Article : Une certaine conception du temps

Christian  Soury                 page 1, page 2, page 3, page 4.


  Enfin, au temps zéro proprement dit, toutes les dimensions s'annulent pour ne laisser subsister qu'un point mathématique contenant potentiellement l'intégralité des informations qui seront ensuite déployées lorsque les espaces seront déroulés selon le temps, par le moteur de l'énergie, et ce, à partir du temps de Planck, soit environ 10-43 seconde après le Big-Bang.

     Je n’ignore pas que le contenu de ce livre, dérivé de leurs thèses de doctorat, a fait l’objet de vives critiques, d’un tollé de la part d’une partie de la communauté scientifique, ainsi que de réserves de l’éminent mathématicien Alain Connes, pour ce qui concerne, du moins m’a-t-il semblé, une partie des appuis mathématiques utilisés. Il demeure néanmoins que les frères Bogdanov, en s’affrontant à la structure possible de l’univers d’avant le Big-Bang, qui constitue un véritable Rubicon de la physique actuelle, ont fait preuve d’une audace qui mérite d’être saluée. Et  l’on peut se demander dans quelle mesure certaines des hypothèses avancées ne pourraient pas être réexaminées, voire reformulées à la lumière de travaux qui pourraient être conduits par des physiciens-mathématiciens de grande valeur, en équipe avec les intéressés, comme ils le suggèrent eux-mêmes en fin d’ouvrage, dans un esprit constructif, pour le plus grand progrès de la physique du cosmos. Mais je fais peut-être montre de trop d’optimisme ? 

     Revenons maintenant à ce curseur de la conscience, surfant sur l'écume du temps. L'idée d'une réalité à un instant T, «validée» en quelque sorte par le passage du curseur, nous rapproche du concept philosophique et métaphysique de la matière fécondée par l'esprit. Seules, seraient alors devenues «réelles», les périodes antérieures déjà validées par le déplacement du curseur de notre conscience, et les espaces futurs non encore  « lus » demeureraient, au moins provisoirement, virtuels ou potentiels. Cependant, la présence « simultanée » du curseur tout au long de la ligne des espaces élémentaires constitutifs du temps, suggère une validation totale non moins « simultanée » de l'ensemble de la ligne du temps.

     Ce curseur de la conscience se positionne donc à tous les instants. Mais alors, objectera-t-on immédiatement, tout est vrai à la fois : chacun des instants est aussi réel que les autres, et aucun instant ne succède vraiment à un autre, puisqu’il coexiste avec lui ! Que devient alors le déroulement des événements de notre univers, et bien sûr celui de notre vie, alors que nous avons l'impression absolue de n’être positionnés qu'à un moment à la fois et certainement pas à tous, puisque l'on se perd de vue, que l'on se quitte sans arrêt, en quelque sorte.

     En premier lieu, il convient me semble-t-il de nous concevoir, non au singulier, mais comme des êtres pluriels, bien qu'il résulte de l'enchaînement de ces différentes étapes une continuité et une parenté extrêmement étroites. Ce cumul évolutif des « moi », pris dans l'effet de perspective résultant de l'épaisseur du temps, aboutit à l'unité de la personne prise dans sa continuité évolutive. Le paradoxe, apparent seulement, résulte de la coexistence de ces différents instants lorsque on les perçoit de « l'extérieur », soit au moins depuis une cinquième dimension, et de la succession de ces instants qui nous apparaît de façon insistante, car nous les vivons de « l'intérieur ». Rappelons l'exemple de la ligne qui est perçue globalement par l'observateur extérieur, mais par contre comme une succession par, et de, chacun des points qui la constituent, chaque point étant encadré par le point qui le précède et le point qui le suit.

