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La méthode de la dissertation

philosophique 
 
niveau 1 pour débutants

    Les élèves de terminales sont souvent très embarrassés devant l'épreuve de philosophie du bac. Si la méthode n'a pas été assimilée en cours d'année, ils rendent des copies qui ne correspondent pas à ce qui est attendu à l'examen. Nous proposons ici un itinéraire détaillé qui parcourt les étapes de préparation d'un devoir. Ne pas s’efforcer de tout appliquer de suite. Ne considérer d’abord que les points principaux, laisser le détail de côté. Essayer progressivement de suivre les conseils assurera une investigation complète des sujets. Avec la pratique, en suivant peu à peu les conseils, ces points principaux seront assimilés, les remarques suivantes deviendront claires et le présent texte ne servira plus que de rappel. L’important, c’est de bien se rendre compte de ses erreurs afin d’améliorer peu à peu sa manière de disserter. Prenez en regard le modèle.

    Nous ne proposons pas du tout ici une astuce universelle pour rédiger en faisant l’économie de l’étude. La méthode permet de conduire et d'élaborer une réflexion que l'on suppose par avance mûrie. Elle ne sert à rien si l'on à rien à ordonner ! On ne peut pas rédiger une dissertation "comme çà", de manière désinvolte, si l'on n'a rien à dire. Un cours et une culture sont là pour donner du corps à la réflexion, ils doivent évidemment précéder la tentative de la dissertation. La philosophie n'est pas la rhétorique. Mais pour mettre au clair les idées, avoir une vue large du sujet et entrer dans sa complexité, il faut procéder avec application et patience, c'est à dire avec méthode. C’est l’objet des conseils qui suivent. 

I Préparation (compter avec le plan 1 heure)

1. Écrire le sujet en haut d'une feuille

Au brouillon, encadrer le concept central et souligner les concepts corrélatifs.  (liste de sujets du bac)

  • Ex: "La connaissance de soi peut-elle être sincère ?"

Il faut repérer sur quoi porte le sujet, quel est son centre et aussi avec quelles notions il est mis en rapport.

2. Analyser les termes du sujet, compte tenu de l'ensemble du libellé

    Prendre chaque terme et chercher sa signification. Il faut le faire très sérieusement. Essayer de formuler une définition générale. On s'aidera pour cela:

a) de l'étymologie si on la connaît, sincerus=pur, naturel.

b) des synonymes possibles, tout en songeant aux nuances qui séparent les différentes valeurs impliquées dans les mots, un homme sincère est vrai, authentique, entier dans ce qu'il est et ce qu'il exprime etc.

c) des termes apparentés avec lesquels on pourrait faire des relations,

d) de l'opposé, quand le terme possède un contraire, Il est très important de ne jamais oublier le contraire, la plupart des concepts fonctionnent par paire, il sont duels. : plaisir/douleur, jour/nuit, espoir/désespoir, réussite/échec,

e) des expressions communes du langage qui utilisent le mot dans un sens assez proche du sujet. Cela permet de mieux sentir le caractère concret d'un sujet.

  • Dans le sujet précédent:

    Connaissance de soi peut-être rendu à partir de l'idée d'un savoir sur soi qui serait une explication de ce que l'on est. On peut distinguer l'expression de la connaissance d'autrui ou aussi de la connaissance des choses ou connaissance du monde. Il doit y avoir des différences entre ces quatre catégories. Le langage courant nous donne des formules comme "faire le point avec soi-même", "tenter de se comprendre, ou d'y voir clair à l'égard de ce que l'on est", "prendre conscience de ses possibilités" etc.

    Sincère nous ramène à l'idée d'une franchise, d'une honnêteté dans l'expression des sentiments, d'une absence de décalage entre ce qui est dit et ce qui est effectivement ressenti. Dans la sincérité il y a loyauté, véracité et droiture, mais aussi fidélité et même parfois ingénuité. L'homme sincère s'oppose au sournois, à l'hypocrite, au dissimulé qui ne dit pas ce qu'il pense et n'affiche pas ses vrais sentiments. L'absence de sincérité s’exprime donc par des gestes ou des paroles non conformes à la réalité. Or on pourrait les rendre conformes, si l’on en croit les expressions : "dire sincèrement ce que l'on pense", "des regrets sincères: "sincèrement, je regrette ce que j'ai fait", "il a avoué en toute sincérité" etc. La sincérité semble donc possible... même vis à vis de soi? 

f) des exemples due la littérature, la mythologie grecques, le roman, ensuite dans l'histoire, l'actualité et enfin en dernier lieu dans le cinéma.

