Leçon 103.   Esthétique de la poésie     

    Depuis le début de notre scolarité, nous avons appris et récité des poésies ! L’exercice était parfois fastidieux et difficile pour l’enfant que nous étions. Nous n’avions pas vraiment d’appréciation esthétique du poème. Ce qui importait c’était la déclamation devant un parterre d’admirateurs. Les parents n’étaient pas non plus très sensible au texte, car ils venaient écouter l’enfant plus que le texte. Nous avons grandi au milieu de ces étranges objets de langage qu’étaient les poèmes. Mais savions nous ce qui fait qu’un texte devient poème ?

    Adolescent, nous avons exprimé nos désirs, nos larmes, notre amour dans des poèmes et le poème était une voix pour donner corps à nos attentes, donner corps à nos rancœurs, nos refus, nos révoltes, jusqu’au jour où chacun d'entre nous est rentré dans le monde du travail. On devient quelqu'un de sérieux - ce qui veut dire qui vit le rapport au langage sur un mode empirique -  et on oublie cet étrange voix de la poésie, pour entrer dans le monde du langage pratique qui n’a que faire de la création de la parole.

    Tout au long de cette histoire des mots, avons nous compris ce qu’était la poésie ? Est-ce une affaire sérieuse ? Est-ce une affaire tout court ? En quel sens est-elle un art ? Et qu’est-ce que la poésie ?

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A. Le langage comme matière

    Le poète travaille sur un matériau qui semble a priori bien ingrat, le langage. Les mots dans leur usage empirique sont comme la monnaie que l’on se passe de main en main, qui s’use et à laquelle on ne prête guère d’attention. La monnaie n’est qu’un intermédiaire de l’échange. Les mots sont usés par le bavardage, usé dans la communication, usés pas la boulimie de paroles des média, usés par le discours commercial, la rhétorique politique, enrégimentés dans le discours scientifique. Alors comment pourrait-il y avoir une « autre » parole, une parole poétique ?

    1) La frontière entre la prose ordinaire et la poésie est ténue. Un document administratif est écrit dans langage strict dans son usage, sans fioriture. Froid et glacial est le règlement intérieur, à moins que le caprice d’un employé n’y glisse, comme par mégarde, une jolie tournure. Ce qui se remarque immédiatement. Nous disons, « c’est bien dit », « c’est joliment exprimé ». Un instant, le langage empirique a été suspendu et s’est éclairé comme d’une lueur de beauté de la forme. Nous sommes comme arrêtés et notre attention s’est déplacée depuis l’objet technique vers l’expression esthétique. Nous dirons alors que l’expression a du style. Le style c’est la manière très personnelle qu’a une personne d’investir la langue en lui donnant une forme expressive. Bien sûr il y a le style des écrivains. Le style de Giono n’est pas du tout le style de Saint-Exupéry qui est très différent du style de Proust. Giono a le don de la métaphore brillante et puissante. Saint-Exupéry cisèle son expression dans une intimité retenue dans la pudeur. Proust invite au retour sur l’intimité et respire dans une phrase longue, chargée de détail. Le style c’est la manière de l’écrivain, la touche reconnaissable d’un artiste. C’est un peu comme sur une partition : une vingtaine de mesures et l’esthète reconnaît que c’est du Bach, cela doit être du Mozart on reconnaît le style. De même, une page écrite signe son auteur : c’est du Proust, c’est visiblement du Céline ou du Gide. Comme le grand peintre, le grand écrivain trouve son style et s’épanouit dans une forme qui est la sienne. Le basculement de la prose vers le style peut se produire partout, dès qu’il y a un souci de perfection de la forme. La rigueur académique un peu sèche de Kant ne laisse que peu de place à marque d’un style d’écrivain. Par contre, la phrase ample, souple, balancée de Bergson est immédiatement la marque d’un style et d’un beau style. Ce n’est pas un hasard si on lui a offert un prix Nobel de littérature. Le philosophe n’est pas obligé par profession de se tenir dans un langage obscur et technique et d’ignorer la forme. Sur les sujets les plus difficiles, l’appui d’une langue esthétique n’est pas négligeable. La rigueur conceptuelle n’implique pas l’abandon du souci de bien dire. Le style donne une vie expressive au mouvement de la pensée dans le langage. Ce qui est étrange, c’est que par exemple, on ait pu reprocher à Bergson la beauté de son style,    

