Textes philosophiques

Shri Aurobindo     l’apparition du mental et l'évolution


     "Il faut observer que l’apparition du mental et du corps humains sur la terre marque une étape cruciale, transformation décisive dans le cours et le processus de l’évolution ; ce n’est pas seulement une continuation ce qui se faisait auparavant. Jusqu’à l’avènement dans la Matière d’un mental pensant développé, l’évolution s’est effectuée, non pas par aspiration, intention, volonté ou recherche conscientes d’elles-mêmes dans l'être vivant, mais subconsciemment ou subliminaiement, par le jeu automatique de la Nature. Il en était ainsi parce que l’évolution a commencé dans l’Inconscience que la Conscience secrète ne s’en était pas suffisamment dégagée pour travailler avec la participation consciente de la volonté individuelle chez la créature ivante. Mais chez l’homme la transformation nécessaire est produite, l’être s’est éveillé et a pris conscience de lui-même ; sa volonté de se développer, de croître en connaissance, d’approfondir l’existence intérieure et d’élargir l’existence extérieure, d’accroître les facultés e sa nature, s’est manifestée dans le Mental. L’homme a vu qu’il peut exister un statut de conscience supéieure au sien ; le Vœstrus évolutif est présent dans les parties mentales et vitales de son être, l’aspiration au dépassement de soi est libérée et articulée en lui ; il a pris conscience d’une âme, il a découvert le moi et l’esprit. En lui par conséquent, le remplacement d’une évolution subconsciente par une évolution consciente est devenu concevable et praticable, et l’on peut fort bien en conclure que l’aspiration, l’impulsion, la recherche persistante en lui, sont un signe certain que la Nature veut pour se réaliser une voie plus haute, veut faire apparaître un statut plus vaste.
     Au cours des stades précédents de l’évolution, le premier soin et le premier effort de la Nature ont dû viser à une transformation de l’organisation physique, car c’est ainsi seulement que pouvait se produire un changement de conscience. C’était une nécessité imposée par 1’insufiisance de la force de conscience déjà en formation pour réaliser une transformation dans le corps. Mais chez l’homme un renversement est possible, et même inévitable ; car l’évolution peut et doit s'effectuer avec pour premier instrument sa conscience, sa transmutation, et non plus un nouvel organisme corporel. Dans la réalité intérieure des choses, une transformation de conscience a toujours constitué le fait majeur, l’évolution a toujours eu une signification spirituelle, et la transformation physique n’a joué que le rôle d’un instrument, mais au début, ce rapport était caché par l’équilibre anormal entre les deux facteurs, le corps de l’Inconscience extérieure ayant plus de poids que l’élément spirituel, l’être conscient, et l’obnubilant par son importance plus grande. Mais une fois que l’équilibre a été corrigé, ce n’est plus la transformation du corps qui doit précéder la transformation de la conscience, c’est la conscience qui, par sa mutation, imposera et opérera elle-même toute mutation nécessaire au corps. Il faut observer que le mental humain s’est déjà avéré capable de seconder la Nature dans l’évolution de types nouveaux de plantes et d’animaux ; il a créé pour son milieu de nouvelles formes, il a produit par sa connaissance et sa discipline des changements considérables dans sa propre mentalité. Il n’est pas impossible que dans sa propre évolution et sa propre transformation spirituelles et physiques, l’homme doive aussi apporter une aide consciente à la Nature. L’impulsion à ce faire est déjà présente et en partie effective, bien que la mentalité de surface ne la comprenne et ne l’accepte qu’incomplètement. Mais un jour le mental peut comprendre, pénétrer plus profondément en lui-même et découvrir les moyens, l’énergie secrète, l’opération prévue de la Conscience-Force au-dedans qui est la réalité cachée de ce que nous appelons la Nature".

 La Vie divine, III, Albin-Michel, p. 273-275.

Indications de lecture:

cf. Connaissance de la Totalité, ch. XIV.

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