 

        Dans le sujet précédent:

       
        Rousseau Les Confessions. Amiel Journal intime. Le Journal d'Anne Frank. Le journal d'André Gide qui traite exactement de cette question, L'exemple du garçon de café chez Sartre qui "joue" à être garçon de café. etc.
   

3 Rassembler les résultats de l'analyse du sujet

    a) Prendre un peu de recul devant ce que l'on a trouvé et essayer d'en inclure l'essentiel pour effectuer une reformulation du sujet. En d'autre termes essayer de réécrire le sujet en incorporant ce que l'on a découvert. Il faut essayer de faire apparaître les implications du sujet. Ce n’est pas une question anodine, il faut en faire ressortir l’ENJEU.

    Ici il s’agit de savoir si on peut être à la fois SUJET et OBJET de la connaissance. Avant de répondre, il faut savoir ce qu’est la connaissance, et se que signifie « la connaissance de soi ».

    b) Trouver aussi un fait concret, des exemples auxquels se rapporte le sujet, en choisir un et disposer ce que l'on a trouvé autour de l'exemple.

  • Dans le sujet précédent, on en viendra à une reformulation comme : Est-il possible de ne pas être fourbe, hypocrite ou menteur, d'être assez loyal, sérieux, franc, pour tenter de se voir en face pour essayer de se comprendre? Penser à l'exemple du journal intime de Gide ou à celui d'Amiel.

4 Rédiger l'introduction au brouillon

Commencer par ce que semble clairement sous-entendre la question : quoi de mieux que la sincérité pour se connaître ? POURTANT, quand on observe de plus près ..illusion ! ALORS la sincérité est-elle suffisante ou non ? On essaye de fabriquer une tension, de construire un problème, à l’aide de 3 parties.:

a) premier point de vue, conséquence : 1er moment.

b) Or (mais, cependant, pourtant... ) second point de vue, 2nd moment

c) formulation exacte de la question proposée

d) Analyse de la question

  • voici un exemple sur le sujet précédent: une introduction correcte

        "Depuis Les célèbres Confessions de Rousseau, la littérature de l'introspection nous a habitué à l'idée que la sincérité dans l'écriture de soi est un moyen de faire le point vis à vis de ce que l'on est, de tenter de mettre au clair ses doutes: en bref: de mieux se connaître. Il semble en effet que nous ayons la capacité de nous observer nous mêmes, de nous classer, avec les psychologues, dans la catégorie des. ; colériques, etc.., de repérer quelques qualités et défauts, de découvrir nos complexes, de nous juger après une action, et même de reconnaître nos erreurs. Une écriture sincère reflèterait donc notre personnalité. C’est pourquoi, l'autobiographie est un genre littéraire très prolixe.

        Or, le problème, c'est qu'on peut tout aussi bien se complaire dans ses inquiétudes ou bien se flatter et vouloir se montrer sous un jour qui est faux, ou tout simplement omettre ce qu'on a oublié!  De fait, peu d'écrivains ont mené de bout en bout un journal intime. Beaucoup, comme Gide, l'on arrêté en y voyant trop de complaisance. La sincérité dans la connaissance de soi semble donc assez trouble. Serait-elle entachée d’un amour de soi trop puissant ? Subirait-elle les défaillances de la mémoire ? Serait-elle illusoire ? Même inconsciemment, nous jouons des rôles en fonction de nos interlocuteurs, de notre situation. Alors est-il possible de nous saisir dans la totalité, de nos actes, de nos pensées, de nos états d »âme, de notre existence ? Même avec une volonté de lucidité, sommes nous capables d’embrasser toutes ces différences, en perpétuel changement ? Pouvons nous être transparents à nous-mêmes ? Pouvons nous aller jusqu’à nous connaître en train de nous connaître ? Connaître nos désirs les plus cachés ? Ou, malgré notre bonne volonté, malgré notre désir d’honnêteté, notre mode de connaissance serait limité ou inadéquat, quand il s’applique à nous mêmes.?

        Qu'en est-il donc du pouvoir réel de la sincérité ? La connaissance de soi peut-elle être sincère? Quelle est la portée de sa lucidité ? Quelle est la transparence, ou l’opacité de la conscience ? La connaissance de soi bute-t-elle sur de l’insondable ? Doit-elle passer par un autre regard que le mien, ou suis-je le mieux placé ? La connaissance de soi peut-elle être sincère? Suis-je apte, ai-je la capacité de me rendre transparent à moi même ?