    La poésie n’est pas essentiellement dans certains textes sur lesquels nous pourrions coller une étiquette « poèmes », par rapport à d’autres qui ne seraient que « prose », comme si on pouvait mettre en boîte le discours poétique ou le discours politique par exemple. C’est une illusion de la pensée fragmentaire que de vouloir ériger des séparations abruptes entre toutes les formes d’expression dans le langage. Il y a plutôt une Parole poétique, qui de loin en loin se manifeste dans l’expression commune, mais ne trouve toute sa liberté d’expression que dans l’écriture des poèmes. Le dire poétique est latent dans toute expression parce que la Parole, délivrée de toute prescription extérieure, est originellement poétique. C’est nous qui oublions la poésie de la Parole en la dévalant vers son usage ordinaire. Notre surprise de rencontrer çà et là de la poésie quand on ne l’attend pas ne fait que trahir notre ignorance de la profondeur poétique de la Parole, ainsi que notre mentalité fragmentaire consistant à croire que la poésie doit être enfermée dans des livres dit « de poésie » et y être assignée à résidence, tandis que le langage ordinaire doit être « exact », « sérieux », « communiquant », comme si la poésie était un genre parmi d’autres dans la catégorie des discours. Le rapport que l’homme entretient à la poésie n’est pas horizontal, comme s’il était possible de passer d’un discours à l’autre, le rapport de la Parole à la poésie est vertical, signe de la dimension de l’intériorité qui habite l’être humain et ne saurait le quitter un seul instant. La poésie n’est pas un « autre » parole, elle est la Parole revenue à son expression la plus intime, la Parole délivrée des contingences de l’action, des contingences d’une volonté de démontrer, de persuader, de convaincre à tout prix, délivrée de la volonté d’avoir raison à tout prix, pour se contenter de dire ce qui est, de laisser le soin à la Parole de se révéler à elle-même. (texte)

    2) Le linguiste répondrait bien sûr, que l’écriture doit tout au langage, qu’elle ne peut rien sans des ressources qui sont inscrites dans la langue. Il est vrai qu’il en est ici du style comme du rapport du talent au génie dans l’art. Sans la compétence linguistique, donc de maîtrise de la langue, il ne pourrait y avoir de style. Il faut aussi avouer que la langue n’est pas matériau strictement individuel, mais appartient à la conscience collective d’un peuple. Mais enfin, ce n’est pas avec de la compétence linguistique que l’on fait la beauté d’un style, même s’il est évident qu’un grand écrivain la possède nécessairement. De même que le génie survole des ailes de son inspiration le simple talent et l’enveloppe, le style survole de son inspiration la seule compétence linguistique et l’enveloppe. (texte)

   La linguistique a tend à montrer que la langue forme système et que toute signification se déploie seulement dans un réseau conceptuel de mots qui appartiennent à la langue. A la limite, nous ne parlons pas, nous sommes parlés par la langue ! Entre l’enfant qui découvre le langage et le poète qui le chante, il n’y aurait de différence que dans la compétence linguistique en sommeil chez l’un et achevée chez l’autre. Mais cela voudrait dire aussi que la pensée a en quelque sorte été endoctrinée par la langue et se trouve prise dans le réseau serré de ses catégories. Il en résulterait alors l’idée selon laquelle, la poésie serait « sociale », car expression d’une entité sociale qui est la langue. Si le matériau du langage n’est pas une nomenclature utilisable par les sujets parlant, mais un réseau serré de signes, qui tous ensemble se répondent et forme un tout vivant, un tout en devenir dans l’Histoire ; l’usage du langage ne fait que jouer sur les possibilités internes de la langue. La parole n’a pas de référent réel dans le sentiment, ni dans une réalité qu’elle pourrait viser. Le seul référent de la parole est la langue et le système de ses articulations internes. Toute expression appartient d’abord à la langue et tourne en rond dans la langue, dans la relation qu’un signifiant entretient à d’autres signifiant au sein de la structure du langage. La pensée est mise en boîte dans le concept et le concept cloîtré dans les mots, la pensée ne pouvant que déambuler dans la langue, sans jamais atteindre autre chose que les différences structurées par la langue.

    S’il en était vraiment ainsi la poésie n’aurait guère de sens, car elle ne prend son sens que dans son élan vers l’indicible, dans l’expression vivante de la pensée. La vie biologique se réduit mal à des mécanismes dont on se sert pour l’expliquer. La vie de la pensée ne se réduit pas non plus aux mécanismes du langage dont elle se sert pour s’exprimer. Bien sûr que le poète a acquis une maîtrise sur le langage, et même une maîtrise qui nous éblouit, nous autres qui sommes encore maladroits à parler. Mais la poésie n’est pas seulement une « technique ». Elle l’expression même de la Vie qui se donne à soi, s’éprouve au sein du sentiment, si proche d’elle-même dans cette étreinte que le langage n’y a pas vraiment accès. La parole poétique est d’abord sensible, et d’une sensibilité qui n’est pas une « propriété » du langage. L’intelligence qui se donne à soi dans la parole poétique est fondamentalement plus large que l’intellect qui l’analyse, la décortique en éléments linguistiques.

