Textes philosophiques

Georges Gusdorf   le paradigme mécaniste


    "L'atelier, le laboratoire deviennent peu à peu les hauts lieux d'une vérité poursuivie dans le détail de questions précises, qui sont bien près d'être résolues si elles ont été formulées correctement. Le sens de la liberté, échappant ainsi à la contemplation mystique aussi bien qu'à l'individualisme effréné des renaissants, doit être recherché dans la jonction entre la théorie et la pratique, la pratique du technicien venant en quelque sorte faire la preuve de la théorie.
Le mécanisme se résume ainsi dans la double thèse que la vérité s'exprime sous la forme mathématique, - et que les mathématiques, grâce à la médiation technique, sont efficaces. Le mécanisme est donc un artificialisme, une technocratie avant la lettre, qui annonce le règne futur de l'ingénieur. [164] Descartes affirmait que la métaphysique ne devait occuper un homme que quelques heures en sa vie ; la prise de conscience des exigences fondamentales de la vérité ne demande pas longtemps. L'essentiel, à quoi le sage des temps nouveaux doit consacrer sa vie, ce seront les applications techniques, les découvertes multiples qui s'offrent au chercheur, et qui rendront l'homme « maître et possesseur de la nature ». Selon Descartes, en effet, « toutes les règles des mécaniques appartiennent aussi à la physique, en sorte que toutes les choses qui sont artificielles sont avec cela naturelles ». Cette formule est en quelque sorte l'acte de naissance de la physique en tant que telle ; la physique d'Aristote est toute métaphysique ; la physique moderne sera mathématique et, bientôt, expérimentale.
     Encore est-il nécessaire de préciser qu'au début du XVIIe siècle, cette attitude implique un parti pris à l'égard du réel, que l'expérience ne justifie pas entièrement. Il y avait eu sans doute les premières réussites de Copernic et de Kepler, les travaux de Galilée, mais le mécanisme en tant que vue d'ensemble sur la réalité s'est constitué grâce à une extrapolation des résultats acquis, dont la validité, indéfiniment élargie, s'étend en droit à la totalité du monde. Celui-ci, au regard du philosophe et du savant, prend l'aspect d'une gigantesque machine, d'un ordre de complication supérieur, mise au point par un Dieu qui est déjà le Dieu horloger de Voltaire. S'autorisant de ce postulat, l'homme pourra de mieux en mieux déchiffrer les secrets de fabrication du maître-d'œuvre divin".

Signification humaine de la liberté. p. 66.

Indications de lecture:

Voir pour plus de précisions les textes de Sheldrake, Capra.

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