Textes philosophiques

John Rawls     la théorie de la justice


    ""Mon but est de présenter une conception de ta justice qui généralise et porte à son plus haut niveau d'abstraction ta théorie bien connue du contrat social telle qu'on la trouve, entre autres, chez Locke, Rousseau et Kant. Pour cela, nous ne devons pas penser que le contrat originel soit conçu pour nous engager à entrer dans une société particulière ou pour établir une forme particulière de gouvernement. L'idée qui nous guidera est plutôt que les principes de la justice valables pour la structure de base de la société sont l'objet de l'accord originel. Ce sont tes principes mêmes que des personnes libres et rationnelles désireuses de favoriser leurs propres intérêts, et placées dans une position initiale d’égalité accepteraient et qui selon elles définiraient les termes fondamentaux de leur association Ces principes doivent servir de règle pour tous les accords ultérieurs ils spécifient les formes de la coopération sociale dans lesquelles on peut s engager et les formes de gouverne ment qui peuvent être établies C’est cette façon de considérer les principes de la justice que j'appellerai la théorie de la justice comme équité.

     Par conséquent, nous devons imaginer que ceux qui s'engagent dans la coopération sociale choisissent ensemble, par un seul acte collectif, les principes qui doivent fixer les droits et les devoirs de base et déterminer la répartition des avantages sociaux. Les hommes doivent décider par avance selon quelles règles ils vont arbitrer leurs revendications mutuelles et quelle doit être la charte fondatrice de la société. De même que chaque personne doit décider, par une réflexion rationnelle, ce qui constitue son bien, c'est-à-dire le système de fins qu'il est rationnel pour elle de rechercher, de même un groupe de personnes doit décider, une fois pour toutes, ce qui, en son sein, doit être tenu pour juste et pour injuste. Le choix que des êtres rationnels feraient, dans cette situation hypothétique d'égale liberté, détermine les principes de la justice en supposant pour le moment que le problème posé par le choix lui-même ait une solution. […] Je soutiendrai que les personnes placées dans la situation initiale choisiraient deux principes assez différents. Le premier exige l'égalité dans l'attribution des droits et des devoirs de base. Le second, lui, pose que des inégalités socio-économiques, prenons par exemple des inégalités de richesse et d'autorité, sont justes Si et seulement Si elles produisent, en compensation, des avantages pour chacun et, en particulier, pour les membres les plus désavantagés de la société. Ces principes excluent la justification d'institutions par l'argument selon lequel les épreuves endurées par certains peuvent être contrebalancées par un plus grand bien, au total. Il peut être opportun, dans certains cas, que certains possèdent moins afin que d'autres prospèrent, mais ceci n'est pus juste. Par contre, il n'y a plus d’injustice dans le fait qu'un petit nombre obtienne des avantages supérieurs à la moyenne, à condition que soit par là même améliorée la situation des moins favorisés.

    L'idée intuitive est la suivante puisque le bien-être de chacun dépend d'un système de coopération sans lequel nul ne saurait avoir une existence satisfaisante, la répartition des avantages doit être telle qu'elle puisse entraîner la coopération volontaire de chaque participant, y compris des moins favorisés. Les deux principes que j’ai mentionnés plus haut constituent, semble-t-il, une base équitable sur laquelle les mieux lotis ou les plus chanceux dans leur position sociale - conditions qui ne soi il ni l'une ni l'autre dues, nous l'avons déjà dit, au mérite - pourraient espérer obtenir la coopération volontaire des autres participants; ceci dans le cas où le bien être de tous est conditionné par l'application d'un système de coopération. C'est à ces principes que nous sommes conduits dès que nous décidons de rechercher une conception de la justice qui empêche d'utiliser les hasards des dons naturels et les contingences sociales comme des atouts dans la poursuite des avantages politiques et sociaux. Ces principes expriment ce à quoi on aboutit dès qu'on laisse de côté les aspects de la vie sociale qu'un point de vue moral considère comme arbitraires."

Théorie de la justice, Le Seuil, 1971-1987, pp. 37-38,41.

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