    3) Il est aussi bien facile de relativiser la création poétique en disant que ce n’est jamais qu’un effet de miroir de la « société » qui ne fait que se renvoyer à elle-même, par poète interposé, ses propres préoccupations. On a souvent dire que la poésie était « sociale » entendant par là qu’elle devait être « populaire » comme langage du peuple se renvoyant sa propre condition. La poésie serait un reflet de la conscience collective d’une époque et rien de plus. Un matériau « social ». On a même soutenu que la poésie, travaillant une langue appartenant à une société historique, se devait de porter avant tout un « message ». Bref, on écrit pour faire de la propagande ; soit pour dénoncer un régime, soit pour le porter au sommet de l’idéal. Le sonnet à la gloire du régime, le poème de la dénonciation de la guerre deviendrait alors l’essence de l’acte poétique, car en eux la conscience d’une époque se retrouverait elle-même, éclipsant par là même toute Parole singulière et devenant un « phénomène social » parmi d’autres. Nous savons que les mots peuvent blesser, que les mots peuvent exprimer de la révolte, un appel, une angoisse : violence d’une époque, révolte d’un temps, appel d’une jeunesse éperdue, angoisse d’une existence sans repères et voilà toute l’essence de la poésie ! La socialisation de la poésie a des avantages indéniables pour l’interprétation. On met dans le même sac tout le bruit social du discours, le chaos d’un monde et il ne reste plus qu’à désigner l’écho médiatique de la société comme la substance de la parole. Cela nous donne les clés d’interprétation d’une sorte de « discours » qui n’a donc rien de spirituel, mais n’est rien moins que le bruit du monde précipité dans des mots choisis. Cela démocratise à l’infini le discours poétique pour le confier à n’importe quelle expression. Il suffit d’en faire le porte-parole d’une revendication sociale. La chanson engagée est alors l’essence de la poésie, le rap est donc poésie brute, comme les tags sur les murs sont de l’art brut. « Tout est poésie », parce que tout est « social ». Ou aussi, et de préférence, toute expression est « poétique », dans la mesure où elle tranche avec le discours convenu du conformisme ambiant. Les mots sont comme des balles, il faut savoir sur qui on tire, dit Sartre dans Qu’est-ce que la littérature ? Si on regarde effectivement ce que la littérature devenait aux temps de triomphe idéologique du marxisme, il semble bien que la valeur d’un écrit se mesurait à l’époque à sa vigueur à tirer sur les bourgeois à d’exalter la ferveur révolutionnaire.

    Tournons la page et laissons la « société » aux sociologues et rendons la poésie aux poètes. Le dévalement de la poésie vers le langage empirique et sa boulimie de communication dénature son sens. La parole, dans le discours ordinaire, est bien trop tournée vers l’utilité, pour que nous percevions sa puissance poétique. Comme l’écrit S. Aurobindo dans La poésie future : « Dans le discours ordinaire, le langage sert surtout de moyen pratique et limité de communication ; il nous sert dans notre vie pour exprimer les idées et les sentiments nécessaires ou utile à la vie. Ce faisant, nous traitons les mots comme des signes conventionnels représentants certaines idées et ne prêtons qu’une attention superficielle à leur force inhérente. Nous nous en servons comme de n’importe quelle machine ordinaire, comme d’un simple outil. Tout en reconnaissant leur utilité dans la vie, nous les traitons comme s’ils étaient eux-mêmes privés de vie ». Pourtant, continue S. Aurobindo, un regard en arrière dans le temps, nous montre que dans le passé, dans les traditions les plus anciennes, l’homme ne vivait pas le rapport à la parole sur un mode seulement utilitaire. Aux sources de la poésie grecque, aux sources de la tradition indienne, jusque dans l’antique Rig-Veda,« les mots possédaient non seulement une vie propre, une vie intense et bien réelle, mais celui qui les prononçait en était plus conscient que nous ne saurions l’être nous-mêmes, avec nos intellects mécanisés et sophistiqués. Cela provenait de la nature primitive du langage qui, … n’était pas conçu… comme un représentant des idées distinctes de l’intelligence, que comme un représentant de sentiments et de sensations, d’impressions mentales plus larges, indéfinies, aux qualités finement nuancées, qu’aujourd’hui nous n’avons plus souci de rechercher ».

