Textes philosophiques

Eckhart Tolle      la moitié du tout


Q. Pouvez-vous expliquer pourquoi nous sommes seulement la moitié du tout ?
Dans votre livre, vous dites : « Vous n’êtes que la moitié du tout et les femmes ne peuvent pas être complètes sans un homme » – je n’ai pas dit ça, mais bon ! Pouvez-vous préciser ? Je suis célibataire et sans mon autre moitié, peut-être suis-je condamnée à une demi-vie !

     R.D’abord, la citation n’est pas très exacte. J’ai dit que vous n’étiez que la moitié du tout, mais je n’ai pas dit que les femmes ne pouvaient pas être complètes sans un homme. J’ai dit, puisqu’au niveau de la forme, vous n’êtes que la moitié du tout, que vous aviez besoin de l’autre polarité dans votre vie. C’est vrai pour les hommes comme pour les femmes. Soit dit en passant, l’autre polarité n’est pas forcément dans la forme physique de l’autre polarité. Vous pouvez aussi trouver l’autre polarité dans une même forme physique qui peut toujours représenter l’autre polarité.
     Donc, ce que je dis c’est qu’au niveau de la forme, de la forme physique, vous n’êtes pas complète, parce que le monde est partagé entre des formes masculines et féminines et il y a une attirance entre les polarités. Or, il y a un autre niveau en vous qui ne fait pas partie des polarités. Même si vous ne comblez pas votre besoin de connaître ou d’avoir l’autre polarité dans votre vie, ce qui causerait une énorme souffrance si vous n’aviez pas accès à la dimension plus profonde en vous-même qui est au-delà des polarités, si ce besoin n’est pas satisfait et si vous avez effectivement accès à la dimension transcendante, il est toujours perçu comme une impression de manque au niveau extérieur de votre vie et cependant, en votre fort intérieur, vous vous sentez totalement une, complète au niveau plus profond.
     Pendant de nombreuses années, je n’avais pas de relation. Je pouvais très souvent sentir le désir de l’organisme physique pour l’autre polarité, désir physique et émotionnel. En même temps, je pouvais sentir un sentiment profond d’unité à un niveau qui est au-delà de la forme. Et c’était supportable, le fait que le besoin n’ait pas été satisfait pendant longtemps, ce besoin extérieur de connaître l’autre polarité au niveau de la forme. Ce n’était pas si terrible ! En être privé pendant des années, je pouvais vivre avec, parce que c’était maîtrisé par le transcendant, dans l’état spacieux intérieur. Si cela n’avait pas été le cas, il y aurait eu de la souffrance.
     Dans notre culture occidentale, comme je l’ai écrit quelque part dans un livre, l’identité en tant que forme commence à diminuer d’une certaine façon. Votre sentiment d’identité repose sur le fait que vous êtes un homme. Dans les anciennes cultures, l’homme est fortement identifié. 70 ou 80 % de son identité passe par le fait que c’est un homme. C’est la même chose avec les femmes. Dans ces cultures, les genres sont séparés de façon très marquée.
    Le fait qu’elle soit une femme lui donne 80 % de son identité. Le reste est pour l’identité de la petite personne.
      Dans les anciennes cultures, les gens sont entraînés dans cette forme d’identité et si vous ne l’accomplissez pas, selon ce que la société vous raconte, vous êtes profondément malheureux et tout le monde vous méprise. Si vous vivez dans certaines cultures traditionnelles que l’on trouve toujours dans beaucoup de pays, si vous êtes une femme, si vous n’avez ni mari ni enfants, vous n’êtes rien. Tout le monde vous regarde de travers. Vous vous apitoyez alors sur votre sort et vous pleurez toutes les nuits. Cela s’applique aussi à un homme qui n’a pas de famille, qui ne fait pas d’enfants. Qui est-il ? Il n’est rien. Si vous vivez en dehors de votre identité en tant que forme, on vous regarde de travers et vous vous sentez sans valeur.
     Heureusement, nous dépassons ça. On trouve encore des restes de cette mentalité en Occident, mais c’est beaucoup moins fort qu’avant. Il est maintenant possible pour les femmes occidentales de ne pas se marier, ni d’avoir des enfants, sans avoir l’impression d’avoir raté leur vie. En particulier, si elles sont allées plus profond, elles peuvent en fait se sentir très bien à ne pas avoir d’enfants et à ne pas être mariées. Il en va de même pour les hommes. Et c’est même accepté. Vous pouvez même dire fièrement que vous n’êtes pas marié et que vous n’avez pas d’enfants.
 
     Donc, l’identité en tant que forme, féminine ou masculine, régresse et c’est un bon signe. Je dirais que c’est un signe de la conscience en évolution qui n’est plus aussi prisonnière de la forme. Et c’est en fait la réponse : il est parfaitement possible de ne pas satisfaire votre identité en tant que forme, les exigences de votre identité en tant que forme, on pourrait dire les exigences biologiques de votre identité en tant que forme ou les exigences sociales de votre identité en tant que forme. Il est parfaitement possible de ne pas s’y soumettre et d’être un être humain pleinement épanoui.
     Et si vous vivez dans un pays où c’est toujours difficile, il vous faut vous détacher complètement des opinions des gens autour de vous – ce qui n’est pas facile – ou vous en aller, émigrer, mais le détachement intérieur est possible, par rapport à ce que le monde vous raconte concernant ce que vous devriez être et faire. Sur le plan pratique, dans certaines vieilles cultures, en particulier pour les femmes, c’est pratiquement impossible d’exister. Imaginez vivre en Arabie Saoudite en tant que femme adulte sans être mariée ! Ça doit être très dur.
       Nous avons donc progressé ici, dans le sens de la diminution de l’identité en tant que forme féminine et masculine.

Questions et réponses

Indications de lecture:

Traduction Robert Geoffroy. Consulter sur le même sujet les textes de Jane Roberts.

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