Textes philosophiques

René Guénon   le rationalisme remonte à Descartes


   "Le rationalisme proprement dit remonte à Descartes, et il est à noter qu’il se trouve ainsi, dès son origine, associé directement à l’idée d’une physique « mécaniste » ; le Protestantisme lui avait d’ailleurs préparé la voie, en introduisant dans la religion, avec le « libre examen », une sorte de rationalisme, bien qu’alors le mot n’existât pas encore, n’ayant été inventé que lorsque la même tendance s’affirma plus explicitement dans le domaine philosophique. Le rationalisme sous toutes ses formes se définit essentiellement par la croyance à la suprématie de la raison, proclamée comme un véritable « dogme », et impliquant la négation de tout ce qui est d’ordre supra-individuel, notamment de l’intuition intellectuelle pure, ce qui entraîne logiquement l’exclusion de toute connaissance métaphysique véritable ; la même négation a aussi pour conséquence, dans un autre ordre, le rejet de toute autorité spirituelle, celle-ci étant nécessairement de source « supra-humaine » ; rationalisme et individualisme sont donc si étroitement solidaires que, en fait, ils se confondent le plus souvent, sauf pourtant dans le cas de quelques théories philosophiques récentes qui, pour n’être pas rationalistes, n’en sont cependant pas moins exclusivement individualistes. Nous pouvons remarquer dès maintenant combien ce rationalisme s’accorde avec la tendance moderne à la simplification : celle-ci, qui naturellement procède toujours par réduction des choses à leurs éléments les plus inférieurs, s’affirme [125] en effet avant tout par la suppression de tout le domaine supra-individuel, en attendant qu’elle en arrive plus tard à vouloir ramener ce qui reste, c’est-à-dire tout ce qui est d’ordre individuel, à la seule modalité sensible ou corporelle, et finalement celle-ci à un simple agrégat de déterminations quantitatives ; on voit sans peine comment tout cela s’enchaîne rigoureusement, constituant comme autant d’étapes nécessaires d’une même « dégradation » des conceptions que l’homme se fait de lui-même et du monde.
Il y a encore un autre genre de simplification qui est inhérent au rationalisme cartésien, et qui se manifeste tout d’abord par la réduction de la nature tout entière de l’esprit à la « pensée » et de celle du corps à l’« étendue » ; sous ce dernier rapport, c’est d’ailleurs là, comme nous l’avons déjà vu, le fondement même de la physique « mécaniste » et, pourrait-on dire, le point de départ de l’idée d’une science toute quantitative".

Le règne de la quantité et les signes des temps , Gallimard point, p. 124 sq.

Indications de lecture:

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