B. La sensibilité poétique

    Qu’est-ce donc que cette sensibilité poétique qui serait à même de nous permettre d’habiter poétiquement le langage, au lieu d’en faire seulement un outil ? En-deçà de toute création musicale, il y a une sensibilité à la musique et on ne concevrait pas le talent créateur en musique, sans une sensibilité élevée à l’harmonie des sons. De même, le peintre est le premier à savoir apprécier le jeu des couleurs et des formes, ou il ne serait pas peintre. Ne peut-on pas dire que cette sensibilitéqui l’origine de toute poésie est sensibilité à l’instant ?

    1) La pensée, prise dans le cours de la vigilance quotidienne, roule dans le mouvement continuel du temps psychologique. Le mental, dans le temps, ne cesse de construire une fin, de se projeter dans un futur. Il ne peut marquer d’arrêt et du coup, la sensibilité présente dans l’instant lui échappe. Et si le moment poétique par excellence, était inscrit dans une ouverture immédiate à ce qui est ? Dans une présence au présent dans laquelle la donation de l’Être à lui-même affleurait ? Et si l’essence de la poésie tenait à la grâce de l’éphémère ? Il y a beaucoup de textes contemporains qui invoquent et font écho à ce jaillissement de la poésie dans l’instant. Témoin celui de Soline :

    « Il y a dans le tremblement de l’aile d’un oiseau surpris, plus de vérité que tous les discours et les livres que tu écrirais, plus de vérité saisie dans l’instant – parce que saisie dans l’instant – et plus de sagesse aussi.

    L’esprit le plus sophistiqué n’atteint jamais l’évidente simplicité d’une ardeur animale, d’un baiser d’enfant, d’un geste de tendresse sans préméditation et sans calcul, surgis eux aussi dans l’instant ».

    « Ces grâces éphémères sont plus que la vérité et la sagesse. Elles ont à l’origine de tous les éveils. Dieu s’incarne dans ce tremblement. Libre à l’homme de l’y déceler ou non. L’essence de la poésie est dans un cri du vent, une eau que la peau a touchée et épousée ».

    La pensée qui se déploie dans un cheminement discursif (R) suit une idée et développe le contenu d’une mémoire. Elle se développe dans le temps et du coup, perd aisément le contact vivant avec l’instant. Elle perd le dynamisme d’un jaillissement intuitif, pour se consigner dans l’ordre de l’exactitude du concept. Elle est intentionnelle, et l’intentionnalité qui la caractérise la maintient dans le champ de la représentation. Mais il est un lieu vivant qui précède la représentation, le lieu même où la Vie reste en contact avec elle-même, s’éprouve comme pur sentiment de soi. C’est dans cette affectivité originaire que se déploie le jaillissement poétique. C’est là que fulgurent les étincelles d’éveil, « sans préméditation et sans calcul », donc sans intention de la part de la pensée. Quand la pensée n’a plus d’objet, mais qu’elle se tient dans une ouverture sensible, sans objet. Y a-t-il une clé de l’expérience poétique ? « La clé existe dans cet émoi rendu possible par une seule ouverture du regard. Ce regard est celui du cœur qui, en s’ouvrant, se voit fondu dans un battement, dans un rythme plus immense que lui, dans lequel il s’absorbe peu à peu en y nageant avec délice ».

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    Ce délice poétique qui est un éveil sensible, il est extrêmement présent dans la poésie même la plus classique et il donne à bien des poèmes leur saveur et leur éclat. Souvenons-nous de Rimbaud dans :

      Sensation

    Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
    Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
    Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
    Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

    Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
    Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
    Et j’irai loi, bien loi, comme un bohémien,
    Par la Nature, - heureux comme avec une femme
.

    Il est remarquable que la séquence du poème commence par le contact de la terre, le toucher, par l’efflorescence de la couleur, le mouvement du vent. Début très proche des Eléments, au sens de l’ancienne métaphysique. Tout aussi remarquable est l’espace ouvert au silence, sans la pensée ordinaire et son bavardage continuel. Etonnant enfin que du silence de la pensée dans l’éveil des sens, l’amour infini, l’amour sans limite monde dans l’âme et qu’au sein de l’amour une liberté nouvelle se donne à elle-même. Mais c’est là une véritable expérience et bien la grâce de l’éphémère, dans la donation pleine et entière du sensible. Cette grâce de l’éphémère culmine dans l’expansion du bonheur au sein de la Nature, (texte) et d’une Nature vue, non avec l’analyse du concept, chose très masculine, mais dans une étreinte féminine. Heureux comme avec une femme.

