Textes philosophiques

Ernest Renan     le christianisme chose occidentale


        Le christianisme, absorbé par la civilisation grecque et latine, était devenu une chose occidentale ; l’Orient, son berceau, était justement le pays où il rencontrait le plus d’obstacles. L’Arabie en particulier, au septième siècle, ne pouvait se décider à se faire chrétienne. Flottant entre le judaïsme et le christianisme, les superstitions indigènes et les souvenirs du vieux culte patriarcal, choquée des éléments mythologiques que la race indo-européenne avait introduits dans le sein du christianisme, elle voulut revenir à la religion d’Abraham ; elle fonda l’islamisme. L’islamisme apparut à son tour avec une immense supériorité au milieu des religions abaissées de l’Asie. D’un souffle il renversa le parsisme, qui avait été assez fort pour triompher du christianisme sous les Sassanides, et le réduisit à l’état de petite secte. L’Inde, à son tour, vit, mais sans se convertir, l’unité divine proclamée victorieusement au milieu de son panthéon vieilli. L’islamisme, en un mot, conquit au monothéisme presque tous les païens que le christianisme n’avait pas encore convertis. Il achève sa mission, de nos jours, par la conquête de l’Afrique, qui se fait, à l’heure qu’il est, presque toute musulmane. À part des exceptions d’importance secondaire, le monde a été de la sorte conquis tout entier par l’apostolat monothéiste des Sémites. Est-ce à dire que les peuples indo-européens, en adoptant le dogme sémitique, aient complétement abdiqué leur individualité ? Non certes. En adoptant la religion sémitique, nous l’avons profondément modifiée. Le christianisme, tel que la plupart l’entendent, est en réalité notre œuvre. Le christianisme primitif, consistant essentiellement dans la croyance apocalyptique d’un royaume de Dieu qui allait venir ; le christianisme tel qu’il était dans l’esprit d’un saint Jacques, d’un Papias, était fort différent de notre christianisme, chargé de métaphysique par les Pères grecs, et de scolastique parle moyen âge, réduit à un enseignement de morale et de charité par les progrès des temps modernes. La victoire du christianisme ne fut assurée que quand il brisa complétement son enveloppe juive, quand il redevint ce qu’il avait été dans la haute conscience de son fondateur, une création dégagée des entraves étroites de l’esprit sémitique. Cela est si vrai, que les juifs et les musulmans n’ont que de l’aversion pour cette religion, sœur de la leur, mais qui, entre les mains d’une autre race, s’est revêtue d’une poésie exquise, d’une délicieuse parure de légendes romantiques. Des âmes fines, sensibles et imaginatives comme l’auteur de l’Imitation, comme les mystiques du moyen âge, comme les saints en général, professaient une religion sortie, en réalité, du génie sémitique, mais transformée de fond en comble par le génie des peuples modernes, surtout des peuples celtes et germains. Cette profondeur de sentimentalité, cette morbidesse en quelque sorte de la religion d’un François d’Assise, d’un Fra Angelico, étaient justement l’opposé du génie sémitique, essentiellement sec et dur.

   De la part des peuples sémitiques dans l’histoire de la civilisation

Indications de lecture:

Voir la leçon sur l'Occident.

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