Textes philosophiques

Jean Gebser             sur la logique d'Aristote et le tiers exclus


     "Un des axiomes fondateurs de la logique aristotélicienne est la phrase : «Tertium non datur», dit principe du tiers exclu. En effet, soit une chose est, soit elle n’est pas et, par conséquent, toute troisième possibilité est exclue. En fait, ce principe d’exclusion nourrit les modes de pensée qui prônent l’opposition, la dualité, la réduction du choix aux deux termes d’une alternative (ou bien… ou bien), elle joue un rôle capital dans cette évolution. L’homme rationnel a formulé quantité de jugements en noir ou blanc sur les faits ou événements les plus divers, qu’il s’agisse de la Russie, de l’Amérique ou du rideau de fer qui les séparait. Or, cette attitude est en complète opposition avec celle de l’homme mythique, qui recherchait au contraire à concilier les extrêmes, car Hadès est aussi bien Dionysos qu’Hadès lui-même. Les découvertes de la physique nucléaire ont changé la donne : il faut en partie renoncer au principe du tiers exclu cher à Aristote. A titre d’exemple – grossier, certes –, un aspect concret de la physique nucléaire. La réalité examinée n’est pas perceptible à l’œil nu, mais on peut cependant en constater l’existence : on ne peut plus dire, aujourd’hui, qu’un atome ou une particule élémentaire est soit un corpuscule, soit une onde. Dire cela équivaut à reconnaître que la réalité n’est pas uniquement structurée selon le principe d’opposition des contraires, mais qu’il y a aussi place pour la coexistence d’éléments opposés, puisque la physique nucléaire a établi que la matière peut être simultanément onde et corpuscule, une simultanéité que l’homme ne peut percevoir. Pas plus d’ailleurs qu’il n’est capable de voir simultanément les deux faces d’une pièce de monnaie. Einstein, puis Eddington l’ont découvert: l’onde ou le corpuscule ne sont que des formes différentes d’une même réalité. Au premier abord, cette explication revêt un caractère mythique, pourtant elle se distingue essentiellement de l’ordre mythique parce que l’homme mythique n’est conscient ni de la portée d’une explication, ni de la nature scientifique et philosophique du phénomène".

L'image de l'homme et la conscience, conférence de 1965, p. 15.

Indications de lecture :

Voir Ken Wilber qui situe Gebser dans la philosophie intégraliste, de même que S. Aurobindo. Gebser est quasiment inconnu des lecteurs français.

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