Textes philosophiques

Trinh Xuan Thuan    Le scientifique et les relations humaines


    " L’histoire des sciences abonde en exemples de grands esprits scientifiques dont le comportement s’est avéré beaucoup moins édifiant dans le domaine des relations humaines. C’est le cas, par exemple, de Newton qui est sans doute, avec Einstein, le plus grand physicien qui ait jamais vécu. Il a régné en despote sur la Société royale de Londres, a accusé à tort Leibniz de lui avoir volé son invention du calcul infinitésimal, alors que celui-ci l’avait conçu de manière indépendante, et il a traité de façon éhontée son rival, l’astronome royal John Flamsteed. Plus triste encore : les physiciens allemands Philipp Lenard et Johannes Stark, tous deux prix Nobel de physique, ont soutenu avec passion le nazisme et sa politique antisémite, proclamant la supériorité de la « science allemande » sur la « science juive ». De temps en temps, trop rarement malheureusement, une personne allie le génie scientifique à un sens aigu de la morale et de l’éthique.

       C’est le cas d’Einstein, que le magazine américain Time a désigné comme la personnalité la plus remarquable du XXe siècle. Pendant la Première Guerre mondiale, Einstein n’a pas hésité à braver la colère du Kaiser en signant une pétition contre la guerre. Face à la montée du nazisme en Allemagne, il est devenu un ardent sioniste tout en soulevant le problème des droits des Arabes dans la conception de l’État juif. Émigré aux États-Unis, en dépit de convictions profondément pacifistes, il a prôné une action militaire contre Hitler. Ce fut sa lettre au président Roosevelt qui a été à l’origine du projet Manhattan consacré à la fabrication de la première bombe atomique : il fallait battre Hitler de vitesse. Après la dévastation d’Hiroshima et de Nagasaki, Einstein a milité avec vigueur pour l’interdiction des armements nucléaires. Il s’est élevé contre le maccarthysme et a utilisé son immense prestige pour attaquer toute forme de fanatisme et de racisme. Mais il y a également des zones d’ombre dans la vie personnelle d’Einstein : père de famille indifférent et mari parfois volage, il a divorcé de sa première femme avec laquelle il avait eu une fille handicapée qu’il a délaissée. On observe une sorte de cassure sur le plan personnel, comme il le décrit lui-même : « Pour un homme dans mon genre, il se produit un tournant décisif dans son évolution lorsqu’il cesse graduellement de s’intéresser exclusivement à ce qui n’est que personnel et momentané pour consacrer tous ses efforts à l’appréhension intellectuelle des choses. »

L'infini dans la paume de la main . p. 20 sq.

Indications de lecture :

Voir la leçon science et philosophie.


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