     Mais alors, objecterez-vous, pourquoi ai-je la certitude d'être toujours la personne la plus en avant dans le futur et ayant en mémoire les « moi » du passé, ceux de mon futur n'existant pas encore ? A cette interrogation, on peut répondre que chacun des « moi », à quelque stade qu'il soit, se pose la même question. Prenons le cas d'un de nos « moi» situé par exemple dix années auparavant. Nous sommes à l'évidence, puisque nous sommes actuels, l’un de ses (ces) « moi » futurs. À cette époque, soit dix années en arrière, notre moi se croyait bien, lui-aussi, dans la position la plus en avant, la plus en aval du temps !

     À cet égard, la réalité de la flèche du temps semble bien corroborée par le fait qu'à chaque instant, nous avons en mémoire des instants passés, et qu’aucune contradiction n'apparaisse à ce niveau : l'arrière, c'est-à-dire le passé, nous est bien clairement indiqué par cette mémoire. Mais l'on peut se demander si les positions successives observées par le curseur de la conscience ne coexistent qu'une fois qu'un point du cheminement de vie a été atteint. Autrement dit, que le présent coexiste avec les différentes étapes du passé , mais pas encore avec les étapes futures. S’enchaîne la question : la ligne du temps se construit-elle progressivement, ou bien est-elle construite intégralement « dès le départ », question que se pose également Jean d'Ormesson, et déjà rappelée plus haut. Nous rejoignons ici l’expression bien connue « C’était écrit ! ». C'est à cette interrogation que tente de répondre ci-dessous la notion de relativité des observateurs.

     Surtout, ne tombons pas dans l'illogisme négativiste qui conduirait à affirmer que, puisque nous ne sommes pas un curseur unique de la conscience, surfant sur la frange du temps, le monde n'est qu'illusion. C'est tout le contraire qui me semble vrai : tout est réel, mais tout est réel « à la fois ».

     Il subsiste dans ce paradoxe un aspect fondamental, celui du libre-arbitre. Car enfin, si coexistent futur et passé, où se trouve le pouvoir de décision de tout être ? je ne parle pas des objets, encore que les principes probabilistes de la mécanique quantique me paraissent autoriser, au plan subatomique, une certaine latitude de l'effet relativement à sa cause.

     Il faut, pour tenter de dépasser ce paradoxe, revenir à la notion de la perception du déroulement d'une vie. Elle peut être perçue de « l'extérieur », et alors elle paraît totalement déterminée dans une sorte d’ubiquité des points générant la ligne temporelle. Mais elle peut aussi être perçue de «l'intérieur», par nous-mêmes, qui en construisons au moins partiellement le chemin. Nous nous retrouvons là très proches du principe de relativité cher à nos physiciens du siècle précédent, ainsi qu'au nôtre, ayant abouti à la conclusion que l'espace et le temps ne sont pas invariables, mais qu'ils se modifient en fonction de la perception qu'en ont des observateurs se déplaçant les uns par rapport aux autres.

      À ce stade, je reviens en quelques lignes sur la représentation courante qui est faite de cette dimension qu'est le temps, au moyen de la bien connue flèche du temps.

     Lorsque nous examinons sur le papier ou sur l'écran d'un ordinateur, une ligne représentant le temps, cette ligne est constituée de différents points. En fait, c'est une géométrie simplificatrice qui nous permet de visualiser en une dimension une réalité à quatre dimensions. Mais, au fur et à mesure que le temps se déroule, si nous regardons cette ligne durant plusieurs minutes par exemple, chacun des points composant la ligne et donc la ligne dans son ensemble, évolue dans « notre temps », soit durant ces quelques minutes. La feuille de papier sur laquelle est inscrite cette ligne que l'on étudie, « voyage » aussi dans « notre temps ». Or, il ne me paraît pas possible d'en conclure que chacun des instants figurés par chacun des points construisant la ligne évolue à son tour dans le temps, ce qui amènerait à considérer qu'un instant « dure » dans la réalité. Il ne s'agit là en effet que d'une représentation du temps. Mais ce schéma, assorti de la réserve qui l'accompagne, peut nous servir pour une transposition dans notre « réalité ».