       "Depuis Les célèbres Confessions de Rousseau, la littérature de l'introspection nous a habitué à l'idée que la sincérité dans l'écriture de soi est un moyen de faire le point vis à vis de ce que l'on est, de tenter de mettre au clair ses doute: en bref: de mieux se connaître. L'autobiographie est un genre littéraire très prolixe. Aujourd'hui, sur Internet, une mode a lancé le journal intime offert aux lecteurs. La justification que donnent ceux qui écrivent leur Journal, c'est de pouvoir mieux se connaître en s'accordant un moment de retour sur soi.

    Qu'en est-il donc du pouvoir réel de la sincérité ? La connaissance de soi peut-elle être sincère? Cette question signifie donc que l’on précise la portée de la lucidité, que l’on montre si oui ou non la conscience peut atteindre à une certaine transparence.".

    Cela ne va pas, parce que le problème n'est pas posé, la question arrive et n'a pas été transformée en problème. Cette erreur est fréquente au bac. Ne la faîtes pas, soignez votre introduction. Vous devez embarrasser le lecteur qui doit sentir que c'est un vrai problème et pas une simple question.

II Elaboration du plan

5)  Faire le plan par écrit en trois questions

Trouver trois questions qui chacune ouvriront une partie du devoir . On va de la question la plus élémentaire, vers la question la plus essentielle. Il ne faut pas que la dernière répète la question du sujet.

Sur une feuille, placer à distance égale les question qui gouverneront chacune des parties. La règle est: une question précise pour chaque partie, afin de lancer la réflexion sur un point de vue sur le sujet. Ces questions se sont déjà imposées auparavant en étudiant le sujet

Ne jamais perdre de vue l'idée que l'on va du banal vers le génial, de l'élémentaire vers l'essentiel. Il doit y avoir une progression logique du devoir. Si on peut inverser deux parties, c'est que le plan est mauvais.

Exemples pour le sujet précédent:

    I. Que signifie l'expression connaissance de soi?

    II. Qu'est-ce qui rend difficile une sincérité vis-à-vis de soi-même?

    III. Doit-on, si la sincérité est un exercice difficile, lui préférer une approche indirecte?

6)   poser les éléments d'une argumentation

Après chaque question, mettre sur le brouillon du plan des éléments pour permettre l'analyse.

Pourront y figurer:

    a) un exemple précis au moins par partie du devoir. Il peut-être emprunté à la littérature, comme modèle d'une analyse que l'on veut conduire Il peut-être tiré des faits d'actualité ou de l’histoire. Dans nos exemple, le journal intime d'Amiel, les Confessions de Rousseau.

    b) une expérience phénoménologique  Le sujet peut relever d'une analyse phénoménologique dans laquelle nous pouvons nous impliquer pour la décrire. Ici l'examen de conscience que je ferais sur le papier.

    b) des analyses du langage courant Reprise des recherches précédentes, il s'agit de bien sentir la présence d'une question dans la vie quotidienne et de montrer que le sens commun repère certaines idées qui sont essentielles.

    c) des thèses empruntées à des philosophes.  On peut ainsi reconstruire soigneusement la théorie de tels auteur sur tel surjet et l'appliquer au problème qui nous occupe dans le devoir. Ne jamais citer en l'air. Développer les raisons. Une citation doit pouvoir s'enlever du devoir sans que cela porter préjudice à la continuité de la réflexion. Ne jamais faire référence à des "opinions" de philosophes, mais à des thèses de philosophes. Une idée doit avoir sa justification argumentée. sur le sujet précédent, il serait bien vu de recourir à Sartre, à Freud. Voir aussi les textes sur la lucidité de Krishnamurti dans De la connaissance de soi.

    d) des connaissances d'ordre scientifique. Elément valide pour les sujets qui ont une référence à des théories en cours, que ce soit dans les sciences de la Nature ou dans les sciences humaines.

Il va de soi, bien sûr, que l'élève s'appuiera sur sa culture personnelle et sa maîtrise du cours du professeur

Se servir de l'anthologie de textes donnée en terminale.

     Chercher une bibliographie traitant directement du sujet.

    Sur Internet, vous pouvez aussi trouver une information utile. Il ne faudra jamais recopier textuellement, mais reprendre à son compte ce qui nous semble juste.

III Rédaction (compter les trois heures suivantes de l’épreuve)

Une fois en possession d'un plan détaillé, on se lance dans la rédaction.

7. Recopier l'introduction faite au brouillon

    Essayer d'améliorer la formulation. Une bonne introduction est courte, directe, incisive. Elle pose très nettement le problème du sujet en laissant le lecteur dans l'embarras. Il n'est pas du tout nécessaire de donner un plan. Cela brise le suspens de la lecture ! Le correcteur n'a pas envie de lire trois fois la même chose (annonce en introduction, développement et répétition en conclusion). Ce qu'il faut par contre bien faire, c'est 1° poser le problème, 2° donner le sujet, 3° expliciter ensuite le sens de la question posée.

