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Stéphane Lupasco      la logique était fondée sur A ou non-A


    «Et votre logique réussit à expliquer comment cela se fait…
S.L. : Jusqu’à mes travaux, la logique était fondée sur A ou non-A; il n’y eut jamais de logique qui disait A et non-A. On a vu des tentatives dans les logiques de l’école de Varsovie; ainsi Tarski et d’autres ont introduit un troisième terme, mais c’est un autre problème qu’on ne peut pas aborder ici. Mais ils n’ont pas été jusqu’au fond; ils ont considéré que ce troisième terme est « ni A ni non-A »; c’est un tour de passe-passe, car ils avaient de la difficulté à accepter, précisément, le contradictoire.
Donc j’ai créé une logique à trois termes qui tient compte des phénomènes énergétiques. C’est la logique-même de l’énergie. Le premier terme de ma logique est notre logique classique sur laquelle nous vivons encore et où nous avons une actualisation de l’identité, du non contradictoire. Mais cette actualisation n’est pas rigoureuse. A est actualisé et non-A est potentialisé sans qu’il soit réduit complètement.
Le deuxième terme est une logique inverse, où s’actualise progressivement le non-A, c’est-à-dire l’hétérogène et se potentialise l’homogène : c’est la matière vivante.
Nous avons enfin un troisième terme où nous assistons à une semi-potentialisation et une semi-actualisation de deux termes contradictoires et antagonistes c’est le psychique et le microphysique à la fois.
D’où est venue la potentialisation ? Car si on regarde l’histoire, on trouve que la conscience…
S.L : Je vous arrête, j’ai compris votre question. Le deuxième principe de la thermodynamique dit que l’entropie d’un système isolé augmente progressivement, autrement dit nous assistons à une actualisation progressive de l’homogénéité et à une potentialisation de l’hétérogénéité. Ce deuxième principe a été élaboré à partir de l’étude des phénomènes calorifiques. Mais pour qu’il y ait entropie, c’est-à-dire actualisation progressive de l’homogène et de l’identique, il faut tout de même qu’initialement cette homogénéité ait été dans un état potentiel et qui s’actualise, sinon il n’y aurait pas d’entropie progressive. On trouve donc dans la physique classique elle-même un passage de l’état potentiel à une actualisation progressive de l’énergie par l’entropie, si bien que, comme le disaient les physiciens de l’époque, en vertu du deuxième principe de la thermodynamique, l’univers lui-même se meurt car l’énergie, sous toutes ses formes allait vers une homogénéisation totale.
Je voulais aussi dire par ma question, que si l’on prend votre logique en compte, il faudra en déduire que les trois matières macrophysique, biologique, psychique ou microphysique, existaient de tout temps. Comment peut-on imaginer un psychisme avant l’apparition des êtres vivants ?
S.L. : Eh bien, tout d’abord une logique est une logique. Elle se suffit à elle-même. Quand on crée une logique, elle peut être constatée après ou non, exactement comme en physique, par exemple, où des hypothèses sont émises pour être ensuite infirmées ou confirmées. Donc ma logique généralisée est une logique autosuffisante en tant que logique; par la suite, on peut vérifier si elle est valable ou non.
Oui bien sûr. Mais on peut, à juste titre, poser cette question puisque votre logique postule la coexistence de ces trois matières, même avant l’apparition des êtres vivants.
S.L. : Oui, elle existait. Mais elle était inobservable. Les êtres vivants sont là avant ma logique que j’ai appliquée aux systèmes vivants; donc même s’il n’y avait pas d’êtres vivants, elle aurait continué à avoir une valeur en tant que logique. Donc au départ, le problème qu’il y ait des phénomènes qui viennent la justifier ou non ne se pose pas. C’est par la suite que l’on peut en faire le constat.
Vous différenciez donc votre logique d’un fait expérimental, et vous dites qu’une logique se suffit à elle-même si elle est cohérente, mais qu’après, elle peut être vérifiée par l’expérience ou non…
S.L. : Exactement. Et il se trouve qu’elle est vérifiée. Mais ma démarche n’a pas consisté à créer d’abord une logique et puis à l’appliquer aux faits. Je suis parti de l’expérience, des faits, et j’ai constaté par induction ce que j’ai décrit sur les trois matières. Mais par la suite, je peux dire que je pouvais, en effet, créer et élaborer cette logique et puis la vérifier par les faits.


Extrait d’un entretien réalisé le 14 février 1987

Indications de lecture:

Voir Basarab Nicolescu. Stéphane Lupasco - L'homme et l'œuvre, Le Rocher, Monaco, 1999, en collaboration avec Horia Bădescu.

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