Textes philosophiques

Max Plank   une mesure ne suffit pas à nous renseigner sur l'image d ela réalité


      L'austère recherche de la science ne peut progresser que par le libre jeu de l’imagination. Qui ne peut, à l’occasion, ne serait-ce qu’une fois, concevoir des choses apparemment contraires à la loi causale, jamais n’enrichira la science d’une idée nouvelle. (...)

      La manifestation des phénomènes énergétiques, s’effectuant par sauts ou paliers, est essentiellement discontinue. (...) Par une interprétation assez libre, l’idée d’Aristote a été résumée dans l’adage « la nature ne fait pas de bonds » (...) Selon toute apparence, son règne est compté. La nature semble en effet effectuer des bonds et cela de façon singulière. (...) L’hypothèse des quanta conduit à admettre qu’il y a dans la nature des phénomènes n’ayant pas lieu d’une manière continue mais brusquement et, pour ainsi dire, explosivement. (...)

     Voici un atome d’uranium qui est resté absolument passif et invariable au milieu des atomes de la même espèce qui l’entourent pendant d’innombrables millions d’années ; tout à coup, sans aucune cause extérieure, dans un intervalle de temps dont la brièveté défie toute mesure, cet atome explose avec une violence auprès de laquelle la brisance de nos explosifs les plus formidables n’est qu’un jeu d’enfant. Ajoutez à cela qu’il en va de même pour un volcan éteint depuis des millions d’années, une espèce invariable depuis des millions d’années, une étoile stable depuis des millions d’années, etc… (...)

     Les postulats primitivement considérés comme la base évidente de toute théorie sérieuse furent remis en question plus tard (...) : le postulat de l’invariabilité des atomes, celui de l’indépendance réciproque du temps et de l’espace et celui de la continuité de toutes les actions dynamiques. (...) Il n’y a plus maintenant, sur le terrain scientifique, pour ainsi dire, aucun principe dont la validité n’ait été mise en doute (...). De la logique, telle que nous la voyons mise en œuvre sous la forme la plus pure, dans les mathématiques, nous ne saurions attendre aucun secours. (...) Ainsi donc, la physique considérée par la génération précédente comme une des plus vieilles et des plus solidement assises parmi les connaissances humaines, est entrée dans une période d’agitation révolutionnaire qui promet d’être une des plus intéressantes de son histoire. (...)

     Nous pourrions voir certaines idées aujourd’hui vieillies et tombées dans l’oubli, retrouver une importance nouvelle. Pour cette raison, il serait souhaitable que les idées et les intuitions de nos grands philosophes fussent étudiées avec attention. Le temps où la philosophie et les sciences positives se considéraient comme étrangères l’une à l’autre et se regardaient mutuellement avec méfiance doivent être considérés comme révolus. (...)

     A vrai dire, on pourrait objecter ici préalablement qu’un problème de philosophie ne saurait être résolu par les sciences particulières ; que la philosophie traite précisément les questions concernant les principes et les conditions d’existence des sciences particulières ; que l’activité de la philosophie doit ainsi précéder, dans tous les cas, celle de la science et que si les sciences particulières entreprenaient de dire leur mot sur les questions de philosophie générale, ce serait empiéter d’une façon illicite sur le domaine philosophique. Quiconque juge de la sorte méconnait à mon avis l’importance du travail que la science et la philosophie opèrent ensemble. Tout d’abord, il y a lieu de considérer que le point de départ et les moyens d’investigation sont, au fond, tout à fait les mêmes dans les deux domaines. Le philosophe, en effet, ne travaille nullement avec une espèce particulière d’intelligence. A certains égards même le savant lui est de beaucoup supérieur, car il dispose, dans son domaine spécial, d’un matériel de faits beaucoup plus riche, rassemblé par observation ou expérimentation et passé systématiquement au crible. En revanche, la philosophie a de meilleurs yeux pour contempler les ensembles universels qui n’intéressent pas immédiatement le savant et que, par suite, ce dernier omet plus aisément d’observer. (...) La science admet l’existence d’un monde extérieur subsistant en soi (indépendamment de l’observateur humain NDLR) et, tout aussitôt, elle y rattache la question de la causalité, c’est-à-dire des lois qui régissent tout ce qui se passe dans l’univers, en tant que concept tout à fait indépendant de nos perceptions sensibles ; et elle se fait un devoir de rechercher si, et jusqu’à quel point, la loi de causalité est applicable dans la nature et dans le monde de l’esprit aux divers faits qui s’y produisent. (...)

     S’il est vrai que la structure du monde de la physique s’éloigne toujours plus du monde des sens pour se rapprocher du monde réel inconnaissable par principe, il est évident que l’image du monde proposée par la physique doit être purifiée dans une mesure croissante de ses éléments anthropomorphiques. (….)      Dans l’acoustique, l’optique, la thermodynamique modernes, les impressions sensorielles sont tout simplement éliminées. (...) Une mesure, prise en elle-même, est incapable de nous renseigner, tant sur l’image représentative physique de l’univers que sur le monde réel (...) Nous ne connaissons, de façon immédiate, le sens d’aucune mesure. (...)

      Dès lors que toute mesure est inévitablement liée avec une intervention causale, plus ou moins notable, dans le phénomène à mesurer, il est, par principe, absolument impossible de séparer complètement les lois des phénomènes physiques des méthodes par lesquelles on les mesure. (...) La recherche expérimentale et la recherche théorique sont donc inséparablement unies l’une à l’autre et aucun progrès de l’une n’est concevable sans un progrès correspondant de l’autre. (...) Le progrès de la physique n’est pas une évolution continue au cours de laquelle nos connaissances s’approfondiraient et s’affineraient peu à peu ; il a au contraire un caractère discontinu et, en quelque sorte, explosif. L’apparition de chaque hypothèse nouvelle provoque comme une éruption subite ; elle est un saut dans l’inconnu, inexplicable logiquement. (...) Contrairement à ce que l’on soutient volontiers dans certains milieux de physiciens, il n’est pas exact que l’on ne puisse utiliser, pour l’élaboration d’une hypothèse que des notions dont le sens puisse, a priori, être défini par des mesures, c’est-à-dire indépendamment de toute théorie. (...)

      Une mesure ne reçoit, au contraire, son sens physique qu’en vertu d’une interprétation qui est le fait de la théorie. (...) Jamais des mesures ne pourront confirmer ni infirmer directement une hypothèse, elles pourront seulement en faire ressortir la convenance plus ou moins grande. (...)  tel est le point où les résultats des mesures doivent être complétés par la spéculation libre. "

Initiations à la physique

Indications de lecture:

     

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