Textes philosophiques

René Rémond     la notion d'autorité


    «La notion d’autorité est très ancienne. L’étymologie l’atteste: le mot qui nous vient du latin, auctoritas, témoigne que le concept existait déjà dans l’Antiquité. L’idée et le mot nous ont été légués par Rome avec la notion d’État. Mais, si le concept a pris dans la tradition juridique romaine un sens précis et un contenu spécifique, la chose et l’idée ne sont pas propres à Rome. Avant d’être une notion, l’autorité a été une réalité, un fait social dans toutes les sociétés. C’est une donnée apparemment universelle. Elle répond à la conviction – fondée ou non, c’est une question et on y reviendra – qu’aucun groupement humain, si petit qu’il soit, de la famille à la société la plus vaste et la plus complexe, ne peut se passer d’autorité: elle est indispensable pour maintenir la cohésion du groupe, pour imposer aux volontés individuelles le respect d’un intérêt présumé supérieur ; autrement ce serait la dissolution du groupe, la perte de la liberté collective, dès lors assujettie à une domination extérieure. L’admission de l’autorité comme une nécessité, un impératif catégorique, s’accompagne – est-ce inévitable? C’est une deuxième question – d’un autre postulat: l’autorité, ne pouvant être le fait de tous, implique un partage et une séparation tranchée entre un petit nombre appelé à détenir l’autorité et à l’exercer et tous les autres, voués à l’obéissance, sauf à être rejetés par le groupe. Aussi la notion d’autorité est-elle ordinairement associée à celle de hiérarchie et d’inégalité: il en est pour commander et d’autres dont le lot est d’obéir. Dans ces conditions, comment s’étonner que la notion d’autorité ne fasse pas naturellement bon ménage avec les valeurs proclamées et instaurées par la démocratie et qu’elle inspire aux démocrates moins de sympathie que de répugnance et d’inquiétude? L’idée même d’autorité, avec pour conséquence qu’une minorité doive l’exercer dans l’intérêt du groupe et subsidiairement aussi de celui des individus qui le composent, n’est pourtant pas nécessairement en contradiction avec la conception et la pratique de la démocratie. Les détenteurs de l’autorité peuvent ne pas être toujours les mêmes: s’ils se renouvellent à des rythmes rapprochés, surtout s’ils tiennent leur pouvoir du choix par tous, si donc ils l’exercent par délégation, l’autorité trouve son fondement et son principe dans la référence à la démocratie.»

 La société française et l'autorité, no 112, Figures de l'autorité, mars 1998, VEI Enjeux -Migrants formation

Indications de lecture:

voir la leçon L'autorité.

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