Textes philosophiques

  Paul Virilio   Sédentarité et nomadisme


    Selon un rapport publié en 2007 par l'ONG britannique Christian Aid, on estime à prés d'un milliard le nombre des futurs migrants de l'environnement. D'après ce document, 645 millions de personnes devraient, d'ici à une quarantaine d'années, se déplacer à cause des grands projets - l'exploitation minière intensive ou la construction de barrages hydro­-électriques -, 250 millions en raison de phénomènes de réchauffement climatique, d'inondation ou de submersion du sol littoral, et enfin 50 millions au moins pour fuir les conflits engendrés par ces bouleversements catastrophiques du repeuplement démographique de la planète. Devant cette crise migratoire sans précédent, incomparablement plus grave que l'immigration de l'âge industriel, et que certains dénomment 1'offensive migratoire du IIIe millénaire, la question de l'urbanisation du monde contemporain se trouve posée en des termes qui remettent en cause la distinction classique entre SÉDENTARITÉ et NOMADISME. En effet, après l'ère multiséculaire du stationnement durable dans les quartiers d'un cadastre urbain qui devait, dans l'Antiquité, introduire le «Droit de Cité» de la localisation politique et, enfin, «l'État de Droit» des nations, c'est l'ère de la circulation habitable qui débute avec cette délocalisation trans-politique remettant en question la GÉOPOLITIQUE du peuplement de l'âge de la globalisation. Et cela à l'instant précis où grâce aux télé-technologies de l'information, le sédentaire demeure partout chez lui et le nomade nulle part, en dehors de 1'hébergement provisoire d'une transhumance désormais sans but, non seulement entre les divers pays mais au sein d'une même patrie d'un territoire où les camps de réfugiés …non pas aux BIDONVILLES de naguère, mais aux VILLES mégalopole des exclus de tous bords venant concurrencer celle, bien réelle, des inclus de L'OUTRE VILLE. L'exotisme du malheur venant ainsi à la rencontre de celui du bonheur touristique, on imagine aisément l'ampleur du télescopage de ces populations désarrimées de leur urbanité, comme hier le leur ruralité coutumière, et l'accident d'une circulation devenue globale et non plus locale, comme jadis, à l'époque des grandes invasions. Autorisés à voyager depuis 1997, les Chinois étaient l'an dernier 57 millions à quitter leur pays. Après les Jeux olympiques de 2008, gageons qu'ils seront peut-être 70 millions de touristes... Observons, à ce propos, qu'il existe depuis longtemps en Chine une population f:lottante de près de 100 millions de paysans démunis qui errent à la recherche l'un emploi et échouent le plus souvent dans les grandes gares du pays, comme l'indiquent Chen Guidi et Wu Chuntao .

 

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