    2) La poésie est bien une création, pas seulement une effusion, ou mieux, elle est une extase créatrice. L’écriture poétique ne consiste pas à donner un rapport objectif et détaillé de faits qui seraient représentés ; non, la réalité vivante que découvre la poésie et en même temps créée par la Parole. Et il est essentiel de ne pas vider de toute humanité cette transfiguration. Comme l’explique le grand poète espagnol Roberto Juarroz, « la vision poétique voit avec des mots ». Il dit ainsi : « je vis le poème comme une explosion d’être sous le langage ». En d’autres termes, « le poème est l’expansion abrupte d’une réalité fondamentale qui se génère au travers des possibilités sous-jacente de l’expression verbale ». Partant de cette radicalité, Juarroz avoue avoir éprouvé « la faiblesse et la mollesse d’une grande part de la poésie », ce qui permet de comprendre le titre de son œuvre Poésie verticale. (texte) On pourrait en ce sens dire que la « poésie horizontale », manquerait de densité, sa faiblesse serait une indigence sensible, sa mollesse tiendrait peut être aux artifices de l’intellect tentant de combler, par la technicité de l’expression, l’absence d’une vision et sa densité. Si le poème jaillit d’un contact avec l’Être, il ne peut y être question de distance conceptuelle, de séparation entre le sentir et le pensé. Il ne peut y avoir qu’une expérience du poème, jusque dans ses ultimes prolongements formels. Au point même que les mots ne soient plus des coquilles vides, mais au contraire des entités vivantes. Comme si l’essence de la poésie reconduisait à une sorte d’animisme verbal : « J’ai cherché dès lors une poésie plus concrète en son essence, douée d’un poids spécifique, solide, verticale… avec la conviction que sentir et penser ne sont pas choses distinctes, avec une fidélité fondamentale au développement propre à chaque nœud poétique, et une participation vitale au poème, ou une expérience intégrale de celui-ci… avec une sorte d’animisme verbal (reconnaissance de la vibration, de l’accord, de la conduite et l’âme de chaque mot) ». Telle est l’expérience conduite par exemple avec l’imperfection et la perfection :

        168

    Comment aimer l’imparfait
    Si l’on écoute au travers des choses
    Comme le parfait nous appelle ?
    Comment parvenir à suivre
    Dans la chute ou l’échec des choses

    La trace de ce qui ne tombe ni n’échoue ?
    Peut-être nous faudrait-il apprendre que l’imparfait
    Est une autre forme de la perfection :
    la forme que la perfection assume
    Pour pouvoir être aimée
.

    La poésie vécue est une recherche dont l’humanité même est pathétique, pathétique de tout l’amour qu’elle enveloppe dans les espaces vivants de la parole. L’élan de la parole n’est jamais séparable de l’élan du cœur qui justement surmonte toute séparation et toute distance. « la poésie peut … abolir en un acte d’amour la distance entre l’homme et les objets, entre l’homme et la nature, entre l’homme et l’homme, entre l’homme et la mort ». Cette possibilité latente en la parole, de surmonter les barrières que l’intellect peut ériger, c’est aussi une révélation fondamentale : la pensée ne se réduit pas au langage de l’intellect et à sa logique de la séparation, à sa logique duelle. Il y a dans la pensée une source intuitive qui vient se libérer dans le geste poétique, parce qu’en la parole poétique l’intelligence vient rencontrer la pointe la plus fine du sentiment. La pensée que l’intellect déploie enfante dans le concept des objets de la matière du monde. Or, précisément, l’étincelle poétique fait avouer à Juarroz ceci : « Il y a, au cœur de ma poésie, la conviction que la pensée est plus concrète que la matière du monde. C’est pourquoi, au cœur de ma poésie, il y a aussi un visage ». Concret ne veut évidemment pas dire « objectif », comme le langage conceptuel et scientifique nous le laisse souvent croire, concret signifie sensible, mais aussi pathétiquement humain.

    Cette autre penséequi se déploie dans la poésie doit nous interroger directement, car ce que nous savons du monde, nous le savons à travers le monde construit par la pensée de l’intellect. Qu’il soit possible de déployer une pensée plus verticale que la pensée de la pensée du concept forgé par l’intellect a de quoi nous surprendre. Pourquoi Heidegger, à la fin de sa vie, quitte-t-il le domaine de la métaphysique, qu’il estime clôturé par Nietzsche, pour entreprendre une herméneutique de la poésie en relisant Hölderlin et G. Trakl ? S’est-il égaré à la fin de sa vie, selon le titre d’un de ses livres dans des Chemins qui ne mènent nulle part ? Pourquoi ce retour vers la poésie ? Comment, plus près de nous, Stephen Jourdain peut-il dire qu’il entend faire de la métapoésie en lieu et place de la métaphysique ? Sommes-nous en présence d’un changement radical quant à la manière dont nous nous rapportons à la pensée ?

