Textes philosophiques

Georges Gusdorf   le mécanisme intégral aboutit au matérialisme


    " Le mécanisme intégral, allié à l'empirisme, aboutissent en effet assez directement au matérialisme dans la mesure où c'est l'action matérielle qui, susceptible d'observation précise, et même d'expérimentation, capable de revêtir parfois les formes de l'expression mathématique, s'impose comme le prototype de l'explication véritable. Si Locke et Hume se contentent d'interpréter les phénomènes psychiques en fonction d'autres phénomènes psychiques, les matérialistes, pour [194] parvenir à des vues d'ensemble de la réalité humaine, entreprennent de réinsérer les événements de conscience dans le devenir organique. Le matérialisme biologique déjà esquissé par Hobbes et Descartes, reprend vigueur au XVIIIe siècle. Il apparaît désormais que l'homme fait partie de la série animale. La découverte des grands singes anthropoïdes impose l'idée du rattachement de l'anthropologie à la zoologie par le biais de l'anatomie comparée.
       C'est ainsi qu'un recueil des oeuvres de Lamettrie, publié à Londres en 1751, peut à bon droit s'appeler : Mémoires pour servir à l'histoire naturelle de l'homme. L'auteur de l'Homme machine n'hésitait pas à tirer les conséquences de cette réintégration de l'homme dans la série animale. « Des animaux à l'homme, écrivait-il, la transition n'est pas violente ; les vrais philosophes en conviendront ... » La nature de l'homme n'est pas spécifiquement différente de la nature animale ; elle suppose un certain nombre de conditions au départ de l'existence, qui présideront au développement ultérieur : « l'organisation est le premier mérite de l'homme ; c'est en vain que tous les auteurs de morale ne mettent point au rang des qualités estimables celles qu'on tient de la nature »... Mais Lamettrie admet, comme d'Holbach et Diderot, le principe d'une évolution biologique ; la nature se développe, en obéissant aux lois immanentes qui orientent son devenir. C'est même ce dynamisme qui permet à l'homme, assez mal doté en capacités instinctives originaires, de sortir du rang de la série animale et d'acquérir la prépondérance qu'il détient en fait. Cette promotion de l'espèce humaine n'est possible que grâce à l'action réfléchie que l'homme est capable d'exercer sur lui-même. «

Signification humaine de la liberté. p. 193 sq.

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