Textes philosophiques


Axel Kahn        la controverse de Valladolid


   En 1492, Christophe Colomb débarque à Hispaniola (Haïti et Saint-Domingue), une île alors peuplée de trois millions de Taïnos. Ceux-ci sont d'abord décrits, en particulier par Bartolomé de Las Casas, comme des êtres pratiquant, certes, les sacrifices humains, comme presque partout dans l'Amérique précolombienne, mais, sinon, paisibles et aux riches traditions culturelles. Trois ans après la découverte de l'île, il ne reste déjà plus qu’un million d'indiens. Soixante ans après, :1s ne seront plus que deux cents, qui disparaîtront rapidement[1].
    Ce ne sont pas seulement les épidémies qui les tuent, comme on l'avance trop souvent. Tous les ingrédients du racisme tel qu'il s'est manifesté, y Compris dans
univers concentrationnaire, sont ici réunis. Les Indiens -ont parqués, mis au travail forcé, les enfants sont tués, es femmes enceintes sont éventrées. Les massacres collectifs répondent à des velléités de révolte. Dans cette misère extrême, les femmes n'ont plus d’enfants, voire pour échapper à leur malheur, se suicident en masse.
     Les Indiens ne sont pas encore assimilés à une "race » (ce mot est alors surtout employé dans le sens de lignage) ; on les massacre cependant, sans justification " particulière et, à quelques exceptions près, en toute bonne_ne conscience. À partir de 1519. et surtout en 1550, d'âpres débats théologiques opposent Bartolomé de Las Casas. qui est entre-temps devenu dominicain, à différents autres ecclésiastiques. La confrontation la plus connue est la « controverse de Valladolid », en 1550, sert Las Casas et Juan Ginés de Sepulveda. La discussion renvoie, des siècles après, à Aristote, à sa conception que certains hommes sont des « choses animées », des esclaves par nature, et à sa contestation par saint Paul, selon lequel tous les hommes peuvent recevoir, sans distinction, le message messianique.
     En présence de Charles Quint et de quatorze prélats, la « discussion » acharnée arrive à la conclusion, acquise de justesse, que les Indiens ne sont pas de nature différente des autres Hommes. On continue mal gré cela à les massacrer, et l'Amérique, qui comptai quatre vingts millions d'aborigènes aux temps préc lombiens, ne compte plus que huit millions d’habitants quatre-vingts ans après sa « découverte » par Chri tophe Colomb et sa conquête par les Espagnols.Par la suite, les Indiens ayant été massacrés et décimés par les maladies, apportées avec eux par les conquérants européens (variole, rougeole, tubcrculos etc.), se pose le problème de la main-d’œuvre dans colonies américaines. Cette question devient crucial lorsque s’y développe la culture de la canne à sucre conduisant le Portugal, puis la France et l’Angleterre développer le commerce trilatéral et la traite des Noirs les navires quittent l'Europe avec des objets de troc qu’ils utilisent pour acheter des esclaves aux trafiquai! de « bois d’ébène » de la côte africaine. Chargés d’esclaves, dont beaucoup meurent en route, les navigues voguent vers les plantations de canne à sucre des Antilles et d’Amérique et, ayant échangé leur cargaison contre la précieuse matière première, s’en reviennent Europe pour la vendre".

Et l'homme dans tout ça? , pocket, p. 49 sq.

Indications de lecture :

    [1] M. A. Garcia Arevaldo. « Les Taïnos. les Indiens de Colomb», in Jacques Kerchache, L'Art Taïno, Paris-Musées, 1994.

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