B. L’élan vers l’indicible

    Dans La poésie future S. Aurobindo, après exploré dans le détail les voies de la poésie anglaise, pose dans la seconde partie de son ouvrage la question, en demandant ce que deviendrait la poésie « dans un âge ou le mental deviendrait de plus en plus intuitif ». Il y a deux points à considérer ici a) que veut dire ce changement d’âge, b) que signifie le mental intuitif.

    a) Il ne s’agit pas de se livrer à des prédictions quant à l’orientation de la poésie par delà ce que nous pourrions appeler la postmodernité. Il s’agit surtout de resituer la perspective de la poésie dans une transformation de la conscience de l’humanité. Il est intéressant de noter qu’Aurobindo délibérément situe le temps de la domination de l’intellect dans le passé. « Cette époque que nous venons de traverser, mais dont l’ombre nous recouvre encore, fut en effet l’âge du matérialisme, âge terre à terre, extérieur, positiviste, âge de la raison scientifique et utilitaire ». Dans Le cycle humain, le procès de l’Histoire était clairement analysé dans ce sens. L’évolution biologique a suivi son cours pour nous amener à cette structure actuelle du système nerveux humain. Mais elle ne saurait s’arrêter là, car ce qui s’éveille dans le vivant, cherche aussi à s’éveiller dans le mental humain. L’évolution spirituelle prolonge, complète et complexifie l’évolution naturelle. La conscience de soi de l’esprit presse dans l’Histoire pour se manifester d’avantage à elle-même. L’Histoire est une aventure de la conscience, une aventure où l’esprit doit former ses propres impasses et les rencontrer pour dépasser ses propres limites. Il n’entre pas dans le propos de cette leçon d’examiner ce problème, il nous suffit ici de noter que pour Aurobindo, il semble inéluctable qu’à l’ère du matérialisme larvé succède l’avènement d’un âge spirituel. Le temps est maintenant venu pour que l’esprit de l’homme s’éveille à lui-même et dans cet éveil à soi, dans cette réalisation de soi de l’âme, le sens de la poésie va être complètement renouvelé, parce que s’éveille peu à peu ce qu’Aurobindo appelle le mental intuitif.

    b) La chose n’est pas vraiment nouvelle. Que a la poésie ne soit pas redevable de la raison seule, Platon l’avait déjà montré. Par contre, ce qui est neuf, c’est l’éclairage très précis apporté par Aurobindo sur l’inspiration poétique. L’étude d’Aurobindo porte bien sûr sur la poésie anglaise, et il montre qu’il y a bien chez Keats, Milton, Whitman des percées remarquables du mental intuitif. L’analyse serait à reprendre pour un lecteur de langue anglaise ; mais pour nous, lecteurs français, il est plus intéressant de nous tourner vers la poésie française, pour reformuler les thèses de La poésie future.

    Page 431, justement, dans une lettre, Aurobindo évoque Mallarmé : Le cygne

    « est un des plus beaux sonnets que j’aie jamais lus. Il y a là un vers magnifique :

            Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui !

    Cette idée des vols réprimés (des pouvoirs emprisonnés) de l’âme qui ont formé un glacier, me semble aussi puissante que violente… Selon moi, le cygne ne représente pas seulement le poète qui n’a pas chanté dans les plus hauts espaces de la conscience, ce qui est déjà une très belle idée, mais l’âme qui ne s’y est pas encore hissé pour trouver son expression la plus sublime ; le poète, … n’est qu’un exemple de cette frustration spirituelle. On en saurait exprimer cette frustration de façon plus puissante, émouvante et impressionnante – cette grandeur glacée, stérile – que par l’image du lac gelé et du cygne prisonnier tel que Mallarmé l’a décrit ».

    Voici le poème complet :

    Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui
    Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivre
    Ce lac dur oublié que hante sous le givre
    Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui !

    Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui
    Magnifique mais qui sans espoir se délivre
    Pour n’avoir pas chanté la région où vivre
    Quand du stérile hiver a resplendi l’ennui.

    Tout son col secouera cette blanche agonie
    Par l’espace infligée à l’oiseau qui le nie,
    Mais non l’horreur du sol où le plumage est pris.

    Fantôme qu’à ce lieu son pur éclat assigne,
    Il s’immobilise au songe froid de mépris
    Que vêt parmi l’exil inutile le Cygne.