     L’être qui percevrait notre espace-temps de « l'extérieur », pourrait l'assimiler à une ligne faite également de points représentant chacun un espace élémentaire de temps. Mais cette perception durable faite par cet observateur dans sa propre dimension, ne doit pas, en parallèle à ce qui a été dit ci-dessus, amener à penser que ces espaces élémentaires de temps perdurent à leur tour. Ils demeurent instantanés. Heureusement d'ailleurs. Car s'il n'en était pas ainsi, des situations parfois abominables s’éterniseraient, dans une torture sans nom.

     Je reviens un instant sur l’apparente aporie à laquelle conduit la perception du temps selon une quatrième, puis une cinquième dimension. Il convient de se souvenir du mouvement des rails, perçu par le voyageur emporté par le train, alors que, quelques instants plus tôt, ceux-ci lui apparaissaient parfaitement immobiles, selon ce qui a été évoqué plus avant. Le voyageur dans le train c’est nous, en quelque sorte, emportés dans l’espace-temps à 4 dimensions, monde où l’énergie règne en maîtresse, alors que le voyageur immobile, à l’extérieur, encore sur le quai, est , comme Dieu ? , situé dans une 5 ème dimension, à l’abri des tourmentes  énergétiques du train en marche.

Autre question : et si, au lieu de considérer que c'est nous qui nous déplaçons du passé vers le futur, c'est l'univers qui se déplaçait du futur vers le passé, venant à notre rencontre en un mouvement relatif, nous donnant l'illusion d'un flux inverse. Après tout, lorsque je roule à vélo sur le bitume, on pourrait tout aussi bien dire que c'est le bitume qui se déroule en sens inverse. Et en tenant compte de l'hypothèse d'une pluralité d'espaces constituant le temps, et d'une pluralité de nous-mêmes tout au long de notre vie, ce phénomène du déplacement de l'univers du futur vers le passé se situerait à tous les stades, tous les « instantanés » de notre conscience. Néanmoins, un obstacle surgit : si ce mouvement commence par l’aval, c'est-à-dire par le futur, « avant » le passé, comment alors notre mémoire pourrait-elle engranger des faits du passé ?

On peut objecter à cela que si le déroulement de l'univers peut se comparer à une rivière gelée, il ne se déplace ni dans un sens ni dans l'autre, et que c'est l'oeil de notre conscience qui se déplace, ou plutôt qui paraît se déplacer. Tout cela milite en faveur du fait que la question d'un univers venant, par un mouvement relatif, à notre rencontre, ne paraît pas se poser. En outre, un démiurge qui gérerait les évolutions du cosmos, serait supposé le faire avec sagesse et économie, et ne déplacerait pas les masses colossales de l'univers pour obtenir le même résultat, alors qu'il suffit de déplacer les masses incommensurablement plus réduites que nous représentons. C'est l'histoire bien connue du seau d’eau et de la rotation de l'univers qui l'entoure.

Avant d’en arriver à certaines conclusions, je crois utile, ne serait-ce que pour clarifier mes propres idées, de retracer schématiquement ce que l’on croit savoir à l’heure actuelle de l’évolution de notre univers à ses tout débuts. Il ne s’agit pas de  la Genèse, à laquelle pourrait succéder l’esquisse d’une eschatologie collective des fins dernières de l’humanité. Ce résumé emprunte d’ailleurs presque tout aux conceptions des frères Bogdanov, en ce qui concerne l’univers pré-physique surnommé le « Big-Bang » froid, qui s’étend de l’origine 0 seconde jusqu’au mur de Planck, soit à 10-43 seconde, et à celles de Carlo Rovelli, en ce qui concerne l’univers physique du « Big-Bang » chaud, commençant, lui, à partir de ce même mur de Planck, et jusqu’à quelques secondes après.

