Textes philosophiques

Roger Caillois    le règne du "on", de la masse et du commun


    "Tel qui reculerait devant un geste fatal n'hésitera pas à se garder d'un geste sauveur. C'est l'initiative qui effraie. Voici bien le caractère constant de cette morale toute de fuite et d'appréhension [...] On n'avance pas la main dans un but criminel, mais s'il ne faut pas la retirer ou, mieux encore, la maintenir immobile, la chose est faite. Tant il est plus facile de pécher par omission. Une abstention est comme insaisissable. Personne ne la remarque. On peut soi-même ne pas s'en apercevoir. Qui sait même si la mémoire s'en souviendra ? On évite jusqu'au remords. Il en est peu pour ne pas se laisser glisser sur une pente si douce.
Le climat ordinaire de la société se trouve ainsi fait de respects mesquins, de fautes incertaines, parfois de crimes invisibles. Là, des vertus compromises font bon ménage avec le souci du profit personnel. Une honnêteté relative, pourvu que les apparences restent sauves, consent à toute décision douteuse. Peu à peu, on craint davantage un scandale même salutaire qu'un désordre dissimulé. On tolère, on protège l'injustice si elle ne dérange aucune position acquise et ne trouble pas la tranquillité la plus superficielle, celle de la rue".

Instincts et société, Gonthier, 1964, p.74 sq.

Indications de lecture:

Cf. Introduction aux Sciences humaines. Analyse qui rejoint le "on" selon Heidegger ou chez Amiel.

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