    Partons de là. Le poète peut sentir une sorte de frustration à ne pas chanter dans les hauts espaces de la conscience. Ce qui correspond exactement à la conception du mental intuitif, dans sa différence avec le mental ordinaire. Le mental ordinaire, c’est le fonctionnement habituel, assez confus de la pensée, avec ses bruits parasites et ce fond qui a tendance à tout mettre dans les tons neutre et gris. Sorte de nuée de mouches qui tourne autour de la tête des gens et qui représentent leur mille et une pensées, comme dit Satprem. Son fonctionnement ordonné reste assez mécanique.

    Au dessus de ce niveau, apparaît le mental supérieur, degré caractéristique des philosophes et des penseurs. De ce niveau, Aurobindo dit qu’il s’agit là d’une pensée qui ne comprend que quand l’intuition « a été diluée, logicisée et fragmentée en tant de pages, de mots ou d’idée ». Le mental ne commence ici à comprendre que quand il a bien expliqué. Il est avant tout discursif. C’est le règne des divisions précises de l’intellect, de l’empire rigoureux de la discrimination. Satprem ajoute qu’en lui on commence à savoir ce qu’est la joie en soi, l’amour en soi, sans cause, mais que les constructions mentales restent encore une substance mentale assez lourde. Ce type de pensée se donne beaucoup de mal pour éliminer en cours de route ce qui est contraire à sa conclusion. Il est épris de système. Ce n’est pas ici que la poésie trouve son élan créateur le plus puissant.

    D’où alors ? Au dessus du mental supérieur, apparaît le mental intuitif, celui en lequel apparaît « un état d’enthousiasme au sens où les grecs l’entendaient », comme dans le texte de Platon analysé dans une autre leçon. Satprem commente en disant que : « l’accès à cette conscience nouvelle s’accompagne d’une efflorescence spontanée de capacités créatrices, surtout dans le domaine poétique ». Ce qui est propre à cette forme de la pensée, ce n’est pas tant le sens qui est particulier et typique, c’est surtout d’avoir une vibration très caractéristique. Un rythme unique, vivant, un débordement d’images accompagné de percées lumineuses de l’intuition. Un lecteur français pensera immédiatement à Rimbaud, notamment dans Le bateau ivre.

    Particulièrement dans des passages comme celui-ci :

    … « La tempête a béni mes éveils maritimes.
    Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
    Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
    Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

    Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
    L'eau verte pénétra ma coque de sapin
    Et des taches de vins bleus et des vomissures
    Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

    Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
    De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
    Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
    Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

    Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
    Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
    Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
    Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

    Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
    Et les ressacs et les courants : Je sais le soir,
    L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
    Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir ! »

    C’est comme si le jaillissement ici engendrait un choc qui continue de résonner encore après. Cela ne signifie pas que cela puisse être permanent et constant dans une œuvre. Le mouvement de la conscience peut revenir dans un plan moins éclairé, infra-rationnel. Ce qu’il importe de noter, c’est le flot des images, « comme si la conscience avait du mal à contenir la vague lumineuse et ce surcroît d’intensité ». Il faudrait toute une discipline pour que l’inspiration se maintienne à ce niveau, ce qu’elle ne fait que très rarement. D’où le caractère le plus souvent inégal de la poésie, mêlant trouvailles géniales et lumineuses à des trivialités d’un intérêt assez mineur. L’inspiration s’élève, jaillit et redescend dans la conscience ordinaire. Cependant, la joie créatrice est ici bien présente.

    Cette description des plans du mental et cette approche de la poésie chez Aurobindo répondent à une authentique expérience. Il ne s’agit pas de pures spéculations sur la nature de l’esprit, mais de visions. C’est l’épithète de poète qu’Aurobindo choisissait lui-même pour qualifier son œuvre. La grande épopée de Savitri a été composée avec une conscience très claire du processus de l’inspiration. Aurobindo sait donc très bien de quoi il parle. Comment écrivait-il lui-même? Il se mettait devant la machine à écrire et faisait le silence dans le mental, puis il reprenait les derniers vers écrits et, disait-il, laissait descendre en lui, comme une coulée de lumière, un flot et un rythme. Curieusement, il souligne qu’il ne « pensait » jamais ce qu’il écrivait, au sens de l’intellection réflexive ordinaire. Il ne faisait pas d’effort intellectuel ; il ne retouchait pratiquement pas l’écriture, mais laissait se déployer le rythme des images. Il se mettait seulement dans un état de réceptivité où le processus prenait place de lui-même. Cela pourrait nous faire penser à l’écriture automatique des surréalistes, sauf qu’ici, il n’est pas question de revenir dans l’infra-rationnel, mais au contraire de se maintenir dans une ouverture consciente au supra-rationnel. (texte) Aurobindo déploie une série de visions en les laissant se développer longuement, y compris quand elles décrivent la condition la plus sombre de l’âme. Lu d’une seule traite, Savitri emporte dans un rythme et plonge son lecteur dans un climat où toutes les colorations du sentiment sont présentes.

