Leçon 107.  Diversité culturelle et unité humaine       pdf téléchargement     Téléchargement du dossier de la teçon

    La reconnaissance de la diversité culturelle date d’il y a peu. Le XIX ème siècle intellectuel européen était marqué par une cécité complète à l’égard de la richesse des cultures du monde. Que ce soit dans les journaux, dans le roman, l’histoire, ou dans les essais, il est extrêmement facile d’exhiber des textes du passé à connotations racistes. Ce qui nous donne d’une certaine façon bonne conscience, car nous pensons bien être passé au-delà. Il est vrai que ce qui oblitère la vision du XIXème siècle, c’est l’identification de l’humain avec un modèle strictement occidental de culture. Par conséquent, ce qui en diffère et s’en éloigne tombe en dehors de « l’humanité ». Dans la catégorie du « sauvage », du « sous-développé » et du « barbare ». Dans le monde cosmopolite du XXème siècle, nous sommes de fait confrontés aux différences culturelles et nous sommes théoriquement beaucoup mieux préparés à accepter la diversité que ne l’était le siècle passé.

    Cependant, la question est loin d’être simple. Si le modèle culturel légué par le positivisme était simpliste, il avait le mérite tout de même de poser l’unité du genre humain. La raison est également présente en tout homme et il y a une nature humaine. Avec l’apparition de l’anthropologie contemporaine, l’idée de l’homme éclate et se voit complètement relativisée. « L’homme » n’existe pas, il n’existe que des « types culturels humains », foncièrement différents les uns des autres et dont on ne voit plus du tout l’unité sous-jacente. Aussi le problème posé, et qui revient sans cesse dans la confrontation des cultures qui est la nôtre se formule ainsi : La diversité des cultures est-elle un obstacle à l’unité du genre humain ?

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A. Identité culturelle et conflit

    Sur pareille question, il est urgent de se placer sur le terrain des faits, avant même d’avancer une quelconque théorie et les faits ici nous mettent en présence d’affrontements graves. S’il est une question grave dans notre monde actuel, c’est bien celle des conflits entre les cultures et les conflits dits ethniques. Depuis la chute du mur de Berlin et l’effondrement du communisme, les nœuds conflictuels ont changé de nature, ils sont devenus moins idéologiques et beaucoup plus revendicatifs quant à défendre les intérêts de communautés culturelles différentes. A la racine des ces conflits, il y a la revendication d’une identité culturelle, liée à l’appropriation individuelle du statut de membre d’une communauté culturelle. Cette identité apparaît en filigrane dans tout le vocabulaire dont nous nous servons aujourd’hui. Des termes tels que : le « peuple kurde », le « peuple corse », « l’identité basque », «...

    1) Or l’identité culturelle ne va pas de soi. Elle est une forme d’identité d’objet et correspond à une définition. Je peux, devant autrui, me définir comme américain, palestinien, israélien, breton, basque, etc. Cela veut dire que je m’identifie à une communauté culturelle et que, par là, j’entends défendre mes appartenances : ma langue, mes traditions, mes valeurs, mes intérêts au sein de ma communauté. Qu’il y ait une valeur de ma culture, cela ne fait pas de doute, il y a une valeur et une richesse de toutes les cultures ; le problème, c’est quand cette identité n’est plus perçue comme une composante naturelle de la diversité, mais devient une agrégation conflictuelle. Mais comment l’identité culturelle peut-elle devenir conflictuelle ?

    Le problème ne surgit que de la fragmentation où l’esprit se maintient, de la fragmentation intérieure de ma personnalité, et de la fragmentation sociale qui résulte de cet état de division. A partir du moment où je pose mon identité de manière objective sous la forme de définitions historiques, politiques, langagières, religieuses, le problème se pose déjà de savoir comment concilier en moi cette multiplicité. (texte)

