Textes philosophiques

Louis Lavelle   l'être est, le néant n'est pas


      "L’antinomie de l’être et du néant doit trouver ici sa solution. Il est évidemment absurde de vouloir faire entrer le néant dans un jugement d’existence. Et la seule affirmation métaphysique qu’il soit peut-être impossible de contester est celle de Parménide : que l’être est et que le néant n’est pas. Aussi tout jugement négatif est-il un jugement positif dissimulé : en disant que A n’est pas, nous voulons dire qu’il y a là un terme qui n’a pas les propriétés qu’on lui prêtait, mais qui en a d’autres. Si maintenant il est vrai de dire du tout qu’il n’a aucun des caractères que nous pouvons attribuer aux objets particuliers dans notre expérience finie, (bien qu’il les contienne indivisiblement dans son unité, [107] comme le principe qui permet à l’analyse de les découvrir et, pour ainsi dire, de les former en les opposant), on ne s’étonnera pas qu’en lui les deux idées d’être et de néant paraissent s’identifier, puisqu’il faut nier de lui chacune des formes de l’être pour qu’il puisse également donner l’être à toutes.
C’est ainsi que le contraste entre les qualités sensibles peut être regardé comme la rupture d’une indifférence qualitative, qui n’est point enrichie mais limitée par l’apparition de chaque qualité particulière : celle-ci serait d’ailleurs impossible à concevoir elle-même si elle n’appelait pas corrélativement toutes les autres.
En prenant un exemple encore plus étroit, le silence sera défini comme une sorte de synthèse compensatrice de tous les bruits. Chaque bruit romprait le silence en rompant pour ainsi dire son unité. C’est par sa distinction à l’égard de tous les autres bruits, c’est en s’opposant à eux qu’il pourrait être recueilli par l’oreille, qui est elle aussi un instrument d’analyse. Mais la somme de tous les bruits, l’essence commune dans laquelle ils sont puisés et qu’ils divisent, surpasse elle-même infiniment la capacité de l’oreille et doit être [108] nécessairement pour celle-ci indiscernable du silence".

La présence totale, Aubier, p. 106-107.

Indications de lecture:

Voir la leçon Les dimensions temporelles.

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