Dialogues et commentaires sur la leçon:
Les dimensions temporelles


L'avenir nous tourmente, le passé nous retient, c'est pour ça que le présent nous échappe.
Gustave Flaubert


Blanche Konrad
Q. Cette idée de vivre au présent, cela veut dire qu'au fond le "carpe diem" comme on l'entend d'ordinaire est mal comprise?

R. Le carpe diem est compris la plupart du temps comme un vivre au présent végétatif, pas comme un vivre au présent actif. Il ne s'agit pas de fuir tout projet, toute volonté, tout désir pour se replier sur quelques petits plaisirs, comme si le but de la vie se bornait à un carré de sable sur la plage. Vivre au présent c'est habiter chaque instant, sans fuite, sans dérobade devant le réel, en répondant de manière exacte à chaque situation d'expérience, en vivant au sommet de soi-même, sur la crête de l'instant, dans une pure Passion. Ce qui est radical, c'est de comprendre que ce Feu est sans hier et sans demain, qu'il brûle maintenant. 

Q. Les animaux n'ont pas de conscience du futur, mais l'écureuil fait des provisions pour l'hiver non?

R. C'est un comportement instinctif. Dans la belle saison il ramasse des graines. Quand nous disons qu'il "prévoit" l'hiver, nous lui prêtons notre propre temps psychologique, lui, il est dans l'instant et son investissement naturel. Il fait ce qu'il fait, c'est tout, complètement dans son présent. La Nature a tout prévu pour lui, y compris le pousser à mettre de côté de la nourriture.

Q. Le texte d'Eckhart Tolle est très juste, c'est ce qu'il faudrait accomplir, ce qu'il faudrait être!

R. Il faudrait ! Il faudrait ! Remarquez que cette expression implique un devoir être, une tâche à se donner dans un futur! C'est déjà une illusion. Il faudrait faire ceci, faire cela... pour... Et voilà que rapplique l'anxiété du temps psychologique, la souffrance et l'angoisse, car maintenant par comparaison ! Eckart tolle demande de court-circuiter toute projection. C'est là maintenant. Les effort, c'est seulement pour demain et dans le mouvement de tension d'aujourd'hui à demain. Nous dépensons une énergie folle en devoir-être. Alors posons nous. Lâchons-prise. Pas devoir-être. Être. Être. Complètement. Honorons cet instant.  

Blanche Konrad
Q. L'homme naturel ne pourrait-il pas, dans sa naïveté, comprendre son bonheur de vivre le moment présent sans désir. En effet, ne peut-on pas seulement prendre conscience du bonheur que quand on connu le malheur ?

R. Je suppose que "homme naturel" renvoie à Rousseau, comme figure intérieure de l'homme authentique. Peut-être devons-nous ne tant qu'être humain passer par toutes les écoles, par toutes les expérience, pour finalement en revenir là où nous sommes, dans la conscience du présent. Et si on prenant un raccourci ?

Anne Sophie Lelaidier.
Q. Rêver, s'évader du monde, se divertir, est-ce forcément fuir lâchement ses problèmes ? Est-ce que cela ne peut pas être également un plaisir ?

R. Je ne ferai pas le procès des auteurs qui ont fait de l'apologie de la fuite un art de vivre. Je ne prends pas non plus pour cible le monde du divertissement. La question est de savoir si oui ou non, la Vie est pleinement vécu dans la plénitude de l'instant. Une douce rêverie à la manière de Rousseau ce n'est tout de même pas une dérobade systématique.

Nolwen Le Serrec
Q. Peut-on dire que profiter de la vie, c'est se divertir, faire la fête, savoir s'amuser ? Ou bien, est- ce que la vraie jouissance de la vie ne repose pas sur le fait de savoir communier avec la Nature, faire un travail pour être en accord avec soi, être ouvert aux autres... Dans ce cas, profite-t-on de la vie ?

R. Le mot profiter est éloquent. Il contient une sorte d'avidité, une pulsion de consommation immédiate. Vous avez senti la différence entre "profiter" et être. Être est très simple, sans avidité, paisible, ouvert, disponible. Être n'exclut rien. Profiter enveloppe une poursuite temporelle (profiter avidement avant qu'il ne soit trop tard!).

Marie Fischer
Q. Peut-on profiter de l'instant présent, le savourer, et toutefois avoir conscience du passé et du futur, des contraintes du temps et malgré cette conscience, ne pas vivre ailleurs que dans le présent ?

R. C'est assez paradoxal non ? La clé, c'est que par avance, le présent contient déjà tout. c'est seulement en lui que le passé est donné. C'est seulement en lui que le futur se construit. Car le futur se construit maintenant. Donc, la question est seulement celle de l'identification. Ou bien je me perds dans le mirage du passé et du futur au point de perdre sa saveur du présent, ou bien je ne perds jamais le présent et alors tout se remet à sa place.

Nolwen Le Serrec
Q. De toute façon, on ne vit jamais le présent comme on devrait le vivre, et pourtant, c'est en vivant le moment présent qu'on pourrait jouir de la vie!

R. "Comme on devrait" est de trop. C'est la graine de la culpabilité. Jetez la culpabilité à la poubelle et soyez, un point c'est tout.

Marie Fischer
Q. Si le bonheur c'est la neutralité, alors est-ce que cela implique que le plaisir ne fait pas partie du bonheur ?

R. Le plaisir est en surface, il est intermittent. Il vient et s'en va. Tant mieux quand il est là. Mais ce n'est pas le bonheur. Son grand avantage, c'est qu'il donne l'impression de pouvoir être saisi, poursuivi. Il y a des recettes pour trouver le plaisir. Mais il n'y a pas de recettes du bonheur.

Victor Moreau,
Q. Quand on pense à une événement heureux, qui s'est passé, on s'échappe du présent et on ne prend à penser au futur. Pourtant cela ne nous rend-il pas heureux?

R. Oui, au sens des esprit vieillis : "ah, c'était le bon temps"! c'est une petite joie que de se remémorer des bon moments. On se prendrait bien à empailler le cadavre de nos joies passées pour se donner un petit lot de consolations dans notre tristesse ordinaire ! Mais c'est un cadavre. Le passé est fini. Il n'y a pas de bonheur dans le rapport au passé.

Certaines questions posées l'ont été dans le cours sur Vivre et exister, mais comme les rapprochement sont évident et que le fichier de dialogue était déjà important, nous avons déplacé ici les questions en pensant à l'étude du texte de Pascal sur le présent qui pose les mêmes questions.

A. Einstein
Je ne pense jamais au futur. Il viendra bien assez vite... "

Avec la participation de Blanche Konrad, Nolwen Le Serrec, Marie Fischer, Victor Moreau, Lisa Quillacq, Anne Sophie Lelaidier.


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