Dialogues et commentaires sur la leçon:
Maîtrise et satisfaction des désirs


Q. Peut-on avoir un désir pour quelqu'un toute une vie? Peut-il y avoir une passion durable? 

R. Une passion dure autant que le désir qui l'a fait naître. S'il advenait que le désir s'éteigne, la passion s'éteindrait aussi. Un désir a une apparition, il a une durée, et si il a une apparition et une durée, il a nécessairement une fin. Tout ce qui apparaît vient et s'en va, donc disparaît. Rien ne résiste au temps de ce qui vit dans le Temps. Maintenant, il ne faut pas confondre le désir et les sentiments, ni le désir avec la passion. L'amour est-il désir? Non. L'amour est au-delà du désir et de la passion. Quand on sait ce que c'est qu'aimer, on comprend que l'amour n'est pas tributaire du temps.

Q. Sur la question du désir, qu'est-ce qui distingue les épicuriens des stoïciens?

R. Epicure voit dans la sagesse un art de vivre qui fait du plaisir le but de la vie et donc tous les moyens de sa philosophie sont ramenés à ce but. Si le désir risque de jeter le trouble, la souffrance, il faut savoir le régler, ce qui implique l'identifier correctement et adopter une conduite correcte à son égard. 
Epictète pose le problème de l'acceptation de la réalité face au désir. Le désir soulève la contrariété, il me met en contradiction avec le réel, en lutte avec le monde. Il faut le rééduquer constamment, faire la part de ce qui dépend de moi et ne dépend pas de moi. Je peux désirer, mais je ne dois pas être dépendant du désir. Dans un premier temps, (cf dans le Manuel d'Epictète), ils sera sage (tant que nous ne sommes pas maître de nous-mêmes) d'éviter les désirs. Avec la connaissance de soi et de la Nature, la compréhension de la destinée, il sera possible d'apprendre à désirer en accord avec la Nature.
Les solutions des deux écoles sont donc différentes, mais elles supposent ensemble qu'il faut apprendre à vivre en accord avec la Nature pour maîtriser les désirs.

Q. Qu'est-ce qui se passe quand le désir devient obsession?

R. On a soit affaire à la passion au sens de l'intentionnalité, soit affaire à une fixation mentale. L'un et l'autre ne sont dommageable que par l'indentification du soi avec le désir. S'il n'y a pas d'identification, il n'y a pas de problème du désir.

Q. Krishnamurti écrit que dans le plaisir, il y a toujours de la douleur, il n'est pas possible de les séparer, pourquoi?

R. Pouvez-vous marquer une frontière exacte, une mesure "absolue" entre plaisir et douleur? Cela ne veut rien dire. C'est relatif. Il y a une différence de degré, mais pas vraiment de différence de nature. Une petite cuillère de Nutella, c'est bon. Un pot entier, c'est à vomir. Peut être pourrions-nous dire : Il y a la sensation, qui est non-duelle, qui est un phénomène continu, il y a la pensée qui introduit une séparation et crée l'opposition plaisir/douleur. Donc dosage et juste mesure sont importants. Si j'introduis l'idée même de répulsion dans le plaisir, par toutes sortes de jugements, il va y avoir une contrariété, source de déplaisir. regarder ce que peut faire la honte. Inversement, on peut introduire le désir dans la douleur. Par héroïsme, ascétisme, volonté de mortification, il y a des hommes qui sont capables de trouver du plaisir dans la douleur physique. Voyez dans la mystique chrétienne comme les choses sont mélangées. Les neurologues disent que dans le cerveau, il n'y a guère de différence entre centre du plaisir et centre de la douleur. L'idée du texte, c'est surtout que vous ne pouvez jamais prétendre "purifier" un plaisir pour en ôter toute "douleur". Vous prenez tout, ou vous ne prenez rien. si vous cherchez le plaisir, vous devez vous attendre à inviter aussi de la douleur. Penser à l'expérience du regret, au manque, au désir compulsif de répéter un plaisir. Vous devez prendre la Vie entièrement, avec la totalité des expériences qu'elle comporte, où plaisir et douleur viennent et meurent ensemble. 

Q. La position de Calliclès est-elle seulement fondée sur le matérialisme?

R. Disons que Calliclès est le prototype de l'homme-vital. Il défend les droits de la satisfaction brute, sans contrainte et sa motivation va directement vers les valeurs matérielles : le pouvoir, l'argent, l'honneur, la satisfaction de l'ego, le plaisir de dominer, d'être envié, de pouvoir soumettre et contrôler. Le terme de "matérialisme" employé dans ce sens risque d'être assez vague. Je préfère le concept que Aurobindo décrit si bien d'homme-vital. Il parle d'avantage. 

 

Avec la participation de Blanche Konrad, Elise Infray, Géraldine Perna, Jean Navalha.

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