Leçon 66.   La représentation de la mort       pdf téléchargement     Téléchargement du dossier de la teçon

    La pensée de la mort est une pensée qui nous obsède, parce que le temps psychologique nous travaille et nous inquiète. La mort est présente en arrière fond de nos angoisses sourdes et pourtant, même en y pensant souvent, nous y pensons sans savoir ce qu’elle représente. « Quand on pense à quel point la mort est familière et combien totale est notre ignorance, ». Devant la mort, chacun de nous se trouve placé dans une situation paradoxale : obsédé par une chose dont nous ignorons tout, tout en croyant en savoir assez pour la craindre ! Ce qui n'a en fait aucun sens.

    A quoi pensons-nous quand nous pensons à la mort ? Est-ce à la mort ou à tout autre chose ? En pensant à la mort, nous pourrions ne formuler que nos regrets de la vie. L'idée de mort pourrait être une simple image. La mort est elle une certitude indéfinie dans le temps, mais dont l’objet réel nous échappe ? La mort est-elle pensable ? La pensée de la mort peut-elle avoir un objet dont la pensée puisse se saisir ? Que mettons-nous dans ce mot "mort"? Qu'est-ce que nous projetons sur la mort ? Qu'est-ce connaissons de la mort?

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A. Une représentation sans objet ?

    La première hypothèse concernant cette question, nous la trouvons dans une fin de non-recevoir commode et expéditive : la mort, personne ne sait ce que c’est et on ne le saura jamais ! C’est peut-être une facilité que de se défiler ainsi devant l’interrogation, mais qui doit tout de même avoir des justifications. Il faut au moins dire pourquoi la mort serait impensable, plutôt que de se dérober., en déclarant tout de go qu’il ne faut pas en parler.

    1) Une justification de ce genre part du principe que la mort est, non pas exactement la cessation de la vie biologique, mais la fin de la conscience. Nous allons devoir plus loin considérer ce point. Si le mot « mort » ne renvoie à rien de connaissable, à quoi cela peut-il être dû ? A une limite du langage diront certains, peut-être parce que le mot « mort » est d’abord une image rhétorique. Si la mort fournit un thème inépuisable à la littérature et au cinéma, n’est-ce pas parce qu’elle n’est qu’une image ? C’est la position que prend Gaston Bachelard :« La mort est d’abord une image, elle reste une image. Elle ne peut-être consciente que si elle s’exprime, et elle ne peut s’exprimer que par des métaphores ». Personne ne peut en parler par expérience, car l’expérience est toujours expérience de la vie. Si la mort est un arrêt de la vie, si nous partons du principe que la vie biologique et la conscience sont identique, parler de la mort ce ne serait pas pouvoir parler du tout. La mort ne renvoie à aucune intuition réelle, elle n’est à tout prendre qu’une image symbolique. a ce tire, la pensée de la mort est une de ces thématiques sur lesquelles l’imaginaire peut se donner libre cours, par la vertu de sa seule puissance métaphorique. On ne saurait le contredire. Comme le dit Wittgenstein : « la mort n’est pas un événement de la vie. La mort ne peut-être vécue ». Nous ne pouvons parler avec assurance que de la vie, c'est à dire ce dont nous avons l’expérience, or la mort n’est pas vécue. Notre point de vue ...

    2) Si l’on accepte l'argumentation précédente, il faudra dire qu’en dernière analyse, la vie ne peut penser que la vie et non la mort. Alain écrit dans ce sens : « C’est la vie même qui, par sa nature se croit éternelle. Je n’entends pas seulement par là que toute vie s’aime d’elle même. Je dis bien plus : la vie ne craint pas la mort, la vie nie la mort. Être vivant et penser qu’on est mort, c’est mieux qu’insupportable, c’est impossible ». De ce point de vue, tout ce que nous pourrons dire sur la mort ne sera qu’un faux discours sur la vie. Nous irons dramatiser la perte de la vie, verser un torrent de larmes sur la perte d’un être cher, nous payer d’un lyrisme pompeux sur le néant : tout cela restera du verbiage conceptuel. Il y a aura toujours un mensonge consistant à faire croire que l’on peut dire ...

    Où se situe la contradiction ? La pensée, en s‘affirmant, suppose la conscience de soi qui la porte. Je ne peux pas dire « je suis mort », sans aussitôt me contredire. Je peux penser la fin de mon corps, la fin du monde, la fin de l’univers. Le corps, le monde et l’univers sont dans l’ordre de l’objet. Or, à chaque fois, je suppose un témoin observant un processus de destruction dans le temps. Ce témoin ne peut-être qu’en dehors du temps. Il ne peut être que la Vie éternelle qui témoigne du temps : « Quand je méditerais tous les jours sur une tombe, je n’arriverai jamais à penser que je ne pense plus. Toujours je me suppose vivant. J’essaie de penser ce que sera le monde dans cent ans, dans mille ans, sans moi ». Le moi est pris ici comme identique à l’individualité vivante. « Mais je me suppose toujours spectateur, au moment même où je me dis que je ne verrai point ce spectacle », moi-individu étant mort depuis longtemps. « Je me fais invisible aux autres, absent pour tous les yeux ; mais je ne puis être absent pour moi. La flamme qui m’éclaire le monde, je l’emporte partout avec moi, dans les espaces et dans les temps ». Quoi que nous pensions, le seul fait que nous le pensions présuppose ______________

    Selon Kant, (texte) cette illusion tient à : « la nature de la pensée, en tant que parole qu’on s’adresse à soi-même. La pensée que je ne suis pas ne peut absolument pas exister ; car si je ne suis pas, je ne peux pas non plus être conscient que je ne suis pas ». Je peux dire que je ne suis pas en bonne santé, que je ne suis pas vif d’esprit etc. Je peux poser un prédicat négatif, mais pas la négation du sujet.

    Cette argumentation comporte des ambiguïtés. Il ne faut pas mélanger mort biologique et mort phénoménologique. C'est une chose que de dire :

a) que la mort est l'arrêt de la vie biologique (ce qui demande une définition clinique précise, ce qui est d'ailleurs très difficile).

b) mais c’est autre chose que de parler de mort au sens de disparition de toute conscience, de la Vie, au sens phénoménologique. Voir par exemple ce que dit Semprun à ce sujet. Voyez sur ce point le statut du sommeil profond. Voir aussi le (texte).

c) et c’est encore différent de l'assimiler à la disparition de toute existence.

   

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  © Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan. 
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