse sans solution, mais encore le change en un scandale contre lequel toutes les puissances de la conscience ne cessent de s’insurger".

Le mal et la souffrance

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