Il faut bien se pénétrer du fait que toute cette période « d’avant » le mur de Planck ne s’étend pas dans le temps, mais dans une 4e dimension d’espace. Le terme d’« avant » est donc inadapté, impropre même, puisque la première unité élémentaire de temps n’apparaît précisément qu’à partir du mur. Et d’ailleurs, même l’espace à 3 + 1 dimensions de cette période originelle devrait plutôt être appelée proto-espace ou pré-espace.

 Plaçons-nous donc au tout début de l’univers. Il n’y a rien, pas même le vide interstellaire que nous connaissons de nos jours. C’est le néant au sens le plus littéral, le plus absolu du terme. C’est alors qu’apparaît un point, créé en quelque sorte ex-nihilo, un point mathématique sans dimension, qui ne saurait être un cercle, ni une sphère infinitésimale, car le point ne possède pas de rayon. Le pourquoi de ce surgissement ne nous est pas encore connu. Ce point n’est peut-être même pas l’extrême pointe d’un trou noir, d’un autre univers connexe, une singularité de densité infinie, puisque celle-ci résulte d’une concentration de matière en un point. Or il n’y a pas de matière. De toute façon, ce serait « botter en touche », cette tentative de réponse ne faisant que déplacer problème vers l’origine de cet univers connexe, et ainsi de suite.

Ce point mathématique, les frères Bogdanov franchissent le pas et l’assimilent au zéro. Mais ce zéro là n’est pas un zéro ordinaire, encore que ce dernier recèle déjà de fantastiques possibilités et étrangetés. Le zéro dont il est question ici porte en lui une dynamique algébrique spéciale d’automorphisme, qui, comme le vocable l’indique, constitue une capacité à se construire par lui-même, ainsi qu’à construire autre chose par lui-même

Ce point zéro spécial résulte en effet de la superposition, de l’accumulation, d’un nombre infini de ces briques ultimes appelées « instantons », de taille nulle, mais qui portent en eux une charge statique d’information codée par les nombres dérivant du zéro, un peu comme dans un ordinateur, charge que les physiciens ont qualifiée de topologique, par référence à la branche des mathématiques qui traite de ce domaine. Il faut en effet considérer que cette charge topologique d’information, qui est une réserve  d’énergie imaginaire portée par les instantons, constitue l’équivalent symétrique, dans l’univers primordial « d’avant » le mur de Planck, de la charge d’énergie réelle portée par les autres briques ultimes que sont les monopôles.

L’accumulation infinie de ces instantons porteurs d’information aboutit à conférer au point zéro une densité infinie d’information, à l’image d’un point matériel qui, concentrant la matière, deviendrait d’une densité infinie comme…eh oui !... un « trou noir ».

Ceci n’est qu’une comparaison, car il ne faut pas oublier que nous en sommes encore au stade non-physique de l’univers, interdisant, comme indiqué plus avant, le recours à la notion de trou noir, mais elle a le mérite de faire ressortir à quel point la symétrie est essentielle dans la construction du monde.

Chargé de sa concentration infinie d’information, le point zéro, de rayon nul et pourtant de 3 dimensions d’espace, voit un rayon apparaître selon une 4eme dimension d’espace, transformant ainsi ce point en hypersphère. Le rayon se met à croître dans le pré-espace jusqu’à une longueur infinie, amenant au bout du compte l’univers à une densité topologique nulle, puisque son volume est devenu infini. C’est alors que se situe un évènement d’une importance capitale, que les frères Bogdanov expliquent de la façon suivante : selon eux, le rayon de cette sphère de pré-espace, et non d’espace réel insistons-y-bien, étant devenu infini, a eu pour résultat de repousser l’enveloppe, la surface à 3 dimensions de la sphère, à une distance infinie. Et réciproquement, on peut soutenir que c’est le centre, le zéro initial, qui s’est ainsi retrouvé rejeté à une distance infinie de la surface de la sphère, équivalant à une véritable disparition de ce point initial, pour ne plus laisser subsister que la paroi, d’une courbure nulle, assimilable à un plan, mais de 3 dimensions de pré-espace (en tout cas, c’est ce qu’il ma semblé comprendre). L’axe du 4eme espace se trouvait jusqu’alors en équilibre. Perdant l’appui, donc le contrepoids que constituait le point zéro, cet axe bascule, pivote de 90°, ce qui a pour effet de remplacer ce 4eme espace par un espace imaginaire, lequel n’est autre que le temps réel. Simultanément, la sphère imaginaire, de rayon infini en espace imaginaire, subit une sorte d’effondrement par changement d’échelle qui la métamorphose en sphère de Planck de la dimension que l’on sait, soit 10-33 centimètres, en espace réel. Néanmoins, ce mécanisme ne se met pas en mouvement ex abrupto, il n’est en fait définitivement verrouillé qu’après que les monopôles, premières briques d’énergie réelle, aient affronté les instantons, premières briques d’énergie imaginaire d’information, dans une zone d’indicible turbulence croissante, où se déroule une fluctuation de la métrique aux approches de la surface de la sphère initiale. Ensuite, à partir de la sphère de Planck, nous passons de la métrique euclidienne ++++ , à la métrique lorentzienne +++- que connaît notre univers actuel.  