8. Rédiger le corps du devoir

    Garder près de soi le plan avec ses notes. Cela suffit. Après l'introduction donc, poser la première question, puis s'engager dans un raisonnement que l'on ne lâchera pas avant la dernière ligne du devoir. Le fil du raisonnement ne doit pas être perdu.

9. Pendant la rédaction, garder à l'esprit les conseils suivants :

a) au cours du devoir tous les termes du sujet devront être définis.

    b) Ne pas avancer en l'air des affirmations sans prouver. Mieux vaut toujours procéder de façon analytique, partir d'un exemple et dégager une idée que l'inverse, affirmer et chercher ensuite des faits pour se justifier.

    c) Se garder de toute dérive en gardant bien à l'esprit le problème posé. Se méfier des associations d'idées. Rester mobilisé par la problématique du sujet. On ne doit pas dériver vers une exposé de cours.

    d) Ne pas se borner à accumuler des exemples, cela ne fait pas une réflexion. Si la pensée ne dégage pas l'essentiel de ce qu'un seul exemple peut exprimer, on s'égare dans les anecdotes.

    c) Inversement, les généralités creuses, les grands principes qui restent dans le vague le plus complet, sans enracinement dans le vécu réel ne font pas non plus une réflexion solide. Il faut des points d'ancrage dans la réalité. Il faut que l'on sente le pathétique de chaque sujet. Quelques exemples bien choisit font cet ancrage dans le réel.

    d) Considérer que l'on fait de la recherche sur un problème philosophique. Nous partons à la découverte des choses-mêmes, pour mieux comprendre la difficulté qui nous est proposée.

    e) Il est parfois pertinent de dresser un portrait du type qui incarne le thème qui est en cause. Par exemple sur la sincérité, le portrait de l'homme sincère. pour en retirer l’essence de la sincérité.(Dire toujours la vérité, est-ce un bien ? me connaître comme membre de la misérable condition humaine aide-il à vivre ?)

    f ) Il est bon, pour relancer sa propre pensée quand elle est un peu en panne, pour stimuler le lecteur, de poser une question, dans le cours même de la réflexion.

    g) les exercices proposés sur le site ont pour but de vous aider dans l'analyse d'un sujet.

10) Soigner les transitions

Le lecteur doit sentir qu'il y a nécessité de passer à une autre partie, pour que l'investigation soit complète. Souvent, cette nécessité se dégage de l'insuffisance du point de vue qui a été développé dans la partie précédente. On ne devrait pas pouvoir déplacer les parties arbitrairement, ni se demander pourquoi tout d'un coup on passe à autre chose. La transition se fait soit au début de la partie qui suit, soit à la fin de la partie précédente.

11) Rédiger la conclusion

Reprendre les notes pour une conclusion  préparée au brouillon est essayer d'améliorer la formulation. Il est bon de revenir directement à la question posée. Exemple :

  • : "Nous nous demandions si la connaissance de soi peut-être sincère, il nous apparaît maintenant que..."

C'est dans l'introduction que l'on donne ce qui nous semble la meilleure des réponses à apporter à la question posée, celle qui semble la plus complète, la plus juste, la plus raisonnable. Essayer de finir en beauté. Penser que la conclusion est la dernière impression que vous laissez au correcteur. Il est bon de conclure dans une élévation de la pensée ou une ouverture vers une autre question que l'on pourrait ensuite se poser, sans que cela remette en cause les acquis du devoir. Ex : Si la sincérité est impossible vis à vis de soi, n’est-elle pas, toutefois, possible et même indispensable vis à vis d’autrui ?

12) Tout relire dans le détail

    Chasser les fautes d'orthographe, vérifier la ponctuation. Couper des phrases trop longues. Attention aux excès des effaceurs qui délavent complètement l'écriture.

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    Vous avez compris la méthode? Le mieux, c'est de lire une copie modèle pour voir ce qui est attendu au bac et comment les exigences posées ici ont été satisfaite.

    Ensuite, après un devoir, consulter une liste des erreurs les plus fréquentes en dissertation.

    Quand vous maîtriserez cette méthode, vous pourrez passer au niveau II avec des compléments
pour rédiger. N'y allez surtout pas tant que vous n'avez pas essayé et maîtrisé ce qui est dit ici. cela ne servirait à rien qu'à vous embrouiller. On ne peut pas sauter les étapes.

    Voyez les qualités et défauts d'une dissertation.

Méthode préparée par Serge Carfantan, Francis et Jacqueline Klotz.