Textes philosophiques

Georges Gusdorf   l'influence du paradigme mécaniste sur l'idée de l'iberté en Occident


    "L'intuition fondamentale du mécanisme va reporter le domaine de référence de la conscience de liberté du domaine éthique et esthétique au domaine technique. L'homme libre par excellence, ce ne sera plus l'artiste ou le moraliste, ce sera l'inventeur de nouveaux dispositifs pour l'agencement de la conduite humaine selon les normes qui prévalent dans l'ordre des choses. À vrai dire, cette intuition est bien antérieure au XVIIe siècle ; elle est liée, dès la fin du Moyen Âge, aux progrès de l'horlogerie et à l'apparition des montres, ainsi qu'à la mise au point des premiers automates occidentaux. Ces perfectionnements techniques, et tout particulièrement celui de la chronométrie, devaient bouleverser, à plus longue échéance, la civilisation européenne. Mais il semble que, d'emblée, la réflexion des hommes ait été atteinte par le biais de l'imagination. En 1475, l'astronome allemand Regiomontanus se rend à Rome ; il a emmené avec lui un technicien habile, qui doit construire les appareils d'observation dont il a besoin. Un texte curieux de Marsile Ficin atteste l'impression produite sur un humaniste platonisant par les premières réalisations de la mécanique. « Nous avons vu à Florence un « tabernacle » dû à un artisan allemand, où des figures d'animaux, rendues par un système d'équilibre solidaires d'une seule boule, se mouvaient diversement en fonction de celle-ci ; les unes couraient à gauche, les autres à droite, vers le haut ou vers le bas, d'autres se levaient, se baissaient, certaines en entouraient d'autres, certaines encore en frappaient d'autres. On entendait sonner des trompettes et des cors, chanter des oiseaux et autres phénomènes analogues qui se produisaient en grand nombre, au seul mouvement de cette seule boule. C'est ainsi que Dieu, par son être même (qui s'identifie en fait à son intelligence et à sa volonté), centre infiniment simple d'où (...) tout procède comme un jeu de lignes, imprime au moindre mouvement une vibration à tout ce qui dépend de lui .

Signification humaine de la liberté. p. 165.

Indications de lecture:

Voir pour plus de précisions les textes de Sheldrake, Capra.

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