    Prenons un exemple, celui qu’évoque Amin Maalouf, dans Les Identités meurtrières. Il écrit ceci : « Il m’arrive de faire quelquefois ce que j’appellerais ‘mon examen d’identité’, comme d’autres font leur examen de conscience… Je fouille ma mémoire pour débusquer le plus grand nombre d’éléments de mon identité, je les rassemble, je les aligne, je n’en renie aucun ». La suite du texte évoque cette complexité : il explique venir d’une famille originaire du sud arabique, implantée dans la montagne libanaise qui s’enorgueillit d’avoir toujours été à la fois arabe et chrétienne. Il nous dit que le fait d’être chrétien et d’avoir pour langue maternelle l’arabe, qui est la langue sacrée de l’islam est un paradoxe fondamental, d’avoir été inscrit dans une école française est encore une complexité étrange, ajouté à cela une grand-mère turque, marié à un époux maronite d’Égypte. Ce qui est remarquable, c’est qu’alors, dit-il, « grâce à chacune de mes appartenance, prise séparément, j’ai une certaine parenté avec un grand nombre de mes semblables ». Bien sûr, c’est une exemple extrême, mais, si nous examinions notre identité culturelle, il y a fort à parier que nous trouverions, en remontant dans le temps, de proche en proche des racines qui s’étendent bien au-delà de notre territoire actuel et de notre famille. Plus nous remontons dans le temps, plus nous pouvons comprendre que nous sommes tous cosmopolites. Qui d’entre nous peut prétendre être « français », « espagnol », « anglais », etc. à « cent pour cent » ? La « pureté » de sang, cela ne veut rien dire.

    ---------------Le paradoxe de l’identité culturelle se formule ainsi : « En extrapolant à peine, je dirai : avec chaque être humain, j’ai quelques appartenances communes ; mais aucune personne au monde ne partage toutes mes appartenances ». En tant qu’individu, je suis tout à fait unique le seul de mon espèce ; mais en tant qu’homme, je partage mes caractéristiques avec des milliers, des millions, des milliards d’êtres humains ; et il est impossible de dissocier l’un de l’autre, car ils vont ensemble. Or le malheur, c’est que le conditionnement social ambiant va très tôt mettre l’accent sur les différences et sur une forme culturelle d’identité au dépend de toutes les autres. C’est ce schéma qui va être inculqué très jeune à l’enfant. L’enfant va donc recevoir la blessure de la différence, « très tôt, à la maison, comme à l’école ou dans la rue voisine, surviennent les premières égratignures. Les autres lui font sentir, par leurs paroles, par leurs regards, qu’il est pauvre, ou boiteux, ou petit de taille, ou ‘haut sur patte’, ou basané, ou trop blond, ou circoncis, ou non-circoncis, ou orphelin – ces innombrables différences » sont excessivement soulignées et contribuent à provoquer un réflexe identitaire de protection. Repli sur la famille, repli sur le clan, repli sur la communauté religieuse, repli sur l’identité nationale etc. Repli par lequel se constitue immédiatement une réification de la différence dans...

    Une fois la différence érigée en séparation et la séparation en étrangeté, alors se pose le problème de la cohabitation des cultures. La première forme de discrimination est déjà là au quotidien sous la forme de ce que nous appelons le racisme. Une minorité culturelle se voit contrainte de vivre sous le regard méfiant d’une majorité culturelle, qui se donne par avance des droits, qu’elle refuse de concéder à ceux qui ne partagent ni sa couleur de peau, ni sa langue, ni ses traditions, ni son histoire. Il lui faut vivre au quotidien, avec le regard rentré de sa différence, honteuse d’être ce qu’elle est. Aux U.S.A des métisses, issus des premières ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    2) Mais il y a encore plus grave. Que devient la différence culturelle, quand un pays entre dans une turbulence économique grave, quand les tensions montent ? Il suffit alors d’un contexte extrême de tension sociale pour que la différence se transforme en inimitié, l’inimitié en aversion et l’aversion dégénère en guerre civile. L’autre devient le bouc émissaire, le responsable des difficultés économique, des calamités naturelles et l’ennemi. Le refrain est connu. Il est sinistre. Il n’y a plus qu’à parquer les « juifs » pour la « solution finale », qu’à traquer les « croates », les « arméniens », il n’y a plus qu’à sortir les couteaux et les machettes pour chasser le « tutsi ». Cela s’appelle en termes techniques la pratique qui conduit au génocide.

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   © Philosophie et spiritualité, 2004, Serge Carfantan. 
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