Textes philosophiques

Shri Aurobindo     Darwin, la lutte pour la vie, la coopération


     «La lutte pour la vie n’est pas seulement une lutte pour survivre, c’est aussi une lutte pour la possession et la perfection, puisque ce n’est qu’en s'inspirant du milieu, dans une mesure plus ou moins grande, en s’adaptant à lui ou en l’adaptant à soi — par acceptation et accord, ou par conquête et modification — que l’on parvient à survivre ; et il est également vrai que seule une perfection toujours croissante peut assurer une permanence continue, une survivance durable...

     Mais, de même que l’esprit scientifique a voulu étendre à la Vie le principe mécanique propre à l’existence et la conscience mécanique recélée en la Matière, et n'a pas vu s’introduire un principe nouveau dont la raison d’être est justement de se soumettre le principe mécanique, de même la formule darwinienne a été employée pour étendre trop largement le principe agressif de la Vie, l’égoïsme vital de l’individu, l’instinct et le processus de conservation, d’affirmation de soi et d’agressivité dans la vie. Car ces deux premiers états de la Vie contiennent en eux-mêmes les semences d’un nouveau principe et d’un autre état qui doit s’accroitre dans la mesure où le Mental évolue à partir de la matière par la formule vitale pour entrer en sa loi propre ; et toutes choses doivent changer encore bien davantage quand le Mental évolue en montant vers le Supramental et l’Esprit — de même que la Vie évolue en montant vers le Mental. C’est précisément parce que la lutte pour la survivance, l’impulsion vers la permanence sont contredites par la loi de la mort, que la vie individuelle est contrainte et utilisée pour assurer la permanence de son espèce plutôt que la sienne propre ; et elle ne peut le faire sans la coopération d’autrui ; le principe de coopération et d'aide mutuelle, le désir d’autrui — femme, enfant, ami et appui, groupe associé — la pratique de l’association, de l’alliance et de l’échange mutuel conscients sont les semences d’où fleurit le principe d’amour. Admettons que d’abord l’amour peut n’être qu’un égoïsme élargi et que cet aspect d’égoïsme élargi peut persister et dominer, et effectivement persiste et domine encore, dans les stades supérieurs de l'évolution : cependant, à mesure que le mental évolue et se découvre lui-même davantage, il en vient, par l'expérience de la vie, de l'amour et de l’aide mutuelle, à percevoir que l’individu naturel est un terme mineur de l’être et qu’il existe par l’universel. Une fois cela découvert — et l’homme, être mental, le découvre inévitablement — sa destinée est déterminée ; car il a atteint le point où le Mental peut commencer de s’ouvrir à cette vérité qu’il y a quelque chose au-delà de lui ; à partir de ce moment, son évolution, si obscure et lente qu’elle puisse être, vers ce quelque chose de supérieur, vers l’Esprit, vers le supramental, vers la sur-humanité, est inévitablement prédéterminée".

La Vie divine, I, Albin-Michel, p. 263-264.

Indications de lecture:

Une mise au point du même genre sur le principe de coopération se trouve dans les écrits de Jane Roberts. Ce principe est en écologie plus important que celui de la sélection du plus apte. On le voit, la perspective d'Aurobindo est encore plus vaste.

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