Textes philosophiques

J.J. Rousseau      la pitié est naturelle au coeur de l'homme


       « La pitié bien que naturelle au cœur de l'homme resterait éternellement inactive sans l'imagination qui la met en jeu. [...] Comment imaginerai-je des maux dont je n'ai nulle idée ? Comment souffrirai-je en voyant souffrir un autre si je ne sais même pas qu'il souffre, si j'ignore ce qu'il y a de commun entre lui et moi ? Celui qui n'a jamais réfléchi ne peut être ni clément ni juste ni pitoyable ; il ne peut pas non plus être méchant et vindicatif. Celui qui n'imagine rien ne sent que lui-même ; il est seul au milieu du genre humain.

Essai sur l'origine des langues, Paris, Gallimard, Folio, 1990, p. 92.

        "De cette seule qualité [la pitié], découlent toutes les vertus sociales [...]. En effet, qu'est-ce que la générosité, la clémence, l'humanité, sinon la pitié appliquée aux faibles, aux coupables, ou à l'espèce humaine en général ? La bienveillance et l'amitié même sont, à le bien prendre, des productions d'une pitié constante, fixée sur un objet particulier : car désirer que quelqu'un ne souffre point, qu'est-ce autre chose que désirer qu'il soit heureux ?"

Discours sur l'inégalité, p. 155.

La pitié est un sentiment naturel, qui modérant dans chaque individu l'activité de l'amour de soi-même, concourt à la conservation mutuelle de toute l'espèce. C'est elle qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir ; c'est elle qui, dans l'état de nature, tient lieu de lois, de mœurs et de vertu, avec cet avantage que nul n'est tenté de désobéir à sa douce voix ; c'est elle qui détournera tout sauvage robuste d'enlever à un faible enfant, ou à un vieillard infirme, sa subsistance acquise avec peine, si lui-même espère pouvoir trouver la sienne ailleurs ; c'est elle qui, au lieu de cette maxime sublime de justice raisonnée : Fais à autrui comme tu veux qu'on te fasse, inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle bien moins parfaite, mais plus utile peut-être que la précédente : Fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible. C'est, en un mot, dans ce sentiment naturel, plutôt que dans des arguments subtils, qu'il faut chercher la cause de la répugnance que tout homme éprouverait à mal faire, même indépendamment des maximes de l'éducation.

 Discours sur l'inégalité

Indications de lecture :

   

A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z.


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