Textes philosophiques

 Paul Gosselin    le mythe du scientifique idéal


   "La mythologie moderne présente le scientifique comme un être neutre, objectif. Il est un dévot du savoir empirique et, dans ses travaux, il évalue toutes les hypothèses possibles, sans parti pris. Somme toute, il est un être spirituel, au-dessus des passions communes. Selon la meilleure tradition médiévale, il est un ascète. Comme le stylite, assis au sommet de sa colonne, il regarde, de toute sa hauteur, la vie humaine. Il est apôtre de la Raison, celui qui apporte la lumière, celui qui sait. Il est le destructeur d’idoles, de tabous et de superstitions. Il est le chaman, le gourou qui conduit au salut, c’est-à-dire au savoir, à la gnose, au progrès. C’est l’essence du discours moderne à l’égard de l’homme de science. ... La réalité est parfois autre. Les positivistes ont affirmé autrefois que la science doit être libre de tout présupposé métaphysique, mais cela exige d’y exclure aussi le présupposé métaphysique qui affirme que la science doit être libre de tout présupposé métaphysique. Il y a là un piège conceptuel intéressant.
       Le physicien Frank Tipler a fait une étude (2003) sur le processus de la révision par les pairs dans les journaux scientifiques. Ce processus entre en action lorsqu’un scientifique soumet un article rapportant de résultats de recherche ou une note exprimant un point de vue dans une revue scientifique. L’objectif du processus est d’abord d’éliminer les erreurs techniques ou méthodologiques, le plagiat ainsi que la duplication de rapports d’expériences déjà produits par d’autres scientifiques. Tipler relate un fait peu connu, que les trois essais majeurs d’Albert Einstein publiés en 1905 (dont l’un lui mérita un prix Nobel), ne furent pas soumis au processus de la révision par les pairs. À l’époque, presque tous les articles soumis étaient publiés. Mais depuis, les choses ont changé"..."

     Tout cela se déroule dans un contexte régi par le principe très darwinien publish or perish. Le système est développé à un point tel, que dans certains milieux, les chercheurs se voient attribuer une cote établie en fonction de leur productivité sur le plan de la recherche et des publications. De cette cote peut dépendre la superficie de leur bureau, leur budget de recherche, voire l’existence de leur poste… Mais la compétition entre chercheurs scientifiques ne touche pas seulement l’espace disponible dans les publications de recherche prestigieuses ou l’accès aux fonds de recherche. La compétition entre écoles de pensée intervient aussi dans ce processus.

La fuite de l'absolu, éditions Samizdat.

Indications de lecture:

Voir dans le même ordre d'idée Pierre Thuilier.

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