  Ici je dois exprimer mon sentiment, vis-à-vis de ce mécanisme de basculement qui me laisse dans l’expectative, mais probablement me manque-t-il la compréhension purement mathématique du phénomène. 

Quoi qu’il en soit, à la lecture de ce processus de création qui ressort des travaux des frères Bogdanov, on peut difficilement reprendre avec plus d’à-propos la citation de Jean d’Ormesson : «  Dieu  calcule et le monde se fait  » .     

J’espère, en tout cas, et après de multiples remaniements de mon texte, avoir assez correctement traduit, bien entendu en langage de tous les jours,  les concepts  et la pensée d’Igor et Grichka Bogdanov.  

En tout cas, et là, je suis assez d’accord, ceux-ci vont jusqu’à comparer la sphère de Planck, bourrée d’information, à une cassette vidéo que l’on n’aurait plus qu’à placer dans un lecteur, afin que le film de l’univers se déroule.

L’énergie imaginaire de l’information s’est donc convertie en énergie réelle. Alors là, tout change, car nous pénétrons dans l’univers de l’énergie-matière du Big-Bang chaud, à l’origine de l’espace physique et du temps, cadre qui sera à la fois construit par les quatre forces fondamentales, tout en leur servant également de « contenant ».

A présent, je vais m’appuyer plus particulièrement sur les idées de Carlo Rovelli. Nous sommes en effet en présence de la sphère de Planck, au temps de 10-43 seconde, laquelle renferme une énergie phénoménale. Et qui dit énergie, dit gravitation. Cette gravitation colossale ne se déploie pas dans un espace préexistant, c’est plutôt elle qui forge, crée, construit l’espace, en projetant, à partir de la sphère d’énergie, des lignes de force qui retournent à la sphère, à l’image de la limaille de fer matérialisant les lignes de force d’un aimant. Comme ces lignes de force sont émises sur tout le pourtour de la sphère de Planck, elles se croisent en créant des nœuds d’espace, tricotant, tissant, forgeant même, des mailles de dimension égale à …10-33 cm, comme celle de la sphère d’origine. A leur tour, les nœuds d’espace rayonnent de nouvelles lignes de force, et ainsi de suite. Evidemment, subsiste la question de savoir de quoi intrinsèquement sont constituées à leur tour ces lignes de force gravitationnelle. Mais « quelque chose » semble devoir inévitablement émaner ou dériver de « quelque chose » d’autre.

