Serge Carfantan

Textes philosophiques

Serge Carfantan quatre idées importantes au sujet de la monnaie

          . La première idée de monnaie a un rapport étroit avec la fluidité de l’échange, nous pourrions même oser dire : la circulation de la vie.
      La seconde idée est : l’usage de la monnaie est lié à un calcul de l’intellect pour établir un rapport. Si nous en restons à cet usage, nous ne pouvons pas accuser l’argent d’être un facteur de corruption. Comme nous l’avons vu, même dans le troc l’échange pourrait être très injuste, s’il y a une très grande disproportion entre ce qui est échangé, ce qui reviendrait à une escroquerie manifeste. Non, on ne peut pas dire une salade = une paire de sandales ! Ce n’est pas juste ! La proportion n’est pas respectée. Notons en passant, comme l’avaient bien compris Aristote, que le premier concept de justice se situe dans les choses et est associé avec l’égalité proportionnelle.
     La troisième idée, c’est qu’il faut faire correspondre un nombre à chaque élément de l’échange, ce qui évite le flottement du qualitatif et fait passer l’échange dans le domaine économique. De cette manière, l’idée de proportionnalité devient plus précise.
      Enfin, la quatrième idée, il est nécessaire d’admettre au sein de la conscience collective, une convention par laquelle les hommes accepteront l’usage d’une monnaie qui matérialisera l’évaluation mathématique. La reconnaissance de la valeur de la monnaie est purement conventionnelle. On peut parler de contrat implicite en un sens ou même de confiance. Nous avons vu ailleurs en quel sens la société humaine était conventionnelle, ce qui voulait dire qu’elle n’est pas naturelle, mais fondée sur le langage. Nous pouvons dans le même sens admettre que l’argent est conventionnel et donc artificiel. On peut donc utiliser n’importe quel support à cette fin. Si le rapport entre la paire de sandale et la salade est de 150, donnons à l’artisan 150 coquillages, ou 150 graines de cacao ou 150 rondelles de cuivre, ou des rectangles de papier avec marqué « 100 », « 50 » etc. Aucune importance. C’est une question de convention passée entre nous. Il est même possible de conserver en externe les rectangles de papier appelés billets et en interne (au village) de garder un autre symbole pour les services mutuels que se rendent les gens. Pas de problème. Ce sera tout aussi fonctionnel.
      Notons que le langage atteste cette idée : on parle de monnaie fiduciaire, (du latin fides, la confiance). En anglais, on dit fiat money, « monnaie décrétée ». L’ancien assignat français n’a que la valeur qu’on lui assigne. Aristote faisait dériver nomisma, la monnaie, de nomos, la loi.

Philosophie de l'économie. ch. VII, p. 184-185.

Indications de lecture:

Le chapitre s'intitule : la sphère de la finance. Le PDF de la leçon est diponible.

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