    Dans le Livre II, chant, V, il est question des royaumes de la petite vie et de la condition de l’homme :

    « Une satisfaction crasse prolonge son état déchu ;
    Ses petits succès sont les échecs de l’âme,
    Ses menus plaisirs ponctuent de fréquents chagrins :
    Les vicissitudes et les servitudes sont le haut prix qu’il paye
    Pour le droit de vivre, et la mort est son dernier salaire.
    Une inertie qui coulent dans l’inconscience,
    Un sommeil qui imite la mort, est tout son repos.
    Un mince scintillement de force créatrice
    Aiguillonne ses fragiles œuvres humaines
    Qui, pourtant, durent plus que le souffle de leur bref créateur.


    Il rêve parfois d’une bacchanale des dieux
    Et voit Dionysos lui faire signe en passant –
    Une intensité de lion qui briserait son âme
    Si cette suave et puissante ivresse de joie soufflait
    Par ses membre fragiles et son faible cœur -
    Des amusements futiles l’enflamment et usent
    L’énergie qui lui est donnée pour grandir et pour être.
    Sa petite heure s’épuise à de petites choses 
».

Plus loin, dans le chant XIV, la tonalité est très différente, quand il est question de l’âme du monde :

    « Comme l’un qui est tiré par son pays spirituel perdu
    Et sent proche maintenant un amour attendu,
    Il est entré dans un paysage indistinct et frémissant
    Qui le captivait jour et nuit au milieu de ses travaux :
    Il voyageait, conduit par un son mystérieux.
    Un murmure, innombrable et solitaire,
    Tous les sons tour à tour, et pourtant le même toujours.
    L’appel caché d’un délice imprévu,
    La voix pressante d’un être longtemps connu et aimé
    Mais sans nom, immémoré par le mental,
    Ramenait à la joie le cœur vagabond 
».

    Il faudrait donner encore des extraits de cet immense poème, mais c’est au lecteur de le traverser. Ce qui est remarquable dans cette poésie, c’est que l’immersion dans le texte rend véritablement palpable quelque chose comme le flot de l’écoulement d’une pensée, mais qui n’est plus justement de l’ordre d’une pensée de l’intellect, qui est d’avantage vision que raisonnement, discussion et analyse. Ou encore qui laisse s’épanouir dans l’image ce qui est contenu dans l’idée, mais avec sa tonalité sensible. Le chapitre III de la biographie écrite par Satprem, s’intitule La fin de l’intellect. Très tôt, Aurobindo a compris quelles étaient les limites du mental ordinaire, en se rendant compte qu’à son niveau, il était capable de constamment jouer avec la dualité. De prouver une chose et aussi son contraire. Donc qu’en rester là était un jeu stérile. Il fallait passer au-delà de l’intellect et il est intéressant de noter que cela ne conduit pas Aurobindo à une sorte de mutisme mystique devant le Silence de l’indicible. Non, bien au contraire, c’est ce qui le conduit droit à la poésie, mais à une poésie nouvelle. Il nous semble bien que c’est là que commence la métapoésie revendiquée par Stephen Jourdain, que commence cette autre pensée appelée par Heidegger.

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    Nous avons tôt fait de cataloguer les poètes en les mettant dans une boîte conceptuelle : il y a les romantiques (A. de Lamartine, Victor Hugo), les surréalistes (André Breton, Paul Eluard), les mystiques (Rabindranath Tagore ou S. Aurobindo) etc. La critique littéraire excelle à pratiquer ces divisions pour le faire entrer dans un modèle d’interprétation défini. Cependant, nous savons déjà qu’entre prose et poésie, la séparation ne saurait être brutale. Un poème peut s'écouter à haute voix, mais la fluidité d’un beau style dans le roman, a aussi cette magie qui charme à l’écoute.

    La poésie n’est pas seulement un simple jeu de l’esprit avec le langage. Elle n’est pas de l’arbitraire pur et simple. La poésie est une affaire sérieuse, si elle est approchée en pleine conscience, et justement dans une conscience bien plus large que la conscience ordinaire. Elle n’est pas seulement un usage artificiel et compliqué du langage de la communication. Elle remonte aux sources de la Parole, à cette Source où la Parole est originellement poétique. Elle tient à notre manière d’habiter le langage.

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  © Philosophie et spiritualité, 2004, Serge Carfantan.
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