En tout cas, l’espace doit se concevoir de façon discontinue, ainsi que je l’avais supposé. Le temps, lui aussi, est discontinu puisque, rappelons-nous, il est constitué d’une succession d’espaces, ici des couronnes circulaires de boucles successives ainsi créées. En fait, ces couronnes ne sont pas concentriques au strict sens géométrique, car leur centre se déplace sur l’axe du temps, du passé vers le futur, engendrant ainsi, le long de cette flèche du temps, le célèbre cône de lumière cosmologique. Ce temps progresse par sauts égaux au temps de Planck, soit 10-43 seconde. Et l’on comprend mieux pourquoi les lois physiques, s’effondrent sur le mur de Planck, puisque les mailles élémentaires du tissu de l’espace-temps sont précisément de même dimension que le mur lui-même. Au-dessous, plus d’espace et plus de temps, puisqu’aucune de ces dimensions ne peut être inférieure. Seul, un monde non-physique de pré-espace et de pré-temps peut alors exister, un monde d’énergie froide purement informative. Par contre, la forme générale en cône de lumière que prend l’univers demeure respectée, dans ce monde du Big-Bang froid, aux fluctuations quantiques près de la métrique, c’est-à-dire que les bords du cône d’avant le mur de Planck prennent un aspect flou, mais conservent une ligne générale discernable.

Il faut par ailleurs avoir bien présent à l’esprit que, selon mon optique, le temps étant une succession d’espaces, à la question : « Dans quelle tranche de temps êtes-vous ? », on peut répondre, je suis à 10-43 seconde, mais également, je suis à 10-33 centimètre ( du point zéro).

 Donc, notre espace constitué de boucles s’agrandit à la vitesse de la lumière par le jeu de l’énergie-impulsion, bien que les photons ne soient pas encore apparus. Ces derniers, qui sont les bosons vecteurs de l’interaction électro-magnétique, n’apparaitront qu’à partir de 10-33 seconde Ensuite, au voisinage de 10-35 seconde, se produit un phénomène fantastique. L’univers, bien qu’encore fabuleusement chaud, énergétique, a vu toutefois sa température baisser considérablement depuis l’origine. Dès lors, les trois interactions nucléaires, forte, faible, et électro-magnétique, devraient se dénouer, se dissocier, de l’interaction unique électro-nucléaire. Mais par un phénomène assez comparable à celui de la surfusion de l’eau que l’on étudie à l’école, ces forces vont continuer un certain temps à demeurer unifiées, alors qu’elles ne le devraient pas. Il en est résulté un « faux vide » ultra-énergétique qui a littéralement explosé, et propulsé l’énergie-matière selon une accélération exponentielle, portant la vitesse d’expansion à une valeur incomparablement supérieure à la vitesse luminique. Durant cette période, dénommée ère d’inflation par les astrophysiciens, qui s’est étendue sur une période d’environ 10-33 seconde, le volume de l’univers a été multiplié par un facteur de 10 puissance 24 ! Or, malgré cette formidable dilatation, la taille initiale de l’univers était si petite à l’origine, que son diamètre n’atteint encore que 10 centimètres, soit celui d’une orange !

Ensuite, les forces se désolidarisent, l’univers retrouve une vitesse d’expansion plus « raisonnable », celle de la lumière, et les particules de matière, une faible proportion d’anti-matière également, et bien entendu les particules vecteurs des forces que sont les bosons, sont progressivement constituées, conduisant, après d’autres étapes, vers l’univers de très grandes dimensions, donc de très faible courbure et pratiquement plat que nous connaissons de nos jours.

 Je ne peux terminer cette première partie sans « tirer un formidable coup de chapeau » à tous ces savants, ces chercheurs magnifiques, qui ont trimé depuis des siècles afin de nous sortir un peu de l’obscurantisme, en soulevant un coin du voile d’Isis qui recouvre la « réalité » de l’architecture du monde, en dérobant un peu de savoir aux dieux comme le fit le Titan Prométhée, tout en regrettant que, au-delà d’une saine polémique, d’une confrontation constructive, absolument indispensables à la solidité et au progrès des connaissances, on retrouve trop souvent l’orgueil humain, force ô combien nécessaire, mais qui, non maîtrisée, conduit à rejeter, parfois avec un certain dédain, les idées nouvelles qui circulent à l’intérieur et en périphérie des aréopages de réflexions.

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