Leçon 258.    Le concept d'Occident       pdf téléchargement     Téléchargement du dossier de la teçon

    Dans l’opinion, quand on utilise le concept d’Occident, c’est de manière assez confuse, on ne sait jamais trop ce que les gens ont en tête quand ils prononcent le mot, à la limite il faudrait faire semblant d’être un peu dur d’oreille pour poser la question : mais qu’est-ce que vous entendez par « Occident » ? Est-ce seulement une sorte d’entité faite de l’assemblage des différents peuples européens (auquel on ajoute en gros les Etats-Unis et le Canada et parfois avec réticence, la Russie etc.) ?

D’abord, c’est une distinction duelle qui n’a de sens que lié à un autre concept, dans la dyade occident/orient ; impossible de penser l’un sans l’autre. Tout dépend aussi de l’endroit où on se place, de part et d’autre d’un lieu sur Terre, on peut déterminer un orient et un occident, comme le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest. Mais visiblement le concept d’Occident n’a pas grand chose à voir avec la géographie. L’Occident européen devrait se distinguer  des pays de l’Asie, la Chine, l’Inde, le Japon qui sont géographiquement du côté de l’Orient, mais en fait on emploie le terme d’Orient pour parler des pays arabes, ce qui est erroné. Il faudrait mieux distinguer les pays du Nord et les pays du Sud. . Même genre d’illusion avec Christophe Colomb qui a été baptiser en Amérique « indiens » des gens qui n’étaient pas du tout indiens A moins que l’Orient cela veuille dire « les autres » ? 

Que recoupe le concept d’Occident ? Un attribut politique ? (ceux qui vivent dans un État sous un régime représentatif « à l’Occidentale » et tout les autres) ? Une arrière-pensée identitaire? Une manière de distinguer un « nous » (les occidentaux) de « eux » (toutes sorte de gens catalogués non-occidentaux) ? Et qu’est-ce que cette sorte d’identité collective que partagerait l’Occident ? Une civilisation? Il y aurait donc une « humanité» orientale et une « humanité » occidentale ? Ou bien ne peut-on faire plus simple, dire qu’il y a une démarcation entre des peuples enrôlés partout dans l’avancée de la technique –l’Occident- et d’autres que l’on appelle « primitifs» ? Que voulons-nous dire quand nous parlons d’Occident ?

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A. Le mot et l’histoire

    Le terme d’occident vient du latin occidens que les érudits décomposent en un préfixe ob signifiant « objet » et cadere qui veut dire « tomber, choir », voir même « tomber à terre », « succomber » ou « périr ». Au xvieme siècle, le mot « occident » était généralement utilisé au  sens figuré, celui de « ruine » ou de déclin. « Être dans son occident » signifiait être dans sa décadence. On comprend implicitement par l’orientation géographique : « être sur son couchant », vers l’Occident ou « être sur son levant » vers l’orient. On voit donc l’étrange retournement de sens entre le mot écrit avec une minuscule « occident » et le même mot écrit avec la majuscule « Occident » qui va dans l’histoire se surcharger d’une valorisation exactement à l’inverse.

    1) Le concept d’Occident est entré en scène à partir de la scission et du déclin de l’Empire romain en 285. C’est un concept né de la dualité qui fragmente une opposition à la fois politique et religieuse. La décomposition de l'Empire romain fait apparaître la distinction entre l'Empire romain d'Occident, centré autour de Rome et qui utilise l'alphabet latin et l'Empire romain d'Orient autour de Constantinople et  qui utilise l'alphabet grec (que l’on trouve par exemple dans la langue russe). Donc une église d’Orient orthodoxe (cf. grec : droite doctrine) et une église d’Occident romaine. Les historiens désignent cette rupture par l’expression « le grand Schisme ». Les invasions barbares vont entraîner la chute de l'Empire romain d'Occident, mais elles seront aussi un vecteur qui permettra l'extension du territoire d’influence de l'Église catholique romaine à toute l'Europe du Nord et à l'Europe centrale, tandis que de son côté l'Empire romain d'Orient propageait lui le christianisme orthodoxe ...

    Fait notable, en l’an 800, Charlemagne prend le titre « d'empereur d'Occident » une velléité qui trace, c’est le cas de le dire, pour la suite des temps une longue histoire impérialiste du concept même d’Occident. Le XIème siècle sera marqué par le début des Croisades (texte) durant lesquels les « Occidentaux » lanceront à plusieurs reprises des expéditions armées pour libérer la « Terre sainte ». On aurait pu penser qu’avec les années la dualité entre les deux polarités de l’église d’Orient et d’Occident allaient  se résorber, mais le schisme de 1054 va la perpétuer et marquer la rupture définitive entre les deux traditions de l’Occident romain et de l'Orient orthodoxe. C’est encore ce même schisme qui rend possible le détournement de la quatrième croisade par la République de Venise. La quatrième croisade a une importance particulière, car cet épisode aussi violent que les précédents se conclut par le sac de Constantinople par les croisés. Il marque l’affaiblissement définitif de l'Empire d'Orient et il est aussi l'amorce de ce que sera la Renaissance en Occident. Qui sera bel et bien une renaissance de l’Occident. Là le concept d’Occident est religieux et l’Occident se veut porteur des valeurs chrétiennes et s’inscrit en dualité avec son autre du moment, l’Islam. (texte)...

