Textes philosophiques

Xenophon      le feu de l'attachement


    [10] Ne vois-tu pas, poursuivit-il, comment le feu brûle également tout le monde ? c’est en effet dans sa nature. Mais des belles choses, nous aimons les unes, non les autres ; l’un aime l’une, l’autre, l’autre. L’amour en effet dépend de la volonté et l’on n’aime que ce que l’on veut aimer. Par exemple, un frère n’est point amoureux de sa soeur, mais un autre l’aime, ni un père de sa fille, mais un autre l’aime. La crainte et la loi suffisent à empêcher l’amour.

[11] Mais si, poursuivit-il, on faisait une loi qui interdise à ceux qui n’ont pas mangé d’avoir faim, à ceux qui n’ont pas bu d’avoir soif, d’avoir froid, l’hiver, chaud, l’été, elle ne viendrait jamais à bout de se faire obéir des hommes, parce que la nature les assujettit à ces nécessités. L’amour au contraire dépend de la volonté ; en tout cas, chacun aime selon son goût, comme on aime des vêtements ou des chaussures. »

[12] « Comment se fait-il donc, dit Cyrus, si l’amour dépend de la volonté, que l’on ne soit pas maître de cesser d’aimer, quand on le veut ? Pour moi, ajouta-t-il, j’ai vu des gens pleurer de douleur à cause de l’amour, se faire les esclaves de l’objet aimé, alors qu’avant d’aimer ils tenaient la servitude pour un grand malheur, donner beaucoup de choses dont il n’était pas de leur intérêt de se dépouiller, et souhaiter d’être délivrés de leur amour, comme d’une maladie, mais incapables de s’en défaire, liés qu’ils étaient par une puissance plus forte que des chaînes de fer. Aussi ont-ils pour l’objet aimé mille complaisances aveugles, et ils ne tentent même pas de s’enfuir, malgré leur misère, et ils surveillent la personne aimée, de peur qu’elle ne leur échappe. »

[13] Le jeune homme lui répondit : « C’est bien là ce qu’ils font ; mais ces gens-là sont des lâches. C’est sans doute pour cela qu’ils désirent toujours la mort, se croyant malheureux, et, bien qu’ils aient mille moyens de se débarrasser de la vie, ils ne s’en débarrassent pas. Ces mêmes gens essayent aussi de voler et ne s’abstiennent pas du bien d’autrui ; mais quand ils ont volé ou dérobé, tu vois que tu es le premier, parce que le vol n’est pas une nécessité, à accuser le voleur ou le ravisseur ; aussi loin de leur pardonner, tu les châties.

    Cyropédie livre V

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