    

    - La réforme protestante tout d’abord, qui va ériger une nouvelle dualité conflictuelle au sein du christianisme occidental et modifier profondément sa structure. Au regard du christianisme oriental dont l’étoile faiblissait, le christianisme occidental était devenu une puissance dominante (texte) sur toute l’Europe. D’où l’expression « Occident chrétien » encore usitée aujourd’hui qui assimile les deux concepts. Mais histoire du christianisme versus romain a, malgré la puissance de son autorité, toujours été ponctuée de discussions de contestations du dogme. Avec l’expansion de l’humanisme, la diffusion du savoir, la Réforme sera la manifestation la plus puissante d’un rejet de la tutelle de Rome sur la foi en faveur de la liberté d’examen.  Le concept d’Occident va désormais devenir synonyme d’humanisme. Toute son attraction ultérieure viendra de cette idée qu’il porte les valeurs de l’humanisme.

    - Le second événement dont les conséquences vont être incalculables est la prise de Constantinople par les Ottomans. Elle a été vécue comme une défaite d’autant plus lourde qu’elle installait durablement un barrage insurmontable sur la route vers les richesses convoitées des ors et des épices de l’Orient. C’est en raison de ce qui a été appelé le « verrou islamique », que les Etats occidentaux abandonnèrent la route de la soie. Mais l’appel de l’Orient et de ses richesses demeurait. D’où l’obsession chez les aventuriers, de Vasco de Gamma, à Christophe Colomb, de la recherche d’une « nouvelle route vers l’Orient », ce qui dans leur esprit voulait dire : vers les Indes. Et cette obsession va être le prélude aux « Grandes découvertes » aboutissant à la conquête du « Nouveau Monde » : conquêtes qui propulseront l’élan indomptable du capitalisme triomphant. Largement porté par l’esclavage il faut le savoir. Un enrichissement massif des marchands, car on disait partout que l’on ferait fortune avec l’argent misé sur les colonies. D’où l’exaltation impérialiste de l’Occident, celle de la couronne d’Espagne, du Portugal, d’Angleterre et de France. D’où le premier krach boursier avec John Law. Une période d’immenses mutations, avec à la clé l'établissement des Empires coloniaux et dans la foulée ensuite la montée en puissance de la révolution industrielle. Ce que nous appelons le « Siècle des Lumières » ne peut donc se concevoir dans une assise historique stable, il est pris au milieu de cette fièvre et de cette tourmente d’un Occident à la conquête du monde. Un Occident pour qui il y a des « civilisés » (les occidentaux) et des « sauvages » hors de l’Occident. Et comment va-t-on appeler ces indigènes que l’on découvre en cherchant une voie plus courte à travers « l’océan occidental » ? (oceanus occidentalis ancien nom de l’Atlantique). Des indiens ! Ceux que l’on s’attendait trouver… en Orient ! Décidément, on n’en sort pas. Ce qui est certain, c’est que le concept d’Occident devient

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 Pierre le Grand, vers 1696, l'Empire russe autrefois d’Orient « s'occidentalise ». Il fait adopter le calendrier de l’Occident et toute une série de réforme (jusqu’à tailler la barbe des nobles et changer les costumes) au point que la vieille Russie juge diaboliques ses innovations alignées sur l’Occident et désigne le Tsar comme Antéchrist ! La révolution de 1917 ne change rien, les communistes n’auront d’ailleurs rien à reprocher à l’Occident. Toutefois, avec l'avènement de l'URSS se profile une nouvelle dualité, une rupture cette fois entre « Est » et « Ouest », selon une opposition marquée entre capitalisme et communisme. D’où la Guerre froide, donnant lieu à la création de l'OTAN face au bloc soviétique. Les pays d'Europe centrale et d’Europe de l'Est, qui étaient au début du XXème siècle considérés comme « pays de l’Est », sont considérés ensuite comme des pays occidentaux. Pendant tout le règne du communisme, curieusement, le concept d’Occident est lesté du poids du libéralisme, bref il y a « l’Occident » du capitalisme, ou mieux de l’ultra-libéralisme et de l’autre côté, « le bloc communiste », sans que celui-ci soit pour autant assimilé à un Orient. Le concept d’Occident est alors devenu complètement idéologique.

    Enfin, au début du XXIème siècle, on admet généralement que « l'Occident » regroupe l'Europe occidentale (c'est-à-dire l'Union européenne et l'AELE), le Canada, les Etats-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Selon les interprétations, l'Amérique latine y est parfois incluse, parfois non. Les citoyens de ces pays sont couramment appelés Occidentaux par les Européens ; mais sur place, les peuples premiers ont tendance à prendre leur distance avec leur ancienne tutelle sur le mode : « l’Occident veut nous imposer… », marquant par là leur identité dans la différence. S’agissant maintenant du reste du monde et de son appartenance à l’Occident, même flou caractéristique, même hésitation et une désignation plus ou moins aléatoire selon les cas. Le Japon qui géographiquement et culturellement est très oriental, est pourtant le pays au monde le plus occidentalisé sur le mode américain. L’Inde qui a été pendant longtemps l’Orient mythique par excellence est en passe de s’occidentaliser à grande vitesse. On dit « la plus grande démocratie à l‘occidentale » ce qui est tout de même étrange. L’Afrique du Sud passe pour un pays se rattachant à l’Occident etc. Au final le concept d’Occident se mesure à l’aune du PIB. Il y a les pays développés ou en voie de développement qui tous, dans la mesure où ils imitent le « modèle occidental », sa puis

 

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     © Philosophie et spiritualité, 2015, Serge Carfantan,
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